Berlin 1961-1989 : l'histoire d'un mur
(Deuxième et dernière partie)
Le mur en chiffres :
Le Mur est long de 155 km, dont 43 km pour couper en deux Berlin et 112 km séparant Berlin-Ouest du territoire de la RDA.
Officiellement, 136 personnes sont décédées en tentant de traverser le mur à Berlin même. Selon Karl Schröeder, historien à l'université libre de Berlin, la vérité serait plutôt aux alentours de 600. Plus de mille personnes ont perdu la vie le long de la frontière interallemande hors Berlin. Chiffres estimatifs car les autorités est-allemandes étaient plutôt avares d'informations
302 miradors, 14 000 gardes et 600 chiens sont affectés à la surveillance.
70 tunnels sont creusés entre 1961 et 1989 dans le but de fuir le bloc de l'Est. 5000 «passe-murailles» parviendront à passer à l'Ouest.
Quelques évasions astucieuses, d'autres moins heureuses :
Certains Allemands de l'Est firent preuve de beaucoup d'imagination pour traverser le mur. Des faux-officiers soviétiques aux Coccinelles à double fond, en passant par des sosies, montgolfières, tunnels et autres tyroliennes improvisées, tout fut bon pour tenter sa chance. Malheureusement, les échecs furent nombreux et leurs conséquences parfois dramatiques. Pour n'en citer qu'un, le cas de Peter Fechter, adolescent tué le 17 août 62 à quelques pas de Check Point Charlie. Il agonisa pendant cinquante minutes, le corps meurtri par 35 impacts de balle, sans que quiconque ne puisse intervenir.
Des périodes de tension :
La plus importante période de tension se passe dès octobre 1961. Suite à un différend sur la libre circulation des ressortissants alliés dans les deux parties de la ville, les chars soviétiques font face aux M48 Patton durant 16 heures. Cette confrontation coïncide avec la crise des missiles de Cuba et n'y est sans doute pas étrangère. On est à deux doigts d'une troisième guerre mondiale. Fort heureusement, cette tension extrême restera essentiellement au niveau de l'intimidation, mais Berlin deviendra le symbole incontestable de la Guerre Froide entre les deux super puissances mondiales.
La chute du mur :
Dès 1985, sous l'impulsion de Mikhaïl Gorbatchev, l'URSS lance une vaste opération appelée Perestroïka (littéralement Reconstruction). Le chef d'État est conscient du retard économique du pays et se lance dans une série de réformes audacieuses et souvent en opposition avec l'idéologie communiste : Restitution de la terre aux paysans, liberté d'entreprendre, prime de productivité aux salariés, tolérance politique, élections à candidats multiples. Les changements sont énormes et conduisent inévitablement à une pression populaire difficile à contrôler. Malgré l'hostilité d'Honecker (président du Conseil d'État de la RDA), l'Allemagne de l'Est n'échappe pas à ce mouvement populaire, bien au contraire. La contestation monte, le pouvoir se fragilise. Le 4 novembre 89, un million d'Allemands de l'Est manifestent sur Alexander Platz et réclament des droits constitutionnels.
Manifestation du 4 novembre 1989
Les autorités désemparées réfléchissent dans l'urgence à des mesures d'assouplissement. Ils décident notamment d'élargir, selon les cas, les conditions de circulation des Allemands de l'Est. Le 9 novembre 1989 vers 19h, Günter Schabowski, Porte-parole du gouvernement, tient une conférence de presse en direct à la télévision. Un journaliste lui demande quand les citoyens de la RDA auront le droit de rendre visite à leur famille à Berlin-Ouest. Après quelques hésitations, il répond : « Autant que je sache, … Immédiatement ». Gaffe volontaire ou pas, sa réponse n'est pas tombée dans les oreilles de sourds.
Conférence de presse de Günter Schabowski
La réaction des Allemands de l'Est ne se fait pas attendre. Ils envahissent aussitôt les rues et se dirigent vers le mur. Quelques heures plus tard, devant une foule de plus en plus insistante, les Vopos n'ont d'autre issue que de laisser passer un peuple épris de liberté.
L'événement fait l'effet d'une bombe. Il est transmis en direct sur les ondes radio et télé du monde entier.
28 ans de séparation viennent de prendre fin en quelques heures.
« Les paroles sont inadaptées pour exprimer certaines joies.
Pauvres, les mots, falots, insuffisants. Mais la musique est là »
Mstislav Rostropovitch, violoncelliste
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