Concours nouvelles 12023

Troisième Prix

Le bel emplumé
de Gaïane MILLER
(Joudreville - 54)

Chancelant, Raymond Bernier sort de l’hôpital tandis que les paroles du médecin tournent en boucle dans sa tête : « Mettez vos affaires en ordre ». Installé dans sa voiture, il téléphone à son notaire qui lui donne rendez-vous dans deux jours puis prend la route qui mène à son domicile.

Il a commencé sa carrière comme apprenti dans un garage automobile où il a gravi les échelons jusqu’au poste de Directeur de la Communication lorsque, la fille du patron est revenue d’Angleterre après avoir obtenu son diplôme. Une collaboration professionnelle s’est installée jusqu’à ce qu’il lui avoue son amour et Monique lui a donné trois fils magnifiques mais si différents. Les deux ainés sont le portrait type d'hommes d'affaires en costume et cravate tandis que le dernier ressemble à... Comment dire ? Rimbaud a écrit : Débraillé comme un étudiant. C'est la description exacte de Frédéric.

Lorsqu’il a pris la succession de son beau-père, Raymond a diversifié les prestations, s'est entouré d'experts et, aujourd’hui, il dirige une entreprise renommée dans toute l’Europe où les collectionneurs de modèles anciens font confiance à ses réparateurs chevronnés.

La voiture se gare devant la grande maison où il se sent si seul depuis que Monique l’a quitté. Heureusement que Napoléon est là. Son bavardage incessant lui fait du bien et il arrive même à le faire rire de temps en temps.

Deux mois plus tard, une foule compacte se presse dans l’église du village. Après la cérémonie, trois hommes côte à côte suivent le corbillard jusqu’au cimetière où le cercueil de Raymond rejoint celui de sa femme décédée dix ans plus tôt. Maître Simonin serre la main des trois frères.

— Mes sincères condoléances. Votre père était un ami proche. Je vous attends à mon étude mardi à neuf heures.
Bien Maître, répond Serge tandis que Denis et Frédéric se contentent d’un signe de tête.

Les trois frères attendent, sans inquiétude, que le notaire commence la lecture des documents. Chacun va hériter d’un tiers de l’important patrimoine, sachant que chaque part représente plusieurs centaines de milliers d’euros. Après la lecture des formules légales vient l’énumération des héritiers.

— Je lègue à Serge, mon fils ainé, la concession automobile dans sa totalité. Je sais qu’il la fera prospérer aussi bien que moi.

Les deux jeunes frères sont abasourdis.

— Notre père nous déshérite ! s’insurge Frédéric.
Qu’est-ce que ça veut dire ? ajoute Denis.

Derrière son bureau, le notaire lève les deux mains en signe d’apaisement.

— Calmez-vous, je n’ai pas terminé !
— On vous écoute, continuez, implore Serge.

— Je lègue à Denis, ma collection de voitures anciennes qu’il pourra agrandir avec quelques modèles que je n’ai pu dénicher, faute de temps.

Denis se redresse dans son fauteuil et se penche en avant.

— C’est tout ce que mon père me laisse ?

Le notaire regarde les trois hommes par-dessus ses lunettes qui ont glissé sur le bout de son nez.

— À Frédéric, je lègue Napoléon mon fidèle compagnon.

Frédéric prend quelques secondes pour intégrer les mots qu’il vient d’entendre et se lève d’un bond.

— Qu’est-ce que c’est que cette mascarade ? Il est où le vrai testament ?
— Il y a deux mois, votre père était en pleine possession de ses moyens lorsqu’il m’a dicté ses dernières volontés devant témoins.

— Un perroquet ? C’est une blague ! Qu’est-ce que je vais faire d’un perroquet ?

— Vous allez veiller à ce qu’il ne manque de rien.

De retour chez lui, Frédéric est toujours aussi furieux. Il envoie valser sa veste en jean sur une chaise et donne un coup de pied dans le bas du buffet. Une voix puissante provient de la pièce voisine.

— Aie, ça fait mal ! Napo a faim, Napo a faim !

Grimaçant de douleur, Frédéric se dirige vers le salon en boitant. Le perroquet lève une patte et se moque de son maître.

— Mal au pied, mal au pied !
— Ton bec la volaille ! râle Frédéric.

— Napo veut du fromage, Napo adore le fromage !

— Tu as tout mangé hier. Si je t’épluche une pomme, ça ira ?

— Ça ira ! répond Napoléon en balançant son corps.

Le jeune homme caresse la tête du volatile. Au fond, il aime bien cette bestiole qu’il connaît depuis dix ans déjà. Napoléon est arrivé quand sa mère est… Frédéric secoue ses boucles blondes pour effacer ce triste souvenir et dépose les petits morceaux de pomme dans la coupelle accrochée au perchoir. L’oiseau se régale.

— Tu es aussi gentil que mon pauvre maître. Un jour, tu connaîtras le bonheur et tu deviendras riche, mais il y a une condition à remplir.
— Le bonheur ? De quelle condition tu parles ?

— Je veux des souliers noirs à la taille de mes pattes avec une boucle dorée et aussi une cape noire.

— Tu m’expliques ?

— Des souliers avec une boucle dorée et une cape noire en satin, sinon je reste muet.

— Toi muet ? Laisse-moi rire. D’accord, je te les offrirai mais si tu me mens, tu finiras bouffé par les chats du quartier.

Nullement effrayé, le perroquet sait que Frédéric ne mettra jamais sa menace à exécution.
Quelques jours plus tard, Frédéric est assis au piano et tente de composer une chanson mais il rature sans cesse et gribouille les notes sur la partition.

— Il faut que je trouve une mélodie qui déchire !

Il n’a eu aucun retour concernant les maquettes qu’il a déjà envoyées aux petits labels indépendants. La sonnette de l’entrée interrompt son travail. Il coince son crayon sur son oreille et se dirige, pieds nus, vers l’entrée.

— Bonjour, vous êtes Monsieur Bernier ?
— C’est moi.

— Deux paquets pour vous, signez sur l’écran.

Lorsqu’il soulève le couvercle, Frédéric admire la finesse des souliers. Le cordonnier a fait du bon travail. Dans l’autre boite, la cape confectionnée par l’ancienne couturière de sa mère, est superbe.

— J’ai rempli ma part du marché, dit le jeune homme en déposant les objets près de l’oiseau.

Fier comme un paon, Napoléon fait des allers-retours sur le bord de la fenêtre ouverte en faisant claquer ses talons et la cape lui donne l’allure d’un chevalier. Écartant les ailes, il s’envole en poussant un cri de victoire. Au-dessus d’un verger, il repère un arbre et plonge pour se percher sur la plus haute branche. Il vacille, récupère son équilibre.

— Pas très pratiques ces souliers, mais ils sont si beaux.

Il cueille deux pêches, les met dans sa besace et repart jusqu’à une superbe maison où il dépose les fruits sur la table tandis que Sabrina Mariano, la célèbre actrice, nage dans la piscine. Il s’éclipse discrètement.
Napoléon poursuit ce manège pendant quelques temps en variant les cadeaux : tomates, fraises, framboises ou abricots. Sabrina décide de tendre un piège à l’inconnu qui s’introduit chez elle sans déclencher l’alarme. Elle s’installe dans le jacuzzi et cache son visage sous un chapeau de paille et attend. Un bruit l’alerte, on dirait un bruissement d’aile. Un perroquet vient se poser sur la table de la terrasse et sort de son sac une petite boite ornée d’un ruban rouge.

— C’est donc toi mon admirateur secret ! s’écrie-t-elle.

Surpris, Napoléon s’envole et se pose sur le lampadaire pour discuter.

— Mon maître a vu tous vos films, il est très timide et n’ose pas vous aborder.
— Pourquoi ne m’envoie-t-il par un courrier ou des fleurs ?

— Mon maître est un original. Si vous voulez faire sa connaissance, il aime pédaler autour du lac vers dix-huit heures.

— Je vais y réfléchir. Ma vie est si monotone entre deux tournages et ça m’amuserait de le surprendre à mon tour.

Ce soir, Frédéric préfère regarder la télévision mais c’est sans compter sur Napoléon qui, fidèle à son plan, insiste pour qu’il sorte.

— Il ne faut pas arrêter quand on fait du sport, sinon on perd le bénéfice des séances précédentes. Je t’attends dehors, je vais chauffer mes ailes.

Frédéric pédale mollement et jette un coup d’œil rapide sur le haut mur entourant la propriété de Sabrina. Le bonheur suprême serait de pouvoir la rencontrer et lui parler. Il soupire car son rêve ne risque pas de se réaliser ce soir. Napoléon repère l’actrice qui trottine, écouteurs sur les oreilles, casquette enfoncée sur la tête et lunettes noires. C’est le moment d’agir. Un grand coup d’aile devant le visage de Frédéric lui fait perdre l’équilibre et il tombe dans le lac. Sabrina se précipite.

— Je peux vous aider ?
— Je sais nager. Par contre, mon vélo non, il est au fond de l’eau !

Frédéric sort de l’eau et son regard rencontre celui de… Sabrina Mariano ! La star de cinéma est devant lui.

— Vous êtes… vous êtes, bafouille-t-il.
— Vous êtes trempé ! J’habite à deux pas, venez vous sécher.

Napoléon quitte l'arbre où il s'était planqué et se perche sur l’épaule de son maître.

— Il est à vous ce perroquet ? demande Sabrina.
— C'est Napoléon, répond Frédéric qui s’applique à essorer le bas de son tee-shirt en le tordant.

— Alors, c’est vous les cadeaux !

— Quels cadeaux ? Je n’ai jamais…

— Voilà la maison de Sabrina ! s’écrie Napoléon pour détourner l'attention de son maître.

— Nous sommes arrivés, confirme Sabrina en tapant un code sur le boitier du portail.

La jeune femme guide Frédéric jusqu’à l’étage.

— Voilà la salle de bain. Je vais demander à la gouvernante de vous trouver des vêtements secs.

Dans le fauteuil en cuir blanc, Frédéric croise et décroise ses jambes. Il ne sait quelle attitude prendre face à son idole qui revient avec un plateau où sont posés une carafe de thé glacé et deux verres. Sabrina l’intimide car elle est si belle mais également si abordable et attentive aux autres.

— Vous avez la même carrure que Fabien, constate la jeune femme en versant le liquide frais.
— Vous remercierez votre… ami de ma part, répond-t-il au prix d’un effort surhumain pour masquer sa jalousie.

— Fabien est mon frère. Il est acteur de théâtre mais il a pris un pseudo différent du mien.

Le cœur plus léger, Frédéric sirote sa boisson et remercie sa bienfaitrice en lui promettant de rapporter les vêtements.

— Et je vous rendrai les vôtres. Je voudrais comprendre pourquoi votre perroquet m’apporte chaque jour un petit cadeau.
— Quels cadeaux ? Je ne comprends pas...

— Votre faux air innocent est attendrissant.

Napoléon, qui se tenait peinard et muet sur le dossier du canapé, s’ébroue en criant pour attirer l’attention.

— Brrr, j’ai froid, je veux rentrer à la maison !
— Mais…

— Tout de suite à la maison, j’ai froid !

— Ok, on y va. Merci pour le thé et les vêtements.

Frédéric rentre chez lui dans un état second, suivi par un Napoléon très fier que son plan se soit déroulé comme prévu. Grâce à lui, son maître a rencontré Sabrina.

— Napo approche, je vais allumer un feu dans la cheminée.
— Pas besoin, j’ai chaud.

— Comment ça, tu as chaud ? Mais…

— Il fait froid chez Sabrina, réplique l’oiseau en ébouriffant ses plumes.

— Je n’ai pas remarqué.

Bien sûr qu’il n’a pas remarqué puisque ses pupilles étaient rivées sur la jeune femme et suivaient le moindre de ses gestes. Rien autour de lui ne comptait et, s’il avait neigé dans le salon, il ne l’aurait pas vu. Frédéric prépare une omelette et s’installe sur le canapé pour passer la soirée devant la télé. Quand il se lève pour aller se coucher, il serait incapable de raconter le film. Napoléon l’observe et attend qu’il ait disparu pour faire son cinéma à la manière de Louis de Funès.

— Sabrina, vous si jolie, mon cœur s’enflamme dès que je vous vois. Vous êtes entrée dans mon cœur et…
— Tu as besoin de quelque chose ? demande Frédéric qui a fait demi-tour.

— Euh… non.

— Enlève tes chaussures sinon tu vas tomber. Bonne nuit Napo.

— Ce sont des souliers. Bonne nuit.

Napo tend le cou pour s’assurer que Frédéric est parti pour de bon.

— Enfin seul, il était moins une qu’il ne me grille. Mon pauvre Napo, tu as toujours la langue devant les dents. Je sais, les perroquets n’ont pas de dents mais ma langue est trop longue.

L’oiseau enlève ses souliers et les pose près de lui. La lumière de la lune fait scintiller les deux boucles et, du bout de son aile, Napo caresse son précieux trésor avant de s’installer pour dormir.
Le lendemain matin, Frédéric se rend chez Sabrina pour restituer les vêtements propres. L’objet de ses pensées l’accueille avec un grand sourire qui se transforme en une expression de surprise.

— Vous ! Je pensais que c’était Jérémy mon masseur.
— Je peux le remplacer si vous… commence-t-il avant de réaliser la bourde qu’il vient de commettre. Un masseur ? Non… je…

— Vous rapportez déjà les affaires de mon frère, répond-t-elle pour qu’il arrête de rougir comme un gamin timide. Elle trouve cela attendrissant mais ne veut pas prolonger son supplice.

— Je les ai repassés.

— Je viens de préparer de la citronnade. Vous voulez entrer une minute ?

Sur la terrasse baignée par le chaud soleil de juillet, Frédéric admire la grande piscine. Il aimerait piquer une tête mais, sans maillot, il va s’abstenir et puis Sabrina ne lui a pas proposé. Le portable de la jeune femme tinte sur la table. Elle lit le message.

— Jérémy ne viendra pas. Ne vous inquiétez pas, je ne vous demanderai pas de le remplacer.
— Je… je n’ai pas voulu vous manquer de respect. Je…

— C’est de l’humour, détendez-vous. Vous faites quoi dans la vie ?

— Je compose des musiques pour des publicités et des courts-métrages.

— Des chansons aussi ?

— Oui.

Une heure plus tard, Frédéric, très à l’aise discute avec Sabrina comme s’ils se connaissaient depuis longtemps. L’actrice s’intéresse à ce qu’il fait, elle l’écoute quand il lui explique les galères qu’il rencontre pour se faire connaître et pose beaucoup de questions très pertinentes. C’est la première fois que quelqu’un ne reste pas indifférent et comprend à quel point il est passionné. Sa famille n’a jamais compris et il a renoncé depuis longtemps à faire écouter ses compositions.

— Vous avez raison d’éviter les majors qui ne pensent qu’à faire de l’argent sur le dos des artistes et les jettent dès qu’ils ne sont plus bankables. Vous vous produisez quelque part ?
— Je joue dans les piano-bars la semaine et dans un restaurant le week-end. J’y interprète deux de mes chansons dans l’espoir d’être repéré par un agent. Vous connaissez l’Alcôve ?

— Je connais de nom.

— La cuisine du chef est originale, légère et raffinée.

— Je pense que j’y réserverai une table un de ces jours. Ça vous dit de piquer une tête ?

— Je n’ai pas de maillot.

— Ce n’est pas un problème, vous pouvez vous baigner nu.

— Heu…

— Détendez-vous, je plaisante. Fabien a un tiroir rempli de maillots, vous pourrez choisir celui qui vous convient.

Le soleil décline à l’horizon lorsque Frédéric réintègre sa maison. Napo comprend.

— Tu as la tête de Grosminet qui a réussi à gober Titi le canari. Tu étais avec Sabrina depuis ce matin ?
— On a bavardé, on s’est baigné, on a grignoté et bu du champagne dans son jacuzzi. Il faut que je me mette au piano, j’ai des idées pour une nouvelle chanson. L’inspiration revient Napo !

Le perroquet jubile mais se retient de pousser son cri de guerre. Il se contente d’ouvrir grand son bec en silence et tortille son popotin mais a oublié qu’il avait ses souliers et chute sur le sol.

— Aie ma tête ! se plaint-il avant de s’envoler pour se poser sur le pupitre du piano.

Il a une vue plongeante sur les mains de Frédéric qui courent sur les touches noires et blanches. Il aime cette nouvelle mélodie et balance son corps en cadence. Les pages blanches se couvrent de notes et le crayon s’active à y poser les paroles.
Frédéric joue une dernière fois la mélodie en chantant. Sa voix grave met en valeur le texte et une ambiance romantique envahit la pièce et les dernières notes concluent la chanson en beauté.

— Tu dois la jouer au restaurant ce soir. S’il y a un dénicheur de talent dans la salle, tu vas signer un contrat dans la foulée.
— Tout doux l’emplumé ! Sabrina m’a expliqué que le talent n’est pas le seul critère à prendre en compte pour réussir. Il faut que je me montre plus sur les réseaux sociaux et puis me trouver un bon agent.

— Un agent ? Et tu le paieras comment puisque ton père t’a déshérité ?

Napoléon se mord la langue quand il voit le visage affligé de Frédéric. Une fois de plus, il a parlé avant de réfléchir.

— Je suis désolé, je ne voulais pas…
— Ne t’inquiète pas. Tu as raison, il ne faut pas que je m’emballe trop vite.

La tristesse de son maître lui fend le cœur. Comment pourrait-il le consoler et lui redonner l’espoir ? Une idée germe dans son crâne et il faut qu’il la mette à exécution tout de suite.

— Je dinerai plus tard, j’ai un truc à faire.
— Je n’aime pas que tu sortes le soir !

— Je reviens tout de suite ! crie Napo avant de disparaître par la fenêtre.

Il atterrit sur la terrasse de Sabrina et frappe la vitre avec son bec. La baie vitrée coulisse et il entre pour se positionner près de deux petits pieds aux ongles vernis. Sabrina se baisse.

— Napoléon, que se passe-t-il ? Ton maître va bien ?
— Pas très bien et c’est pour ça que je viens vous voir.

— Que puis-je faire pour l’aider ?

— Je vous explique.

Une heure plus tard, Napoléon est de retour sur son perchoir et cette fois, c’est lui qui a la tête de Grosminet. Le plan qu’il vient de mettre sur pied avec Sabrina est simple et infaillible.

— Il n’y a plus qu’à croiser les doigts et espérer que Frédéric laisse éclater son talent, soupire-t-il en jetant un œil sur le menu de ce soir.

Avant de partir, Frédéric a pris soin de remplir la mangeoire. Napoléon voit des morceaux de concombre, du maïs, son péché mignon et des fraises et du melon.

— C’est quoi ces petits trucs blancs ? Du chou-fleur, très peu pour moi. La seule fois où j’en ai mangé, j’ai eu des gaz pendant deux jours, râle-t-il en poussant les intrus.

Repu, Napoléon s’installe sur le canapé pour regarder la télévision. Il n’y a rien d’autre à faire qu’à attendre le retour de Frédéric pour savoir si son plan a marché.
Une porte claque et une tornade entre dans le salon. Napoléon reconnaît Frédéric qui se précipite vers lui.

— Napo, tu ne vas pas le croire !
— Que… quoi ? demande l’oiseau en baillant.

— J’ai signé un contrat avec une maison de disques ! Je vais être enfin reconnu en tant qu’artiste et tu sais à qui je le dois ?

— Non, dis-moi.

— À Sabrina, elle est venue dîner à l’Alcôve. Après avoir joué mes morceaux habituels, j’ai voulu tester ma nouvelle chanson et je l’ai dédiée à Sabrina. Elle était surprise et émue. L’homme qui l’accompagnait s’est mis à me scruter et je n’ai plus osé regarder dans sa direction jusqu’aux trois dernières notes.

— Et alors ? demande Napoléon qui feint l’indifférence.

— Toute la salle s’est levée et m’a applaudi. Sabrina m’a présenté à l’homme qui est le Directeur Général du plus gros label de France, et il m’a proposé de le rencontrer demain pour signer un contrat. Ma carrière va enfin décoller !

Au comble de l'excitation, Frédéric tourne en rond en passant ses doigts dans ses cheveux. Il a une autre bonne nouvelle à annoncer et il tient à ce que Napo soit le premier à l'apprendre.

— J’ai raccompagné Sabrina chez elle et… on s’est embrassés.

La confidence fait réagir Napoléon qui se met à chanter en prenant la voix de Gilbert Montagné. « On va s’aimer, à toucher le ciel - On va s’aimer comme les hirondelles »

— On va s’aimer pour toujours. Sabrina est la femme de ma vie.

°°°

Six mois plus tard, les cloches de l’église du village sonnent pour célébrer le mariage de deux célébrités.
Devant les photographes, Sabrina et Frédéric échangent leurs vœux. Napoléon est fier de porter le petit coussin où sont fixées les alliances. Lorsque Frédéric lui fait un petit signe, il avance en bombant le poitrail. Il connaît enfin son petit moment de gloire et prend le temps de marquer un arrêt pour poser une fois en présentant son meilleur profil jusqu'à ce que Frédéric le rappelle à l'ordre.

La cérémonie se termine par l’échange d’un long baiser puis les mariés remontent l’allée centrale. Ils se retrouvent sur le parvis où ils se font bombarder de confettis en forme de cœur.

Napoléon n’est pas le dernier pour crier « Vive les mariés ! ». Si son maître a trouvé le bonheur et la célébrité, c’est un peu grâce à lui.

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