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Par ELLIE et Patrick LAGNEAU

LA PREMIÈRE DÉCLARATION D'AMOUR D'HECTOR

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Hector est assis à sa table d’école. Le maître parle de Vercingétorix, un grand chef gaulois qui a été battu à Alésia par les Romains et...
Hector n’est plus là. Il a abandonné la classe, le maître et Vercingétorix. Ses pensées l’emportent par la fenêtre dans le ciel bleu de printemps et ses quelques nuages.
Il ne le sait pas encore, mais Hector est amoureux. Il a croisé le regard d’une jolie fille de son âge. Et elle lui a souri. Alors, c’est sûr, il lui plaît. Elle aussi d’ailleurs lui plaît. Cela s’est passé hier.

***

Il construisait des arcs et des flèches dans le bois pas très loin de chez lui, avec Serge et Gaby, ses copains de quartier, pour jouer aux Indiens. Ils avaient tout ce qu’il fallait : couteaux, ficelle et même des petits bouts de cuivre. Ramassées sur des chantiers de maisons en construction, les chutes de tuyaux avaient été sciées en plusieurs bouts travaillés au marteau afin d’être ajustés à l’extrémité des flèches, juste pour leur assurer une trajectoire parfaite dans les airs. L’apothéose était de les regarder se planter à coup sûr dans la terre, mais surtout dans l’écorce des arbres.
Ce jour-là, ils avaient décidé de faire un concours. Une peau de lapin, récupérée chez la grand-mère de Serge, avait été clouée sur un tronc d’arbre comme cible et, l’un après l’autre, ils devaient tirer une flèche avec leur arc et la planter dans la peau de lapin. Quand ce fut au tour d’Hector, il se mit en position avec sa flèche qu’il positionna sur la ficelle de son arc. Il le banda lentement, un œil fermé pour viser au mieux la cible. Sûr de lui, il lâcha la ficelle tendue qui emporta la flèche... en plein milieu de la peau de lapin.

À ce moment-là, des applaudissements firent se retourner les trois garçons qui découvrirent deux filles qu’ils n’avaient pas entendu approcher. Il ne fallut que deux secondes à Hector pour comprendre que son tir les avait épatées. Surtout l’une des deux, une brune aux cheveux longs et bouclés qui fixait Hector de ses yeux bleus. Fasciné par son regard, Hector était figé. Alors qu’elles faisaient demi-tour pour s’éloigner, la brune adressa à Hector un sourire qu’il n’a jamais oublié.
— Vous connaissez la brune ? demande Hector à ses copains.
— Ouais, je la connais, dit Gaby. Elle s’appelle Louisa Stoller et habite à la gare. Elle va à la même école que nous, mais chez les filles.
Hector sait bien que la gare est un quartier un peu éloigné de celui où ils habitent, et bien sûr que l’école des filles est séparée de celles des garçons par un mur commun.
— Hé, mais t’es tombé amoureux, lance Serge à Hector...
— Moi ? N’importe quoi, réplique Hector en rougissant.
— Allez, tu peux nous le dire, va, on a bien vu comment vous vous êtes regardés tous les deux. Remarque, t’as pas à avoir honte, elle est très belle...
— C’est vrai qu’elle est belle, dit Hector, mais ça ne veut pas dire que je suis amoureux...
— Tu aimerais bien la revoir ? demande Gaby.

— Ben... oui ! Mais comment veux-tu que je la revoie ?

— T’inquiète ! On se donne rendez-vous dans la cour à la récréation...

— Mais... on n’est pas dans la même cour avec les filles...

— Fais-moi confiance ! Tu verras...

***

— Ah, je crois que Monsieur Hector est encore dans les nuages...
Hector redescend sur terre et réalise qu’il est en classe.
— Et Monsieur Hector veut-il bien nous dire à quoi il rêvait ?

— Je... je ne rêvais pas, M’sieur ! Je pensais à Vercingétorix... Je me disais que ça devait être un grand homme...

— Oui, eh bien, essaie d’être un peu plus attentif, s’il te plaît !

— Oui, M’sieur !

Hector baisse les yeux sur son cahier, puis jette un œil sur la pendule au-dessus du bureau du maître... Plus que cinq minutes et ce sera la récréation... Il va enfin savoir comment il reverra Louisa...

***

À peine dans la cour, Hector repère Gaby, pas dans la même classe que lui, qui l’attend près du lavabo extérieur où ils se lavent les mains avant de rentrer en classe.
— Qu’est-ce que tu fous là ? Tu veux te laver les mains ? demande Hector.  

— Ben, évidemment, réplique Gaby d’un air goguenard. Mais non, banane, je vais te montrer un truc, viens... approche !

Hector vient se placer à côté de Gaby qui lui montre un trou dans le mur, juste à côté du robinet. Il lui fait signe de se taire et colle son œil devant le trou...

— Mais qu’est-ce que tu fous encore ?

Gaby ne répond pas et n’a de cesse de regarder dans le trou. Soudain, il se recule avec un doigt en travers de ses lèvres pour lui signifier qu’il doit garder le silence. Avec l’autre main, il lui montre le trou et l’incite à s’approcher pour regarder à son tour... Et à sa grande surprise, il aperçoit le visage de la copine de Louisa. Elle fait un signe sur sa gauche puis disparaît de son champ de vision. Soudain, Hector, ébahi, aperçoit les yeux bleus de Louisa qui l’observe également à travers le trou dans le mur. Subjugué, il est scotché et n’ose pas bouger de peur que Louisa s’en aille. C’est à cet instant que le maître sonne la cloche qui annonce la fin de la récréation. À regret, Hector s’éloigne alors du trou. Encore un coup d’œil vite fait... Louisa a disparu...

***

Le soir, dans son lit, Hector ne trouve pas le sommeil. Comment faire comprendre à Louisa qu’il l’aime. Parce qu’il en est sûr, aimer, ce doit être ça. Les regards ne trompent pas. Mais il n’osera jamais lui dire en face qu’elle est son Grand Amour. Alors, comment lui avouer ? Comment lui faire comprendre ? Soudain, il est certain d’avoir trouvé la solution. Il a un plan. Fier de son idée, il ose s’imaginer dans les bras de Louisa. Il ferme les yeux avec un large sourire. Cinq minutes plus tard, il dort à poings fermés.

***

Le lendemain, Hector est pressé. Pas d’école aujourd’hui, c’est dimanche. Le jour idéal pour réaliser son plan. Plutôt que d’avouer à Louisa qu’il l’aime, il va lui écrire.
Pas un mot doux, non.
Pas une lettre non plus.
Juste une phrase. Sur un mur.
Un mur devant lequel elle passe tous les jours pour retourner chez elle à la gare.
Alors forcément, elle pourra lire sa déclaration...
À peine habillé et son petit-déjeuner avalé, Hector sort de chez lui, la musette de pêche de Papa en bandoulière, et se dirige vers une maison en construction, pénètre à l’intérieur à la recherche... de morceaux de plâtre. Parce que pour écrire sur un mur, il n'y a rien de mieux. Une fois que la musette est suffisamment remplie, il quitte la maison en construction et s’éloigne à grands pas.
Dès qu’il parvient au pied du mur qu’il avait repéré, il pose sa musette au sol, l’ouvre et s’empare du premier morceau de plâtre. Il a bien préparé la phrase pour Louisa dans sa tête. Il va écrire « Hector Herot aime Louisa Stoller ».
Mais il se dit qu’il est possible qu’elle soit gênée si elle passe avec des copines... Elle risque de ne pas apprécier... Alors ?
S’il écrit que parmi toutes les filles qu’il aime, c’est elle qu’il préfère, elle serait sans doute fière devant ses copines... Allez, c’est parti...
Et morceau de plâtre après morceau de plâtre, Hector écrit, sans fautes et en grosses lettres blanches :

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Malheureusement, Louisa ne verra jamais cette jolie phrase d’amour. Dix minutes après qu’il est rentré chez lui et monté dans sa chambre, quelqu’un sonne à la porte de la maison. Il pâlit lorsqu’il reconnaît la voix de son maître d’école.
— Bonjour, Madame Herot. Excusez-moi de vous déranger, mais je crois que votre fils Hector a fait une bêtise...

— Mon Dieu ! Qu’est-ce qu’il a encore fait ?

— Figurez-vous qu’il a écrit avec du plâtre sur le mur de mon jardin ?

— Ah ? Et il a écrit quoi ?

— Je ne voudrais pas faire de scandale, mais disons que ça ressemble à une déclaration d’amour...

— Une déclaration d’a... ? Vous êtes sûr que c’est lui ?

— Certain. Venez voir avec moi !

— Hector ! Descends un peu !
Quand peu après, ils parviennent ensemble devant chez le maître, Maman est vraiment... au pied du mur.
— Mais enfin, Hector, qu’est-ce qui t’a pris ? Et qui est cette Louisa Stoller ?
Hector ne sait pas quoi répondre. Il ne peut que baisser la tête et rougir, tant il a honte. Être pris en flagrant délit d’amour... Et devant le maître, en plus...
— Bon, ne vous inquiétez pas, Monsieur l’instituteur ! Je vais nettoyer votre mur.

***

Maman va chercher un seau avec de l’eau et une brosse. Puis elle frotte, frotte pendant plus d’une heure. Quand le mur est enfin débarrassé de toute inscription, le maître la remercie chaleureusement. Et bien sûr, ils en restent là, sans autre conséquence.
Sauf pour Hector qui, une fois rentré à la maison, est expédié dans sa chambre avec une phrase à copier cinq cents fois, et non pas sur un mur, mais sur du papier :

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