Fallait pas
Oui Monsieur le juge, je reconnais les faits, je reconnais aussi la préméditation… J’avais tout prévu, tout préparé ! Vous savez, je me suis forcé à assister au procès de cette ordure, à entendre les pires horreurs de ma vie, à serrer les mâchoires à en avoir des crampes, à serrer les poings dans mes poches à en avoir les doigts violets…
C’était mon rôle, Monsieur le juge… J’ai plus de soixante-dix ans et ma vie est derrière moi, alors… que je la finisse en prison ou en enfer, quelle importance ?
C’était ma petite-fille, Monsieur le juge… Vous comprenez ? Ma petite-fille de six ans ! Et vous savez aussi bien que moi ce qu’il lui a fait… Si vous voulez, je peux vous rappeler en détail les trois dernières heures de ma petite Mélanie… Trois heures d’enfer, de cauchemar, d’ignominie… Trois heures de souffrances et d’agonie… Je n’ai pas voulu d’avocat parce que je n’ai pas besoin de défense : je reconnais tout, de A à Z. Je ne suis pas fier de ce que j’ai fait, non… mais j’assume, ça oui !
La peine de mort n’existe plus, Monsieur le juge, depuis 1981 et ce type serait sorti dans dix-huit ans ou même avant s’il s’était bien comporté en prison… Et il aurait recommencé avec un autre gosse ? Non, Monsieur le juge, ce n’était pas possible…
Alors oui, je voulais le tuer et je savais comment faire à mains nues, j’ai appris ça en soixante et un en Algérie…
Oui, Monsieur le juge, ça a été facile, lorsqu’il est passé à côté de moi, encadré par les deux fonctionnaires, j’ai retrouvé mes vingt ans pour lui sauter dessus et lui casser les vertèbres cervicales…
Non, Monsieur le juge, je ne regrette rien !