Apprivoiser la nature
Le diagnostic tant redouté est là. La nature ne va pas bien du tout. Il suffit de regarder autour de soi, à ses pieds ou au loin, le constat est affligeant.
Cela dure depuis trop longtemps. De mémoire d’homme, la situation n’aurait jamais cessé de se dégrader. L’homme n’en avait pas conscience : il consommait abusivement les ressources généreusement offertes, sans avoir en tête qu’elles n’étaient pas inépuisables.
L’urgence est pressante de refaire une santé à la nature, car, de cela, dépendra aussi la nôtre. Tout aussi pressante est l’urgence d’inventer des solutions à mettre en place, non seulement en trouvant des moyens répondant efficacement aux problèmes, mais aussi en faisant en sorte que ceux-ci pérennisent une amélioration, une régénération qui éviteront de tomber dans un nouveau cycle destructif. Voilà qui ne peut se réaliser par un simple claquement de doigts.
Dans cette affaire, l’homme a une responsabilité majeure et permanente. Il n’a cessé d’agir en consommateur, voire en prédateur, sans prendre soin d’observer, d’écouter, de comprendre comment la nature fonctionne.
Il ne suffit pas de prendre et d’utiliser. Il faut savoir pourquoi et comment prendre, s’interroger sur la nécessité et sur le dosage, donc être circonspect et assez sage pour ne pas abuser.
Aux nombreuses époques des colonisations : on envahissait un territoire, on asservissait, pour en prélever tout ce dont on manquait, pour consommer, et, en découvrant, faire naître un nouveau désir de consommer. Ce faisant, l’idée d’exploiter populations et territoires pour prélever des biens était tout à fait légitime. On justifiait alors une telle attitude par le désir de porter « la bonne parole » au « bon sauvage » qui ne connaissait rien de notre civilisation, alors que nous ignorions tout de la sienne.
Asservir, exploiter…
Dans « L’homme à la cervelle d’or », nouvelle d’Alphonse Daudet (Lettres de mon moulin), le personnage détient une fortune sous son crâne. Le trésor est peu à peu pillé, gaspillé jusqu’à épuisement ; et l’homme finit par mourir. Convoitise. Cupidité. Profit matériel. En serions-nous là ?
La nature est non plus exploitée, mais surexploitée. Dans l’incapacité de satisfaire nos besoins toujours croissants.
Si nous prenions plus le temps d’apprendre à la connaître, nous pourrions mieux savoir de quelles façons diversifiées elle fonctionne. Nous saurions mieux ce qu’il convient de faire ou non, pour que les échanges entre elle et nous soient harmonieux.
Demander à la nature ce qu’elle est en mesure de nous offrir et, en retour, par simple respect, comprendre comment nous devons et pouvons agir, afin qu’il y ait une véritable connivence entre elle et nous. Enfin, une vraie connaissance mutuelle.
À y regarder de plus près, c’est bien ce qui manque comme corde à notre arc, pour plus de fraternité. C’est bien toute cette méfiance et cette ignorance qui engendrent la peur, et toutes les phobies actuelles (xéno, homo…) dont certains font leur fonds de commerce.
Rappelez-vous. Le Petit Prince demande au renard ce que c’est « apprivoiser ». C’est créer des liens.
Et les liens à créer entre l’homme et la nature passent par une meilleure compréhension de sa façon multiple de vivre car, comme nous en faisons intimement partie, une foule de comportements qu’elle a nous habitent. Nous sommes une partie de la nature. Nous vivons en elle et non à côté.
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