Oh ! c'est un gros nonosse (et un gros !)
Oh! Combien de dîners, combien de déjeuners,
Qui ont si bien commencé, avec ou sans bougie,
Dans la vapeur des mets les sourires se sont évanouis.
Combien ont fondu, entre entrée et dessert,
Dans un bol de potage ou en vidant un verre.
Sous l'amertume enfouie suscitant l'acrimonie.
Pour combien de femmes, d'hommes et leur progéniture !
L'orage soudain s'est dressé comme un mur,
Et d'un coup, d'un seul, a déversé sa haine
Dont nul ne sait où cela le mène.
Chaque bourrasque en passant est chargée,
L'une est accusatrice, l'autre est sans pitié.
Nul ne sait votre sort, tendres carottes et navets,
Pommes de terre ou blancs de poireaux,
Nageant dans un bouillon soigneusement dégraissé,
Agrémenté d'oignons, de clous de girofle et de jumeau,
Où s'est perdu le cœur d'une énième dissension,
S'est-il dispersé, à l'amorce de la tempête, ou repose-t-il au fond ?
On demande, où est-elle ? Est-elle tapie dans le lit de légumes ?
S'est-elle mêlée à l'ambre du délicieux liquide ?
Les yeux scrutent, on y lit l'amertume,
Les regards se croisent, soupçonneux et perfides,
On ne trouve que l'os au cœur à jamais perdu,
Mais nul, autour de la table, ne veut s'avouer vaincu.
Une fois de plus, devant cette soupe à la grimace,
Personne ne veut céder, perdre la face,
Et qu'ils soient seuls ou qu'il y ait les gosses
Tout est prétexte à l'explosion; cette fois c'est un nonosse,
Oh oui! Un nonosse, et un gros, vide de toute tendresse,
Qui, nageant dans le potage, a mis l'amour en pièces.