ÉCRIRE... pourquoi écrire ?

De nombreux créateurs pensent que la douleur, sans doute parce qu’elle oblige au dépassement de soi, est plus propice à la création que le plaisir ou le bonheur. En littérature, ils citent François Villon et Anne Franck, en peinture Vincent van Gogh, en sculpture Camille Claudel, en musique Frédéric Chopin. Victor Hugo lui-même a expérimenté à son corps défendant la puissance de la douleur, qui a connu une vraie restauration de son inspiration après la noyade de sa fille Léopoldine en 1843, la mort de Claire, fille de son amie Juliette Drouet en 1845, et les drames politiques de 1848-50. Tous confirmeraient ainsi le vieil adage populaire selon lequel les gens heureux n’ont pas d’histoire ! 
Terre la plus usée de France selon Maurice Barrès, la Lorraine a une longue et douloureuse histoire ! Elle a connu toutes les occupations, toutes les destructions, toutes les spoliations dont les hommes (plus rarement les femmes !) sont capables. Son sol est couvert de ruines, de friches industrielles et de cimetières. Aujourd’hui encore, peut-être à cause de son entrée tardive dans la nation française, peut-être aussi parce que, ayant toujours préféré tourner ses regards vers l’est, elle est à l’origine de l’idée européenne (Robert Schuman, Jean de Pange, choix du symbole Croix de Lorraine par le général de Gaulle…), sa place dans le paysage national est très fragile, alors que c’est elle - les Vosges en particulier - qui a donné le plus d’hommes à la France pour sa défense, et qui a payé sa contribution avec l’enthousiasme le plus vibrant lorsque la patrie était en danger (le baptême de la Place des Vosges à Paris par le Premier Consul Bonaparte en fut l’unique récompense !)
Cette longue histoire a marqué, marque et marquera longtemps encore les créateurs lorrains que nous sommes, parce qu’elle a été écrite avec le sang de nos anciens, paysans, soldats et ouvriers. C’est elle que je porte en moi, elle qui me nourrit, elle qui alimente ma réflexion de chaque jour. Auteur citoyen, ouvrier des Lettres, je ne suis qu’un maillon d’une chaîne qui se prolongera loin au-delà de moi, un maillon nécessaire - comme chacun de nos contemporains - à la transmission des éléments essentiels de notre identité. Je ne sais où je vais que si je sais d’où je viens ! Je ne peux me situer dans le monde que si je sais qui je suis ! Et mon travail sur mes racines peut et doit se partager. J’espère qu’il vaut pour toutes les racines de tous les humains de notre terre. Nous parlant avec amour et lucidité du peuple de Bretagne, Pierre Jakez Hélias nous parlait d’un même élan, amour et lucidité, de nous tous, peuples de la Terre !
Montaigne affirmait déjà, voilà cinq siècles…

C’est le réceptacle et l’étui de la science que la mémoire !

Écrire - pour moi - c’est vivre ! Comme broder pour la brodeuse, séduire la foule pour le politicien, modeler une bonne pâte pour le boulanger, ajouter sa pierre à l’édifice commun pour le maçon… ni plus, ni moins ! J’écris depuis que je sais tenir un crayon. Cette passion m’est venue de la passion de la lecture transmis par ma première maîtresse d’école, voilà fort longtemps, à Igney, Madame Jungen. Grâce à elle, j’ai découvert en ce temps-là le Don Quichotte de Cervantes, en collection Rouge et Or, reçu comme prix de lecture au cours élémentaire. Cette histoire de chevalier errant m’a fasciné. J’ai décidé que, à mon tour, le moment venu, je me battrais contre… des moulins à vent - transmutés en éoliennes ! -, je raconterais des histoires.
Je préfère la naissance à la mort, le printemps à l’automne (même si ses couleurs flattent parfois mon envie de peindre). Je préfère le matin au soir. Le jour qui se lève, le coq qui chante, le concert des oiseaux dans le silence des hommes me sont de véritables nourritures d’auteur. Quant à la lumière montante… elle stimule en moi le réveil des énergies. Je m’installe à ma table dans les lambeaux de nuit, je salue mes personnages impatients de vivre… avec eux, je pars sur des chemins d’aventure guidé en survol de mon verger par la lente montée de la Lumière ! Rien, pour moi, ne vaut la transparence du petit matin et son curieux effet de loupe qui aide à mieux voir en soi et hors de soi.
Auteur, je ne suis qu’un humain parmi d’autres, qui cherche des repères dans un monde bouleversé par le criminel appétit de quelques admirateurs du veau d’or.
Comme mes contemporains, j’observe la famine imposée à des populations entières par des riches suralimentés, les vaches décornées rendues folles par des pratiques d’élevage industriel, les politiques sourds dans leur bulle d’État, le règne absolu de la bourse et des maîtres de l’énergie, les eaux maltraitées, salies et (pour les potables) devenues propriétés de pieuvres dictatoriales, la Femme méprisée, maltraitée, ravalée au rang de monnaie d’échange, d’objet de vitrine, de faire valoir ou de seul moyen de production ! Et je propose à mes fidèles en littérature de partager, d’abord le constat, ensuite des tentatives de réflexion dont l’objectif serait double : échapper ensemble à la démarche de culpabilisation constante dont nous sommes tous victimes, puis influer positivement sur le devenir de notre monde. Passer ensemble de la nuit au jour, des ténèbres à… la Lumière. Mais toujours en racontant des histoires.
Ma devise :
Ad Lucem semper.
Toujours vers la Lumière !

Ecrire - et lire -, c’est entretenir la mémoire, inviter à se nourrir du passé pour mieux vivre le présent et, en toute responsabilité fraternelle, tenter d’éclairer le quotidien pour mieux préparer l’avenir !
Ecrire - et lire -, c’est RESISTER !
Fraternité.