À mon balcon cette glycine
Tord ses bras fleuris dans le soir,
Avec le tendre désespoir
D’une princesse de Racine.
Elle en a la fière langueur
Et la mortelle nonchalance ;
Et lorsqu’un souffle la balance,
Et que le jour traîne en longueur,
Et tarde à partir, et recule
Le déchirement tant qu’il peut,
Elle exhale une âme d’adieu,
Bérénice du crépuscule !
Le livre glisse de mes mains.
Le petit drame se termine.
« Cruel ! » dit au jour la glycine.
Les cieux blessés ont des carmins.
Par la haute porte-fenêtre,
Mystérieusement, alors,
Une des branches du dehors,
Comme un geste vivant, pénètre.
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Du frémissant encadrement
Ce bras jeune et souple s’échappe ;
Et je sens sur mon front la grappe
Qu’il laisse pendre tendrement !
Tout s’embaume. Et je remercie.
Et, pour lui dire mon amour,
Je donne à la fleur, tour à tour,
Le nom d’Esther et d’Aricie.
Et je compare, les yeux sur
Mon livre tombé sans secousse,
L’odeur plus forte d’être douce
Au vers plus ardent d’être pur !
Un divin poison m’assassine !
Et je doute, en le chérissant,
Si de ma glycine il descend
Ou s’il monte de mon Racine !
(Edmond Rostand, Les Musardises, 1911)
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