Louis Joblot
Il y a des inventions auxquelles il est difficile d’associer un inventeur précis. En effet, même si Cugnot avait réalisé le tout premier prototype d’automobile, son nom est largement tombé dans l’oubli et ce sont ses « successeurs », Demler et Benz qui lui ont donné ses lettres de noblesse et ont favorisé son développement. Notre inconnu du jour fait partie de ces « successeurs » qui ont amélioré un prototype approximatif pour en faire un outil scientifique fiable et précis. Mais lui n’a pas laissé son nom à une entreprise internationale. Dommage, c’était un Meusien.
Louis Joblot naît à Bar-le-Duc en 1645. Il n’est pas noble, mais ses parents sont probablement de riches marchands de la ville, car il fait des études suffisamment poussées (et brillantes) pour obtenir un poste de professeur à l’Académie royale de Peinture et Sculpture de Paris (l’ancêtre de l’Académie des Beaux-Arts) alors qu’il n’a que vingt-cinq ans. Il y enseigne la géométrie et la perspective, mais s’intéresse à d’autres domaines, comme beaucoup de grands esprits de cette époque. Il pratique la gravure et se passionne pour le magnétisme. Il expérimente ainsi un aimant artificiel en 1701, alors que cette invention est souvent attribuée à un certain Pierre Lemaire en 1722. Il fait également des recherches sur l’anatomie de l’œil, la vision et l’optique. Ce qui l’amène tout naturellement au microscope. Attention, je ne prétends pas que notre inconnu est l’inventeur du microscope, Galilée et Jansen en avaient réalisé des prototypes bien avant sa naissance. Malheureusement les performances de ces instruments ne satisfont pas notre scientifique. Que faire ? Optimiser l’engin, évidemment !
Il y apporte donc de nombreuses améliorations en y joignant des planches explicatives. Il utilise par exemple quatre lentilles au lieu de deux, perfectionne le système de mise au point et utilise un diaphragme pour obtenir une meilleure luminosité. Une fois terminé, son microscope permet de grossir 400 fois (au lieu de 200 auparavant). Et pourtant, ce n’est pas ce qui va rendre Louis célèbre à son époque. Ce qui va révolutionner le petit monde scientifique, c’est l’usage qu’il va faire de ce nouvel instrument.
Il est en en effet le premier à emprisonner une fine couche de liquide entre une lame et une lamelle, pour faciliter l’observation de l’infiniment petit. Il met également au point des chambres transparentes munies d’une lentille grossissante pour observer des insectes vivants pendant plusieurs jours.
C’est ainsi qu’il découvre qu’il existe des microorganismes vivants, que l’on baptise à l’époque des animalcules. Ces organismes n’ayant jamais été observés ou décrits, il les dessine et leur attribue des noms de poissons, comme les « anguilles », d’oiseaux, comme les « cygnes », ou d’autres plus fantaisistes comme « chenille dorée », « grenade », « araignée ». De nos jours, ces protozoaires portent évidemment des noms plus « sérieux », mais la poésie y a perdu ce que la science a gagné.
Joblot étudie ces organismes en se livrant à plusieurs expériences, démontrant par exemple que cette génération d’organismes n’est pas si « spontanée » qu’on le suppose puisque la prolifération d’animalcules dans l’eau est due à d’autres animalcules apportés par l’air. Il découvre également le principe de stérilisation en tentant de contrer cette germination « spontanée ». Toutes ces expériences empiriques seront reprises beaucoup plus tard par Louis Pasteur.
Un ouvrage regroupant tous ces travaux est publié en 1718, mais ne connaît pas un succès immédiat. Il faudra attendre 1746 pour qu’il soit traduit en anglais, mais surtout 1755 pour que l’éditeur Briasson rachète les planches et fasse une réédition de cet ouvrage avec les illustrations réalisées par Joblot lui-même.
Malheureusement pour Louis Joblot, cette reconnaissance arrive trop tard. Il est décédé depuis longtemps, en 1723, à Paris. Ne reste de lui qu’une rue à son nom dans sa ville natale, Bar-le-Duc.
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