Coup sur coup
L’infirmier avait décidé de partir, sur un coup de blues, et de rendre son tablier. En fait, il était épuisé et avait essuyé ces derniers temps de nombreux coups de barre. Marre des coups et blessures ! Mais il n’entendait pas pour autant partir sur un coup de tête. Son boss, tout aussi à cran que lui, l’avait gratifié d’un coup de boule après avoir piqué un coup de gueule.
À coup sûr, cet incident était un coup de semonce. Il s’attendait au moins à être mis à pied, ce qui allait constituer un coup d’arrêt à sa carrière. Et comme il n’était pas casse-cou…
Que faire ? Il ne se sentait plus dans le coup, de toute façon. Mais donner sa démission sur-le-champ constituait un coup de folie.
Après coup, il se ravisa. Alors lui vint une idée : faire un mauvais coup, se mettre sur un coup qui lui rapporterait gros sans coup férir. Il n’était pas malhonnête pour deux sous, mais la vie parfois vous change un homme par à-coups. Il ne voulait pas d’un coup foireux, mais d’un bon coup. Il décida donc de frapper un grand coup : dévaliser une banque, cambrioler une bijouterie d’un quartier chic, faire un braquage qui valait le coup, quoi !
Il se rendit chez un armurier auquel il acheta un vieux six coups. Possédant quelques économies, il eut un coup de cœur pour une petite voiture rapide et, persuadé qu’il avait eu un coup de génie, décida de frapper les trois coups d’un scénario du coup qu’il avait monté.
Il ne fallait pas procéder par à-coups, mais au contraire, frapper un coup décisif. Aussi, pour se donner du courage, il but un petit coup avant de passer chez lui un coup de balai.
Il se souvint d’une fille pour laquelle il avait eu le coup de foudre, qui lui avait mis la bride sur le cou, à qui il avait promis de lui passer la bague au doigt. Maintenant il se disait qu’il pourrait peut-être accrocher une rivière de diamants à son cou.
Il allait sortir de chez lui quand un coup de sonnette retentit. Il regarda par le judas et vit la fille qui attendait sur le paillasson.
« Si elle s’incruste, à coup sûr, mon coup va rater ! » se dit-il.
Il ouvre. Elle entre :
— Coucou ! je passe en coup de vent pour te dire qu’il y a eu un coup d’état chez nous, cette nuit !
Il n’en revient pas, marque le coup. Pour lui, c’est un coup de tonnerre qui donne le coup de grâce de son projet. À tous les coups, il va y avoir des flics à tous les coins de rue et les coups de matraque vont pleuvoir, tout comme les jets de grenades lacrymogènes et les cocktails Molotov, véritables coups de grisou. Finalement, la fille lui dit que c’est une blague, en le gratifiant d’un coup de coude, ce qui achève de le mettre en colère, au bord du coup de sang, car il est d’un tempérament sanguin même si son métier est assez bien rémunéré, dans le groupe dont il est membre. Il parvient à se calmer et propose à la fille qu’elle l’accompagne, car, dit-il, elle va assister à un gros coup. Il faut juste qu’elle tienne le coup émotionnellement, lui susurre-t-il en lui passant un bras autour du cou.
En cours de route, il explique tout et la fille lui adresse un coup de chapeau : « Chapeau bas ! dit-elle ». En trois coups de cuillère à pot, ils sont sur place. Il gare son bolide devant la boutique du grand diamantaire espagnol Couca Ratcha. La rue est quasi déserte en cette matinée du 5 août. À coup sûr, il doit réussir. Tout va se jouer sur un coup de poker. Au moment même où il sort de sa voiture, coup de théâtre ! Il est entouré par une escouade de flics armés jusqu’aux dents ! C’est comme un coup de chaleur. « Ça pouvait pas être un coup monté par la police, pense-t-il sans se démonter ». Pas de bol, pas de chance, pour le coup. Tout ça pour rien ! Comme un coup d’épée dans l’eau. Comme il s’énerve un brin, un gendarme lui donne le coup du père François qui lui fait l’effet d’un coup de massue !
Dans le cimetière voisin, des coups de feu claquent. Les hommes du BRI venaient sans doute pour cela. Et comme il était sur leur chemin, ils n’ont fait ni une ni deux. La police a réussi sur un simple coup de hasard un coup de filet en douceur. Elle n’a même pas été prévenue par un coup de fil anonyme.
Après avoir purgé sa peine, l’infirmier a retrouvé l’air libre. Bien sûr, sous le coup d’un blâme, il n’est pas revenu à l’hôpital et a été dans l’obligation de se reconvertir.
De toute façon, il en avait soupé des coups de pompe. Un moment, comme il fallait bien travailler, pour tenir le coup, se loger, manger, il a envisagé de cirer les pompes, à mi-temps. Un coup de brosse à reluire, et hop ! Pour l’autre mi-temps, il s’est fait embaucher dans une station-service et s’occupe du gonflage des pneumatiques.
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