Promenade en Occitanie
Partie II : de l'étang de Thau vers le Haut Languedoc
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Je vous retrouve comme promis pour continuer l’exploration des alentours de la Lagune de Thau.
La forêt des Pierres Blanches s’étend sur 27 hectares. Des sentiers pédestres qui serpentent nous offrent une promenade ombragée et des panoramas étendus sur la lagune ou sur Agde avec, en toile de fond, par temps clair, le mont Canigou et les Pyrénées.
À Marseillan, nous avons aimé l’ambiance colorée du port de plaisance de Tabarka, ultime étape sur le canal du Midi. Comptoir fondé par les Phocéens en 535 av. J.-C., il s’est développé plus tard avec le commerce des vins et spiritueux. Rénové, il a gardé son charme d’antan.
Nous avons apprécié l’accueil simple et les vins savoureux du domaine familial de la Madeleine Saint-Jean, qui exploite des vignes autour de l’étang. Il faut découvrir aussi le Noilly-Prat, vermouth français réputé, et visiter les chais en dégustant, ravis, tous les arômes de cette boisson d’excellence produite à Marseillan depuis 1813.
Les coquillages sont la principale ressource de l’étang autour duquel 800 exploitations assurent l’élevage de moules et d’huîtres. À Marseillan, les mas d’ostréiculteurs serrés les uns contre les autres façonnent le paysage. Sous l’eau, en rangs, des milliers de cordes suspendues à des poutrelles sur lesquelles les petites huîtres collées resteront immergées toute une année. Avis aux gourmands : elles sont vraiment délicieuses !
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Dans ces cabanes de producteurs, on venait en famille pour le gueuleton dominical, les pieds dans l’eau. Et la tradition perdure. Au menu, ambiance détendue, vue sur l’étang, fraîcheur du produit garantie du producteur à l’assiette, et surtout, selon les adresses, les traditionnelles moules farcies ou en brasucades, les sardinades, les couteaux et palourdes, les oursins, les huîtres gratinées ou crues, les murex, ces gastéropodes marins de Thau à l’élégante coquille dentelée, appelés là-bas « pointus ». Des surprises innovantes aussi comme un certain dessert « chocolat-huître » que nous avons essayé avec curiosité !
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Après un passage à Mèze, nous quittons la lagune pour joindre Pézenas, petite cité très ancienne, puisque Pline vantait déjà la qualité des eaux de la Peyne, rivière qui la traverse. Ses demeures moyenâgeuses racontent aussi la longue histoire de l’endroit. Jean- Baptiste Poquelin qui n’a alors que 25 ans et son Illustre Théâtre y nouent avec la gloire, sous la protection du Prince de Conti régalé de leurs farces. D’après Pagnol, « si Poquelin est né à Paris, c’est à Pézenas qu’est né Molière ». Souvent appelée Ville de Molière, nommée « Grand site d’Occitanie », la cité a conservé un centre-ville classé « secteur sauvegardé », label qui protège l’ensemble architectural. On y retrouve le charme des hôtels particuliers et des rues pavées.
Savez-vous qu’ici est né Bobby Lapointe, qu’on produit là un AOP « Coteaux du Languedoc-Pézenas », et que « Lo Polin », le poulain, animal totémique qui accompagne les événements importants de la ville, a été honoré du titre de chef d’œuvre du patrimoine oral immatériel de l’UNESCO, rejoignant ainsi la ronde des géants, dragons et autres bestiaires légendaires européens ?
Prenons de la hauteur dans le Parc naturel régional du Haut-Languedoc et atteignons les Monts de l’Espinouse. Le massif qui garde un caractère à la fois sauvage et rural culmine à 1125 mètres et constitue une limite naturelle entre plaine de l’Hérault et contreforts du Massif Central.
Réserve de faune, il regorge de sites surprenants : sommets abrupts, gorges escarpées, grottes sombres, forêts profondes, panoramas magnifiques, eaux vives, charmants villages encaissés ou perchés. Les randonneurs passant devant les « sécadous », traditionnels habitats-séchoirs pour les châtaignes pourront s’y coltiner de vrais itinéraires de montagne à la rencontre des mouflons et de l’aigle royal.
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Après cette traversée loin de tout et hors du temps, nous entrons dans le Tarn par les montagnes et faisons halte à Lacaune, ancienne cité thermale célèbre pour ses sources d’eaux chaudes, sa production des eaux minérales Mont Roucous, et aujourd’hui, sa charcuterie locale. Spécialisées dans la salaison de jambons secs, saucissons et saucisses sèches, les entreprises lacaunaises respectent les pratiques traditionnelles et servent les plus grands restaurants français. Nous nous sommes empressés de visiter l’une d’elles et nous sommes pliés, avec grand plaisir, aux rituels des dégustations proposées.
Nous sommes tombés par hasard sur le site du Château de Grandval. Édifié au XVe, plusieurs fois détruit et reconstruit au cours des péripéties de son histoire, incendié en 1944, il est finalement noyé dans la retenue d’eau du barrage de Razisse en 1956. Il a appartenu vers 1900 au Comte Raymond de Toulouse-Lautrec–Monfa. Eh oui, c’est bien le peintre !
L'édifice impressionne, apparaissant au détour des lacets routiers, ennoyé au milieu de forêts et montagnes, comme un improbable vaisseau flottant, silencieux, mirant dans l’eau immobile son squelette décharné et fantomatique. Nous n’avons pu que nous arrêter, happés par l’étrange et poétique beauté du spectacle !
Nous passons plusieurs jours dans la merveilleuse ville tarnaise d’Albi, dont la cité épiscopale est inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO.
D’où qu’on vienne, la cathédrale Sainte-Cécile est là, massive et imposante, austère et défensive, dominant les toits albigeois de sa silhouette de brique dont les coloris se nuancent au gré des heures et des saisons. Son style gothique méridional, son aspect militaire, ses allures de château-fort la distinguent de ses contemporaines comme Reims, Chartres ou Amiens.
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Dès qu’on y pénètre, on est saisi par la décoration étonnante, par les couleurs et l’abondance des statuaires et des fresques. Elle est empreinte du talent artistique des peintres de la Renaissance et on lit sur ses hauts murs comme dans une Bible illustrée. Une clôture blanche, véritable dentelle de pierre ciselée, sépare la nef du chœur, comme une véritable église dans l’église. Les salles du trésor accueillent durant l’été une exposition consacrée à la Mappa Mundi, carte médiévale d’une valeur universelle, une des plus anciennes représentations connues du monde tel qu’il était perçu au VIIIe siècle.
Sainte Cécile, patronne des musiciens, chanteurs, luthiers et poètes, aurait vécu à Rome dans les premiers temps du christianisme, religion pour laquelle elle fut martyrisée. La légende en fait une vierge qui, suite à un mariage forcé, réussit à convertir l’époux et à garder sa virginité. J’ai été touchée ici par la grâce de la statuaire et bluffée par le travail du sculpteur.
Jouxtant l’église, le palais épiscopal de la Berbie datant du Moyen-Âge présente aujourd’hui la plus importante collection consacrée à Toulouse-Lautrec, peintre majeur de la fin du XIXe, natif d’Albi.
Dans cet écrin prestigieux, à travers ses peintures, dessins, lithographies, chaque étape de la production de l’artiste est représentée : estampes, réclames, toiles de jeunesse, toiles des maisons closes, portraits majeurs, et œuvres tardives. Toutes ces créations révèlent son énorme capacité de travail, son don d’observation, son talent de dessinateur, son trait juste, son art du détail et l’on découvre sa modernité, son humour et son sens de la provocation et de la dérision.
Les jardins du palais situés dans l’ancienne cour de garnison embellissent le site. L’ancien chemin de ronde devenu un chemin de promenade ombragé s’ouvre sur une vue englobant le Tarn et le Pont Vieux, construit en 1040. Depuis la cité épiscopale, on descend sur les berges de la rivière qui sépare Albi en 2 rives. On y découvre entre autres les anciens moulins, témoignage du passé artisanal de la ville.
Le quartier du Vieil Albi qui s’enroule au pied de la Cathédrale regorge de placettes entourées de maisons médiévales à colombages et de ruelles pittoresques. On peut y visiter, entre autres, le musée de la mode aménagé dans un ancien couvent, la maison du vieil Albi et son « soleillou », espace ouvert à l’étage qui servait de séchoir à linge ou de lieu de stockage de marchandises.
La collégiale Saint-Salvi est la plus ancienne église albigeoise. Le jardin de son cloître est un havre de paix au centre-ville. En longeant galeries et corridors, on accède à la place Saint Salvi bordée d’arcades.
Le marché couvert classé aux monuments historiques a été inauguré en 1905. C’est une halle triangulaire de type pavillon Baltard, dont les charpentes métalliques ont été conçues par un certain André Michelin.
Nous terminons notre périple à Cordes-sur-Ciel : 800 ans d’histoire qui se découvrent uniquement à pied, à condition de prendre de la hauteur, car pour y accéder, il faut grimper ! Hors saison, on échappe à la foule et aux files d’attente, mais on ne bénéficie pas de la navette promise par les prospectus... ou du petit train pour la visite commentée... Qu’à cela ne tienne, c’est tout choisi !
« Le voyageur qui, de la terrasse de Cordes, regarde la nuit d’été sait qu’il n’a pas besoin d’aller plus loin ». C’est Albert Camus qui l’écrit, on est plutôt d’accord avec lui !
En plus, nombreux sont les points d’intérêts : le jardin des paradis où la charmante propriétaire aime raconter son domaine ; l’église Saint-Michel et ses vitraux d’époque ; la demeure du Grand Fauconnier, son escalier à vis et son musée d’art moderne et contemporain ; le musée Charles Portal pour tout savoir sur l’histoire du village...
Il suffit de s’égarer dans ces ruelles pavées, les yeux en l’air, pour admirer les façades sculptées, les passages voûtés, les portes fortifiées magnifiées par le temps et l’art gothique.
Vous pourrez vous restaurer à l’ombre, entre les hauts piliers de pierres de la Halle, à la fois monument historique et espace commercial. Construite en 1350, elle accueillait les négoces du cuir et du tissage.
C’est donc grâce aux richesses ainsi générées qu’ont été édifiés les somptueux palais gothiques que l’on peut aujourd’hui admirer. Devant la maison du grand Veneur, on peut s’imaginer mille histoires en détaillant les nombreuses figures amusantes de son important bestiaire sculpté accroché à sa haute façade.
Vous pourrez profiter des restaurants installés dans des bâtisses médiévales, vous perdre dans des boutiques où artistes et artisans proposent leurs œuvres et productions, et assister souvent aux animations de rues. Les amateurs visitent la Maison des Arts du Sucre et du Chocolat ou s’attardent dans la boutique du confiseur pour déguster la guimauve naturelle ou le nougat dans ses diverses versions.
J’ai pris plaisir à partager avec vous ces découvertes ; et si l’idée vous venait de visiter l’une d’elles, tant mieux ! À plus !
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