À l'enfant qui va naître
Madame Bothe Annick
96260 Les Lilas
|
à |
L’enfant qui va naître
Les Lilas, le 8 novembre 2023
|
Mon tout petit,
Tu n’es pas encore né, mais déjà, mon jardin se prépare à t’accueillir ! Pour toi, je vais mêler les formes, les couleurs et les odeurs. Je t’apprendrai les noms et les symboles des fleurs.
Dès janvier, nous irons traquer le réveil de l’ellébore caché sous le lilas.
En février, nous pourchasserons le perce-neige annonciateur de la fin de l’hiver et guetterons l’apparition de la violette. Au détour du chemin, le myosotis nous suppliera de ne pas l’oublier.
À partir de mars, nous fabriquerons des pantins de fleurs de pâquerettes dissimulées parmi les primevères.
Avril nous verra souffler les fleurs de pissenlit, admirer les jonquilles et les tulipes.
Au début du mois de Mai, nous surveillerons l’éclosion du muguet porte-bonheur et sucerons le nectar des fleurs du coucou, annonciateur du retour de l’oiseau migrateur.
En juin, après avoir salué les magnifiques roses, nous fabriquerons de jolies demoiselles avec les coquelicots, puis nous irons tresser des couronnes de marguerites que nous pourrons également effeuiller pour savoir si tu m’aimes un peu, beaucoup, à la folie ou… pas du tout !
Tout au long du mois de juillet, le soleil caressera les fleurs de tournesol qui n’auront de cesse de se tourner pour indiquer la direction de l’astre du jour. Tout comme ton petit minois que je caresserai pour que tu me souries.
Fin août, faisant de l’ombre au gaura qui, tel un feu d’artifice, continuera de lancer ses longues tiges étoilées, l’aster s’épanouira, nous rappelant que la rentrée des classes approche.
Soucis, chrysanthèmes et vivaces sur le déclin nous indiquerons alors qu’il est temps de recueillir les graines et laisser la place aux dahlias.
Semer, arroser, biner, bêcher, arracher les mauvaises herbes, tailler, protéger…
Toi aussi, tu devras « cultiver ton jardin » : écouter, regarder, comprendre, travailler, exercer tes talents pour obtenir des résultats et t’épanouir. Tes parents, moi et bien d’autres, nous œuvrerons dans ce sens. Pour que la petite graine que Papa avait mise dans le ventre de Maman devienne un magnifique jardin.
Sache que quoi que tu fasses, quoi qu’on en dise, tu seras toujours la plus belle fleur de mon jardin !
Ta mamie qui t’aime déjà très fort.
Mme Marguerite Kirase
Rue Tabaga
28547 Menthe-la-Jolie
|
à |
Mme Bothe Annick
96260 Les Lilas
|
Chère amie,
Je vous remercie de m’avoir donné à lire votre lettre adressée à cet enfant à naître. J’y ai trouvé une tendresse immense d’une délicate poésie que je découvre en vous.
Vous accueillez déjà le bambin en votre coin de nature foisonnant au fil de l‘an, en l’invitant à l’explorer avec l’innocence de la prime enfance.
L’apprentissage de la vie requiert cependant quelques recommandations indispensables à sa réussite, de même que pour soigner tout jardin qu’il soit potager ou d’agrément.
Permettez-moi donc de vous faire part ici de quelques considérations peut-être utiles.
Pour devenir joyeux et entreprenant, il vaut mieux apprendre à avoir la pêche et à garder le sourire en affichant la banane. L’aventure pourrait être au rendez-vous en évitant de prendre racine.
En cas de coup dur ou de moments difficiles, il faut éviter de se faire trop de soucis et de se prendre le chou à force d’écouter toutes les salades.
Des efforts s’avéreront souvent nécessaires et il y aura du boulot pour réussir.
Éviter d’être pris pour une bonne poire, afin de ne pas devoir se dire que c’est bien fait pour sa pomme, voilà une devise !
Se faire traiter de patate, ce serait le bouquet, tout de même !
Et puis parfois, la vie nous réserve déconvenues et déceptions qui peuvent avoir un goût amer: boire le calice jusqu’à la lie est alors une rude épreuve.
Pour traverser la vie, il est important d’avoir son jardin secret, de le cultiver pour devenir philosophe, et de voir toujours la vie en rose. Car les douceurs quotidiennes non dénuées de charme sont là, malgré tout. Et il ne faut pas garder son amour en cage et savourer au contraire le moment d’effeuiller la marguerite, en pensant que certains hommes tendres peuvent avoir un cœur de mari dont les idées, les centres d’intérêt et les propos ne volent pas au ras des pâquerettes.
Le temps passera bien assez vite, qui conduira à la fleur délicate qu’est le cyclamen, pour les dames, au moment où l’on devient parfois dure de la feuille.
Arrivée à la fleur de l’âge, je me nourris toujours et encore de pensées positives.
Encore une fois merci ! Ce soir, en pensant à vous et à votre belle lettre, je jouerai de l’orgue Annick.
Vous n’avez pas indiqué le nom de votre rue. Je me rappelle qu’il s’agit de la rue Barbe.
Marguerite
|