Dubourg daniel 620 nouvelles express 22024

Par Daniel DUBOURG

La langue au chat

Il était une fois, dans un village d’ici ou d’ailleurs, un naïf, pas très malin, qu’on disait « Le Simplet », et un autre, bien finaud, qu’on nommait « Le Roué ».
Souvent, ces deux-là se rencontraient. On aurait même dit qu’ils se cherchaient et ils finissaient bien par se trouver, comme chaussure et pied, âne et chardon, poule et grain de blé. A chaque occasion, le Roué ne manquait pas de soumettre au brave gars quelques devinettes, astuces, charades dont il avait le talent. Bien sûr, il laissait le plus souvent le Simplet béat, muet, tout hébété par ses réponses brillantes. Le Simplet tournait les talons et continuait à chercher les réponses, sept jours plus tard encore, car il refusait de donner sa langue au chat.
Un beau matin, le Roué fort enroué et impatient dut le presser un peu plus que de coutume, mais lui cacha qu’il avait un chat dans la gorge. Le Simplet ouvrit un bec profond et tira une langue de trois coudées comme celle de la vache de la mère Nanette, quand elle racle l’herbe du pré ! Un chat jaillit de la bouche du Roué, agrippa la langue, l’avala d’un trait et regagna son logis !
Comme un fou, Le Simplet détala et voulut crier dans le village qu’un chat était en Roué ; mais il avait perdu sa langue et restait sans voix...
En chemin, il croise la Mère Michel qui a perdu son chat, qui crie par la fenêtre « Qui c’est qui me l’rendra ? »
Sur une feuille, le Simplet gribouille : « Moi ! j’ai plus d’voix ; alors, j’écris. Vous en faites pas, la Mère Michel, vot’ chat n’est pas perdu ! Il est en Roué et a pris ma langue ! »
Et elle répond : « Alors on peut plus s’entendre ! Moi aussi, j’l’ai perdue à vouloir retrouver mon chat !
Le Simplet court trouver le Roué, le roue de coups, lui serre le cou. Et le chat, le matou étouffant et tout fou qu’il secoue finit par tant pousser au fond du gosier qu’il surgit au grand jour et crache tout d’un trait la langue du Simplet !
Et le Simplet retrouve sa voix ; la Mère Michel son chat !
À perdre sa voix comme perdre sa langue, perdre son âme y manquera. Et tout entier on s’y perdra. Qui le dira ? Qui l’entendra ? Si ce n’est le chat, sera-ce le rat ?

Bas retourBas lien visite

Lectures de cette page
Visit counter For Websites

Ajouter un commentaire