Depuis des temps les plus reculés, le solstice de juin est célébré un peu partout dans le monde. Ce terme viendrait de l’association de deux mots latins : sol qui signifie soleil, et sistere, qui signifie rester immobile. Il est célébré le 21 ou le 22 juin par des feux de joie pour fêter l’arrivée de l’été, de la lumière, le début d’un nouveau cycle de la nature, du moins dans l’hémisphère nord.
Allumés sur des places publiques, à la croisée des chemins ou en hauteur, les feux de cette nuit éclairent aussi les promenades nocturnes évidemment peuplées d’êtres surnaturels. Quoi de mieux pour éloigner, ces fées, sorcières, âmes en peine, elfes, nains, démons... !
Mais l’Église, au Ve siècle, a la « bonne » idée de placer le solstice d’été sous le signe de saint Jean-Baptiste. Mais c’est qui cet « apôtre-là » ? Et de quoi s’ mêle-t-il ?
Bon, il est quand même le prophète qui annoncera la naissance de Jésus-Christ, son cousin. Il prédit joie, allégresse et réjouissance. Personnage influent, il dira du Messie « il faut que lui grandisse, et que moi je décroisse ». Au 5ème siècle, par analogie avec la course du soleil, les chrétiens, leurs chefs, choisissent donc le 24 juin pour marquer la date de naissance de Saint-Jean, né comme par hasard, un 24 juin, afin de lutter contre tous ces cultes païens du soleil. C’est pourquoi les feux ont lieu dans la nuit du 23 au 24. Les cendres sont censées préserver les récoltes de la foudre et des orages. Et pour les amoureux, le fait de sauter par-dessus le feu garantit, ou plutôt garantissait que leur amour dure toute l’année.
Que reste-t-il de cette tradition ?
En France, jusqu’à la Révolution de 1789, cette fête, baptisée « Noël d’été », est chômée. Au début du XXe siècle, dans l’ouest, des chaudrons sonores chantent encore auprès du feu de joie. Le son se répand aux alentours et permet de se répondre de lieu en lieu.
En outre, depuis 1982, c’est aussi la fête de la musique qui, le 21 juin dans plus de 100 pays, célèbre les débuts de l’été́. Elle remplace désormais les feux de joie interdits progressivement pour des raisons de sécurité, d’environnement et d’écologie. Belle idée !
L’ancestrale magie de l’instant, mélange entre croyances, foi, superstitions, est toujours perceptible avec la même fascination originelle, dans des lieux où l’homme a depuis des siècles, signé un pacte avec la lumière, sans doute divine – basilique de Vézelay et son chemin de lumière, Stonehenge, pyramides d’Égypte, mégalithes…
Tout ça à cause, ou grâce à l’inclinaison de l’axe de rotation de la Planète !
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Dès l’aube, j’étais dans l’eau, une eau fraîche et transparente où je m’enfouissais, où je m’épuisais en des mouvements désordonnés pour me laver de toutes les ombres, de toutes les poussières de Paris. Je m’allongeais dans le sable, en prenais une poignée dans ma main, le laissais s’enfuir de mes doigts en un jet jaunâtre et doux, je me disais qu’il s’enfuyait comme le temps, que c’était une idée facile et qu’il était agréable d’avoir des idées faciles. C’était l’été.
(Françoise Sagan, Bonjour tristesse)
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Étés réverbérés par le gravier jaune et chaud, étés traversant le jonc tressé de mes grands chapeaux, étés presque sans nuits... Car j’aimais tant l’aube, déjà, que ma mère me l’accordait en récompense. J’obtenais qu’elle m’éveillât à trois heures et demie, et je m’en allais, un panier vide à chaque bras, vers des terres maraîchères qui se réfugiaient dans le pli étroit de la rivière, vers les fraises, les cassis et les groseilles barbues.
À trois heures et demie, tout dormait dans un bleu originel, humide et confus, et quand je descendais le chemin de sable, le brouillard retenu par son poids baignait d’abord mes jambes, puis mon petit torse bien fait, atteignait mes lèvres, mes oreilles et mes narines plus sensibles que tout le reste de mon corps... J’allais seule, ce pays mal pensant était sans dangers. C’est sur ce chemin, c’est à cette heure que je prenais conscience de mon prix, d’un état de grâce indicible et de ma connivence avec le premier souffle accouru, le premier oiseau, le soleil encore ovale, déformé par son éclosion...
(Colette, Sido)
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C’était une de ces soirées d’été où l’air manque dans Paris. La ville, chaude comme une étuve, paraissait suer dans la nuit étouffante. Les égouts soufflaient par leurs bouches de granit leurs haleines empestées, et les cuisines souterraines jetaient à la rue, par leurs fenêtres basses, les miasmes infâmes des eaux de vaisselle et des vieilles sauces. Les concierges, en manches de chemise, à cheval sur des chaises en paille, fumaient la pipe sous des portes cochères, et les passants allaient d’un pas accablé, le front nu, le chapeau à la main.
(Bel-Ami, Maupassant)
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Une après-midi de grande chaleur j'étais dans la salle à manger de l'hôtel qu'on avait laissée à demi dans l'obscurité pour la protéger du soleil en tirant des rideaux qu'il jaunissait et qui par leurs interstices laissaient clignoter le bleu de la mer, quand dans la travée centrale qui allait de la plage à la route, je vis, grand, mince, le cou dégagé, la tête haute et fièrement portée, passer un jeune homme aux yeux pénétrants et dont la peau était aussi blonde et les cheveux aussi dorés que s'ils avaient absorbé tous les rayons du soleil.
(À la recherche du temps perdu, M. Proust)
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... de quoi passer quelques nuits estivales !
Par les soirs bleus d’été… Sensation
Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, – heureux comme avec une femme.
(Arthur Rimbaud, 1870)
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Un soir d’été
Le Rhin
Qui coule
Un train
Qui roule
Des nixes blanches
Sont en prière
Dans la bruyère
Toutes les filles
À la fontaine
J’ai tant de peine
J’ai tant d’amour
Dit la plus belle
Qu’il soit fidèle
Et moi je l’aime
Dit sa marraine
J’ai la migraine
À la fontaine
J’ai tant de haine
(G. Apollinaire)
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Soir d’été
Une tendre langueur s'étire dans l'espace ;
Sens-tu monter vers toi l'odeur de l'herbe lasse ?
Le vent mouillé du soir attriste le jardin ;
L'eau frissonne et s'écaille aux vagues du bassin
Et les choses ont l'air d'être toutes peureuses ;
Une étrange saveur vient des tiges juteuses.
Ta main retient la mienne, et pourtant tu sens bien
Que le mal de mon rêve et la douceur du tien
Nous ont fait brusquement étrangers l'un à l'autre ;
Quel cœur inconscient et faible que le nôtre !...
Les feuilles qui jouaient dans les arbres ont froid
Vois-les se replier et trembler, l'ombre croît,
Ces fleurs ont un parfum aigu comme une lame...
Le douloureux passé se lève dans mon âme,
Et des fantômes chers marchent autour de toi.
L'hiver était meilleur, il me semble ; pourquoi
Faut-il que le printemps incessamment renaisse ?
Comme elle sera simple et brève, la jeunesse !...
Tout l'amour que l'on veut ne tient pas dans les mains ;
Il en reste toujours aux choses du chemin.
Viens, rentrons dans le calme obscur des chambres douces ;
Tu vois comme l'été durement nous repousse ;
Là-bas nous trouverons un peu de paix tous deux.
— Mais l'odeur de l'été reste dans tes cheveux
Et la langueur du jour en mon âme persiste :
Où pourrions-nous aller pour nous sentir moins tristes ?...
(Anna de Noailles, 1901)
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Soir d’été
Si vous tendez un peu l’oreille
Quand le soleil
A fait flamboyer le jardin
Et que son dernier rayon dore
Encore
Au seuil du soir,
Votre arrosoir.
Écoutez bien:
Vous entendrez tout doux, tout doux,
Dans tous les coins
Ivres d’odeurs,
Vous entendrez, à petits coups,
Dans tous les coins, boire les fleurs.
(Maurice Carême, publié après sa mort)
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Soir d’été
Le soleil brûlait l'ombre, et la terre altérée
Au crépuscule errant demandait un peu d'eau ;
Chaque fleur de sa tête inclinait le fardeau
Sur la montagne encor dorée.
Tandis que l'astre en feu descend et va s'asseoir
Au fond de sa rouge lumière,
Dans les arbres mouvants frissonne la prière,
Et dans les nids : " Bonsoir ! Bonsoir ! "
Pas une aile à l'azur ne demande à s'étendre,
Pas un enfant ne rôde aux vergers obscurcis,
Et dans tout ce grand calme et ces tons adoucis
Le moucheron pourrait s'entendre.
(Marceline Desbordes-Valmore, 1860)
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