Je m’appelle Marie-Jo et depuis un certain nombre d’années, je participe en tant qu’auteure (littérature jeunesse), à des salons du livre.
Si vous vous êtes déjà rendus dans ce genre de manifestations, peut-être avez-vous secrètement plaint ces pauvres êtres derrière une table à attendre ? Oui ?
Eh bien, rassurez-vous ! C’est bien plus captivant qu’il n’y paraît ! Devant chaque table, défile toute notre société avec ses codes, ses différentes tranches d’âge et ses inégalités qui semblent parfois criantes, mais allez savoir… Des visiteurs s’arrêtent de temps à autre pour dialoguer avec vous. Sachez que ces quelques paroles échangées entre personnes qui ne se reverront jamais sont souvent empreintes d’une grande authenticité. Ce sont « des phrases-clés », reflet de la préoccupation du moment, voire de l’abrégé d’une vie. Certaines vous glacent d’effroi, d’autres au contraire vous amusent et comme nous sommes dans la rubrique « Humour toujours » je vais vous en conter une qui aujourd’hui me fait encore sourire.

Un couple d’une soixantaine d’années s’arrête devant ma table : coup d’œil sur mes ouvrages et mine renfrognée pour mes visiteurs.
L’homme s’adresse d’un air fâché à son épouse.

— Tu te rends compte : avoir trois filles dans la trentaine et pas un seul petit-enfant ! Si on en avait, on pourrait acheter ce genre de livres, mais rien !

La femme reste silencieuse. Soudain, toujours en colère, l’homme s’adresse à moi :

— On prend ce livre-là et dédicacez-le au futur petit-enfant de Paul et Claudine !

Je m’exécute sans mot dire, tant le malaise est palpable. Pas d’au revoir, ni de merci pour moi. Le couple s’éloigne.
Et… j’entends alors l’homme dire à son épouse d’un ton n’admettant aucune réplique :

— On mettra le livre bien ouvert sur le buffet de la salle à manger !

J’ai donc dédicacé un ouvrage à un lecteur ni né, ni même conçu. Une première pour moi !
Vous souhaiteriez connaître la suite ? Hélas, je ne peux que vous fournir des hypothèses :

1) grâce à ma dédicace, de nouveaux humains ont vu le jour.

2) grâce à ma dédicace, de jeunes dames se sont fâchées et ont dit haut et fort que les parents avec enfants dans la trentaine « n’ont qu’à s’occuper de leurs oignons ».

3) grâce à ma dédicace, les éboueurs ont eu du travail…

Mais non, mais non, Marie-Jo, que vas-tu chercher là ! Chasse cette dernière hypothèse de tes pensées et réjouis-toi plutôt de la première.
Quand je vous disais que participer à un salon du livre en tant qu’auteur était bien plus captivant qu’il n’y paraît !