Nous allons encore parler d’équinoxe ! Eh oui, il s’agit du deuxième cette année, comme pour l’an passé d’ailleurs, en fait, comme depuis les aubes et les nuits des Temps. Nous en avons déjà croisé un au printemps. Celui d’automne 2023 s’est déroulé le samedi 23 septembre, très précisément à 08h49 et 56 secondes (heure française) selon les sources scientifiques. Depuis la Terre qui ne tourne pas droite sur son axe, nous voyons le Soleil qui traverse l’Équateur et se dirige vers le Sud, annonçant le retour de l’hiver dans l’hémisphère nord. Le phénomène astronomique désignant ce moment où jour et nuit ont la même durée correspond aussi à une période où une bonne partie des produits agricoles est récoltée.
Comme l'équinoxe de printemps, l'équinoxe d'automne est chaque année synonyme de rituels dans certaines cultures ou croyances anciennes. De nombreuses fêtes païennes symbolisent alors des remerciements pour ces fameuses récoltes. Après un travail épuisant dans les vergers et les champs, cette fête représentait aussi une halte bienvenue.
Dans la Grèce antique, lors des deux équinoxes, notamment en automne, on honorait Dionysos, le dieu des vendanges, de la végétation, de la vigne, du vin, des fruits et, plus généralement, du renouveau saisonnier. Il faut dire que l’on a affaire au fils de Zeus et de la mortelle Sémélé (mais aussi de la Terre frappée par la foudre céleste) ! Il parait même, c’est un bruit qui court, qu’il a achevé sa gestation dans la cuisse du dieu des dieux ! Alors, respect !
Dionysos préside à la fécondité, à la génération. Compte tenu des symboles qui lui sont attachés, il est un Feu divin et sa mythologie est associée à celle du vin. Tiens, y aurait-il donc une relation entre les deux… entre lui et un auxerrois des Côtes de Meuse, par exemple ?
Alors, pour célébrer au mieux cette saison parfois lumineuse, mais souvent tourmentée, levons nos verres et trinquons ! Oups, juste une précision ! Dionysos et Bacchus, ce sont les mêmes ! Le premier cité vivait sur le Mont Olympe, l’autre sur le Capitole, et sans doute plus encore dans les vignobles romains.
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(Paul de la Houve, Le triomphe de Bacchus, gravure au burin, XVIIe siècle, Musée Barrois, achat à Saint-Hélin- vendeur - 1972 - inv. 973.3.2) |
Il s’agit d’une gravure au burin, une des techniques les plus compliquées à acquérir pour les artistes. En effet, elle consiste à creuser, à l’aide d’une tige d’acier - le burin - à même la plaque de métal.
La scène représente Bacchus, appelé Dionysos dans la mythologie grecque. Il est le fils de Jupiter et de l’une de ses maîtresses, Sémélé. Junon, femme du dieu de la foudre, apprenant la nouvelle de la grossesse de la jeune mortelle, se met en colère et décide de se venger en la forçant à demander au dieu de se montrer sous sa forme divine. Sémélé est alors foudroyée sur place. Jupiter, ne voulant pas perdre son fils, l’enlève du ventre de sa mère pour le coudre sur sa cuisse afin de lui donner naissance. Cependant, Junon décide de ne pas laisser Bacchus vivre sa vie paisiblement. Folle de jalousie, elle envoie des Titans pour tuer l’enfant qui est sauvé par Mercure et confié à la protection des nymphes de Nysa. Malgré cette protection, Junon ne cesse de vouloir exercer son désir de vengeance, en soumettant le jeune dieu à des épreuves complexes tout au long de sa vie.
Dans la mythologie romaine, Bacchus est très régulièrement représenté triomphant, comme sur notre gravure, contrairement à la mythologique grecque qui le renvoie beaucoup plus à l’image de l’ivresse ou même à celle du théâtre, auquel il est souvent associé. Bacchus revient triomphant de son voyage dans les Indes où il a mené une expédition guerrière. Il est assis sur un éléphant, en plein centre de l’œuvre. Il est entouré de tout un cortège qui l’acclame. On retrouve beaucoup de ses attributs : les vignes, le lion, le centaure, des satyres, la panthère. Faisant couler le vin à flots, il permettrait aux hommes d’oublier leurs problèmes.
Texte : Isaure Digard, médiatrice au Musée barrois.
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Plus la saison était triste, plus elle était en rapport avec moi : le temps des frimas, en rendant les communications moins faciles, isole les habitants des campagnes : on se sent mieux à l’abri des hommes.
Un caractère moral s’attache aux scènes de l’automne : ces feuilles qui tombent comme nos ans, ces fleurs qui se fanent comme nos heures, ces nuages qui fuient comme nos illusions, cette lumière qui s’affaiblit comme notre intelligence, ce soleil qui se refroidit comme nos amours, ces fleuves qui se glacent comme notre vie, ont des rapports secrets avec nos destinées.
Je voyais avec un plaisir indicible le retour de la saison des tempêtes, le passage des cygnes et des ramiers, le rassemblement des corneilles dans la prairie de l’étang, et leur perchée à l’entrée de la nuit sur les plus hauts chênes du grand Mail. Lorsque le soir élevait une vapeur bleuâtre au carrefour des forêts, que les complaintes ou les lais du vent gémissaient dans les mousses flétries, j’entrais en pleine possession des sympathies de ma nature.
(Chateaubriand, Les Mémoires d’outre-tombe)
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Octobre est le mois des feuilles peintes. C’est le temps où leurs chaudes couleurs éclatent de par le monde. Comme les fruits et les feuilles, ainsi que le jour, s’embrasent juste avant de tomber, l’année qui s’achève se couvre elle aussi de riches couleurs. Octobre est son ciel couchant, suivi par novembre qui est son crépuscule. J’ai eu un jour l’idée que cela vaudrait la peine de trouver un spécimen de chaque feuille, chaque buisson, chaque plante herbacée qui change de teinte, au moment où leur couleur caractéristique est à son apogée, dans la transition du vert au brun, de faire de chacun un croquis, de le peindre de la nuance la plus proche de l’original, et de les ranger tous dans un album qui s’intitulerait « Octobre, ou « Teintes d’Automne », en commençant par le rouge précoce de la vigne vierge et la laque des feuilles radicales, puis celui plus intense des érables, des hickorys et des sumacs, et de maintes feuilles moins connues aux belles taches de rousseur, pour finir par les chênes et les trembles plus tardifs. Quel beau livre de souvenirs cela ferait ! Il suffirait d’en tourner les pages pour se promener tout à loisir à travers les bois en automne.
(Henry David Thoreau, Teintes d’automne - Traduit de l’anglais par Nicole Mallet)
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Germain connaissait le chemin jusqu’au Magnier ; mais il pensa qu’il aurait plus court en ne prenant pas l’avenue de Chanteloube, mais en descendant par Presles et la Sépulture, direction qu’il n’avait pas l’habitude de prendre quand il allait à la foire. Il se trompa et perdit encore un peu de temps avant d’entrer dans le bois ; encore n’y entra-t-il point par le bon côté et il ne s’en aperçut pas, si bien qu’il tourna le dos à Fourche et gagna beaucoup plus haut du côté d’Ardentes.
Ce qui l’empêchait alors de s’orienter, c’était un brouillard qui s’élevait avec la nuit, un de ces brouillards des soirs d’automne que la blancheur du clair de lune rend plus vagues et plus trompeurs encore. Les grandes flaques d’eau dont les clairières sont semées exhalaient des vapeurs si épaisses que, lorsque la Grise les traversait, on ne s’en apercevait qu’au clapotement de ses pieds et à la peine qu’elle avait à les tirer de la vase.
Quand on eut enfin trouvé une belle allée bien droite, et qu’arrivé au bout, Germain chercha à voir où il était, il s’aperçut bien qu’il s’était perdu ; car le père Maurice, en lui expliquant son chemin, lui avait dit qu’à la sortie des bois, il aurait à descendre un bout de côte très raide, à traverser une immense prairie et à passer deux fois la rivière à gué. Il lui avait même recommandé d’entrer dans cette rivière avec précaution, parce qu’au commencement de la saison il y avait eu de grandes pluies et que l’eau pouvait être un peu haute. Ne voyant ni descente, ni prairie, ni rivière, mais la lande unie et blanche comme une nappe de neige, Germain s’arrêta, chercha une maison, attendit un passant et ne trouva rien qui pût le renseigner. Alors il revint sur ses pas et rentra dans les bois.
(George Sand, La mare au diable)
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J’aimais surtout à m’arrêter sous les marronniers immenses quand ils étaient jaunis par l’automne. Que d’heures j’ai passées dans ces grottes mystérieuses et verdâtres à regarder au-dessus de ma tête les murmurantes cascades d’or pâle qui y versaient la fraîcheur et l’obscurité ! J’enviais les rouges-gorges et les écureuils d’habiter ces frêles et profonds pavillons de verdure dans les branches, ces antiques jardins suspendus que chaque printemps, depuis deux siècles, couvre de fleurs blanches et parfumées, les branches, insensiblement courbées, descendaient noblement de l’arbre vers la terre, comme d’autres arbres qui auraient été plantés sur le tronc, la tête en bas. La pâleur des feuilles qui restaient faisait ressortir encore les branchages qui déjà paraissaient plus solides et plus noirs d’être dépouillés, et qui ainsi réunis au tronc semblaient retenir comme un peigne magnifique la douce chevelure blonde répandue.
(Marcel Proust, les Plaisirs et les Jours)
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Tout le jour, les chiens courants hurlaient par les bois à la suite du renard et du sanglier, et, chaque soir, d’éblouissants feux d’artifice allaient mêler aux étoiles leurs panaches de feu, tandis que les fenêtres illuminées du salon jetaient sur les vastes pelouses des traînées de lumière où passaient des ombres. C’était l’automne, la saison rousse. Les feuilles voltigeaient sur les gazons comme des volées d’oiseaux. On sentait traîner dans l’air des odeurs de terre humide, de terre dévêtue, comme on sent une odeur de chair nue, quand tombe, après le bal, la robe d’une femme. 166 Un soir, dans une fête, au dernier printemps, Mme d’Avancelles avait répondu à M. de Croissard qui la harcelait de ses prières : « Si je dois tomber, mon ami, ce ne sera pas avant la chute des feuilles. J’ai trop de choses à faire cet été pour avoir le temps. » Il s’était souvenu de cette parole rieuse et hardie ; et, chaque jour, il insistait davantage, chaque jour il avançait ses approches, il gagnait un pas dans le cœur de la belle audacieuse qui ne résistait plus, semblait-il, que pour la forme.
(Maupassant, Contes de la bécasse - Un coq chanta)
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Il est inconcevable de ne pas citer en premier celui dont la chanson et le nom sont, pour de multiples raisons, à jamais liés à cette saison.
Chanson d’automne
Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone.
Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l’heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure
Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.
(Paul Verlaine)
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L’automne (Extraits)
Salut, bois couronnés d’un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature
Convient à la douleur et plaît à mes regards !
Je suis d’un pas rêveur le sentier solitaire,
J’aime à revoir encor, pour la dernière fois,
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
Perce à peine à mes pieds l’obscurité des bois !
Oui, dans ces jours d’automne où la nature expire,
A ses regards voilés, je trouve plus d’attraits,
C’est l’adieu d’un ami, c’est le dernier sourire
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais !
Ainsi, prêt à quitter l’horizon de la vie,
Pleurant de mes longs jours l’espoir évanoui,
Je me retourne encore, et d’un regard d’envie
Je contemple ses biens dont je n’ai pas joui !
Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,
Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau ;
L’air est si parfumé, la lumière est si pure !
Aux regards d’un mourant le soleil est si beau !
(Alphonse de Lamartine)
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Un air d’octobre
Un air comme une traîne immense
Un air qui ne finit jamais
Un air d’octobre une romance
Plus douce que le mois de mai
Un air qui toujours recommence
Tes yeux ont le mal d’horizon
Fou qui trouve assez bleu l’azur
A qui le ciel n’est pas prison
Il faut aimer à démesure
Ce n’est pas assez que raison
Bel automne aux mains de velours
C’est la chanson jamais chantée
C’est la chanson de notre amour
C’est la chanson des roses-thé
Dont le cœur est couleur du jour
Est-il assez profond sanglot
Pour dire les déserts physiques
Pareils aux ronds qu’on fait dans l’eau
Les mots valent-ils la musique
Du long désir au cœur enclos
Un air Elsa de la démence
Un air qui ne finit jamais
Un air d’octobre une romance
Plus doux que n’est le mois de mai
Un air comme une traîne immense
(Louis Aragon)
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Automne
Matins frileux
Le temps se vêt de brume ;
Le vent retrousse au cou des pigeons bleus
Les plumes.
La poule appelle
Le pépiant fretin de ses poussins
Sous l’aile.
Panache au clair et glaive nu
Les lansquenets des girouettes
Pirouettent.
L’air est rugueux et cru ;
Un chat près du foyer se pelotonne ;
Et tout à coup, du coin du bois résonne,
Monotone et discord,
L’appel tintamarrant des cors
D’automne.
(Emile Verhaeren)
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Automne
Dans le brouillard s’en vont un paysan cagneux
Et son bœuf lentement dans le brouillard d’automne
Qui cache les hameaux pauvres et vergogneux
Et s’en allant là-bas le paysan chantonne
Une chanson d’amour et d’infidélité
Qui parle d’une bague et d’un cœur que l’on brise
Oh ! l’automne, l’automne a fait mourir l’été
Dans le brouillard s’en vont deux silhouettes grises.
(Guillaume Apollinaire, Alcools)
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Manquent, entre autres, Mallarmé, Anna de Noailles, Hugo, Leconte de Lisle, Mallarmé, Samain, Baudelaire…
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