Hector et la flèche polynésienne
Comme chaque fois qu’il n’y a pas d’école, Hector joue dans les prés derrière chez lui. Il décide de construire une flèche polynésienne. Semblable à la flèche d’un arc, c’est un bâton très fin, mais avec des ailettes en carton à une extrémité, et qu’on lance avec une ficelle enroulée près des ailettes, tendue sur toute la longueur de la flèche tenue à l’autre bout pour lui donner plus de force et de rapidité, donc l’envoyer très, très loin.
Hector construit donc sa flèche polynésienne, et arrive le moment où, pour la première fois, il va pouvoir la lancer.
Il se prépare.
Ajuste la ficelle.
Étire son bras qui tient la flèche près des ailettes, et tire en retenant la ficelle…
Ssssssssssss !
La flèche monte, monte, file loin, très loin… Il la suit des yeux… elle descend… elle descend… Oh non !… elle se dirige tout droit vers un groupe de copains assis dans l’herbe… Horreur ! Il voit la flèche piquer vers eux, et juste sur le visage de Dominique, un de ses camarades du groupe, qui se met à hurler, à hurler, une main posée sur l’œil… Noooooon ! Hector n’y croit pas…
Wouah ! Non, ce n’est pas possible ! J’ai dû lui crever un œil… Oh là, là, je vais vraiment me faire gronder…
Hector a peur. Vraiment peur. Et il s’enfuit en courant pour se cacher. Personne ne doit le retrouver…
Derrière une maison en construction, il aperçoit un tonneau métallique, s’assoit dans l’herbe et le retourne sur lui. Personne ne pourra le trouver là.
Et il attend.
Dans le noir.
Et il ne voit rien.
Et il ne sait pas ce qui se passe à l’extérieur.
Et il pense à l’œil de son copain qui doit être crevé… Par sa faute… Des larmes coulent sur ses joues… Il a peur…
Et le temps passe…
Le temps passe…
Il commence à avoir des fourmis dans les pieds. On ne peut pas bouger beaucoup sous un tonneau retourné.
Alors tout doucement, il le pousse pour le faire tomber. Aveuglé par la lumière du soleil, il lui faut quelques secondes pour apercevoir, là-bas, Papa et Maman qui le cherchent, affolés.
— Hector ! Où es-tu ? Hector !...
Là, pas de doute, il doit y aller.
Mais il a peur.
Il va se faire vraiment, vraiment disputer…
Il se décide, renverse le tonneau, et avance tout penaud vers ses parents qui, le voient…
— Ah, enfin, Hector, tu es là ! Oh, que tu nous as fait peur ! Mon Dieu, on s’est inquiétés beaucoup. On ne savait pas où tu étais. Ça fait deux heures que l’on te cherche… Où étais-tu ?
— Oh, Papa, Maman, j’ai peur… Je crois que j’ai crevé l’œil de Dominique avec ma flèche polynésienne.
— Mais non, le rassure papa, mais non ! Nous sommes allés le voir. Il a juste pris la flèche sur le front, un peu ouvert. Je l’ai emmené chez le médecin qui l’a soigné et recousu la plaie. Et maintenant, ça va. Je l’ai reconduit chez lui. Il a un pansement sur le front, mais ça va. Hector, quand tu joues avec une flèche polynésienne, tu ne dois jamais la lancer vers un endroit où se trouve du monde. Tu risques de blesser quelqu’un sérieusement. Allez, viens, on rentre à la maison. C’est bien. Je ne te dispute pas parce que franchement, tu nous as fait très, très peur. Allez, viens, c’est l’heure de goûter…
Tout en suivant papa et maman, Hector n’en revient pas.
Il ne se fait pas gronder.
Et surtout, il n’a pas crevé l’œil de Dominique.
Et là, il se met à pleurer, tellement il est soulagé.
Tellement content pour l’œil de Dominique.
Tellement content de ne pas se faire disputer.
Mais c’est sûr, quand il lancera à nouveau une flèche polynésienne, il fera attention qu’il n’y ait personne.
Là où tombera la flèche.