Marguerite de Lorraine, duchesse d'Orléans
Beaucoup de participants aux Jeux olympiques le diront. Seule la médaille d’or est belle. Arriver deuxième est une consolation amère et ce ne seront pas les protagonistes de cette histoire qui vous diront le contraire. Dans de nombreux livres ou films retraçant la prise de pouvoir de Louis XIII, son frère Gaston, né en second, est généralement décrit comme un pleutre comploteur nettement plus doué pour prendre la fuite que pour affronter son souverain. Ce n’est pas tout à fait faux, certes, mais imaginez ce qu’a vécu Gaston dans sa petite enfance : il avait deux ans lorsque son frère devint roi et dut se plier aux caprices du royal frangin sous prétexte qu’il était né en deuxième position. Largement de quoi avoir les boules ! Mais contrairement au Prince Jean qui finit par supplanter son frère Richard, il lui manqua toujours l’ambition féroce du félon, et surtout sa détermination. Sauf lorsqu’il décida de livrer un combat d’une autre envergure : lutter pour l’amour d’une Meusienne !
Marguerite de Vaudémont naît à Bar-le-Duc en 1615. Elle est la fille de François de Lorraine, lui aussi fils cadet et n’ayant de ce fait aucune chance (et pas la moindre envie) de devenir un jour duc de Lorraine. Sa mère Christine de Salm était, elle aussi, un second choix puisque François voulait épouser Marie de Médicis qui lui préféra Henri IV.
Marguerite devient orpheline à 12 ans et sa tante, qui est mère abbesse à Remiremont, décide de l’éduquer pour qu’elle puisse prendre sa succession. Son père n’y voit aucune objection et c’est en tant que future princesse souveraine de Remiremont qu’il reçoit sa fille à la Cour de Lorraine dont il est devenu provisoirement duc en attendant de passer le flambeau à son fils. Elle a 14 ans lorsqu’elle y rencontre Gaston, le frère rebelle, veuf et héritier présomptif de la couronne de France puisque son frère Louis n’a toujours pas d’enfant. Gaston a quitté le royaume de France pour signifier son désaccord avec la politique de son frère et surtout de Richelieu qu’il déteste cordialement. Entre Marguerite et Gaston, c’est un coup de foudre immédiat. Il parle d’ailleurs d’elle aux gentilshommes de sa suite en l’appelant l’ange ou la petite angélique.
La bouderie avec son royal frère va durer six mois, six mois pendant lesquels il s’ingénie à croiser son ange dans les couloirs du palais ducal. Mais la politique décide et il rentre en France. Il revient quelques mois plus tard et demande au nouveau duc de Lorraine, Charles IV, la main de sa jeune sœur pour qu’elle devienne sa seconde épouse. Fureur de Louis XIII qui n’a pas donné son accord pour une telle demande, d’autant plus que la France et la Lorraine s’opposent depuis le début de la Guerre de Trente ans commencée l’année précédente.
Gaston passe outre et épouse secrètement Marguerite en 1632. Le parlement de Paris déclare le mariage nul et Louis XIII ordonne à ses troupes d’envahir la Lorraine. Gaston s’enfuit à Bruxelles pendant que Marguerite se réfugie dans son abbaye où elle est assignée à résidence. Mais les choses n’en restent pas là. Gaston organise un deuxième mariage aux Pays-Bas. Pour l’y rejoindre, Marguerite se déguise en soldat et s’enfuit à cheval vers Thionville où elle se place sous la protection des souverains espagnols qui possèdent les Pays-Bas. Ce nouveau mariage est lui aussi déclaré nul par le clergé de France sur l’ordre de Richelieu. Gaston doit rentrer seul en France, car son épouse est interdite de séjour dans le pays. Elle ne se laisse pas faire et assaille le Pape, l’Empereur et qui veut l’entendre pour faire valider son mariage. De leur côté, Louis XIII et Richelieu font pression sur Gaston, mais pour la première fois, il s’entête et refuse de plier. Il faudra le décès de Richelieu et surtout la naissance des deux fils de Louis XIII, éloignant de ce fait Gaston dans l’ordre de la succession au trône, pour que le mariage soit enfin reconnu. Marguerite est autorisée à venir à la Cour et un troisième mariage est organisé en 1643.
Marguerite a désormais le statut de seconde dame du royaume après la Reine et est appelée Madame. Mais elle ne nage pas pour autant dans le bonheur, car la fille que Gaston a eue de son premier mariage, Mademoiselle de Montpensier, plus connue sous le surnom de « La Grande Mademoiselle » lui voue une haine tenace. Marguerite devient la protectrice de La Fontaine et œuvre pour faire libérer la Lorraine de l’occupation française. Après la mort de Gaston, elle s’installe au palais du Luxembourg et ne cessera d’intervenir auprès de son neveu Louis XIV pour plaider la cause de la Lorraine et du Barrois jusqu’à sa mort en 1672.
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