Une tronche
Fred avait tout essayé : Jean-Paul Belmondo, Gérard Darmon, Richard Anconina, Dominique Pinon, Charles Denner, François Levantal, Johnny Hallyday et même Guy Marchand… Fred avait ses idoles : tous des acteurs de cinéma, mais pas n’importe lesquels… Des mecs qui avaient une tronche !
« Pas des tapettes !», lançait-il avec son homophobie ordinaire si peu consciente…
À chaque fois, il s’approchait du personnage - son public le lui disait - mais il lui manquait toujours ce petit quelque chose qui aurait fait de lui une vedette, une star, comme on dit, maintenant !
Oh, son public, ce n’étaient pas les spectateurs du Magic Passy ou de l’UGC George V, non… Il s’agissait plutôt de ses copains du Café des Sports, dont il était un fervent pilier…
Il avait ses supporters, son fan-club… Comme certains imitent Bourvil lors des repas de noces… Fred connaissait par cœur les répliques culte de ses idoles…
« Dans la vie, on partage toujours les emmerdes, jamais le pognon. »
« Bander par un froid pareil, il faut le faire ! »
« Écoutez, laissez la police faire son travail, dès que j'aurai de plus amples informations croyez bien que vous en serez les premiers informés. »
Les rares cinéphiles avertis se régalaient, les autres croyaient que c’étaient ses propres créations et ils tombaient en admiration devant son talent…
Mais ce soir, c’était son heure de gloire, à lui, Frédéric Mangin, né le 12 décembre 1954 à Amiens… C’était lui qu’on prenait en photo et qu’on interrogeait, pas un de ses sosies ridicules, pas une de ses parodies grotesques…
Et pour la troisième fois, l’Officier de police judiciaire lui posait la même question :
« Mais enfin, pourquoi avez-vous étranglé cette jeune femme ? Vous ne connaissiez même pas cette ouvreuse de cinéma… »