Langue française, je t'aime
Qui a l’audace de se prétendre écrivain proclame par là son allégeance à la langue française. Pour ma part, je l’aime passionnément, voire jalousement : toute offense à son égard m’irrite autant qu’elle me chagrine. Aujourd’hui, j’évoque cet abus qu’en son temps, déjà, Etiemble nommait le « franglais ». Bien sûr, toute langue s’enrichit en empruntant à ses voisines ce qui lui manque. Mais assimilation n’est pas invasion ! Or nombre de mots anglais éjectent impudemment des mots français correspondants, ce qui pourrait donner par exemple : « News de Marie-Dominique. Scoop people : les followers de Pat Zelamb, notre webmaster, ont forwardé, après son interview en live, le spin off de son biopic. Cool ! »
De plus, des parasites s’installent insidieusement. Ainsi, « réaliser » n’est le plus souvent que le faux-nez de « realize ». Le « réaliser » français, c’est « accomplir », « mener à bien », alors que son sosie trompeur prétend supplanter « comprendre », « se rendre compte », « prendre conscience », qui se morfondent dans l’oubli.
Pire encore, et répétée à l’envi lors de chaque compétition sportive, l’insolence de l’anglais « to support », qui signifie « soutenir ». Eh ! oui, nous avons adopté le substantif anglais « supporter », car nous ne saurions accuser de proxénétisme les supporters de telle équipe en les traitant de « souteneurs » ! Mais supporter une équipe, un enfant, une épreuve, c’est tolérer, accepter patiemment, dans l’agacement ou dans la douleur : quasiment le contraire de « soutenir » !
Je n’en puis plus ! Secourez-moi !
Ah ! Je me pâme sur ma table !
Je succombe au cruel émoi
De cet affront INSUPPORTABLE !