La trame se déploie en chapitres courts et haletants. Chaque page convoque la suivante pour essayer de comprendre qui sont ces monstres, pourquoi ils vivent claquemurés sans tenter une quelconque évasion. Leur seul contact extérieur se nomme Aleph : être ambigu, à la fois fossoyeur et espoir de survie… Le thème de la séquestration est ainsi exploité, développant également le syndrome de Stockholm. L’insertion d’extraits de contes métaphoriques aux accents funestes accroit encore le sentiment d’oppression qui plombe le récit.
Le cadre de l’histoire est immonde : un sous-sol borgne et obscur où se côtoient matelas, gazinière et un seau pour faire ses besoins. Aucun espace pour courir, un air irrespirable et une porte verrouillée. Le lecteur suffoque en même temps que les personnages et vit une expérience sensorielle difficilement supportable, mais qui fait ressentir avec justesse ce qu’est une réclusion.
Les personnages sont réduits. Tout d’abord une mère et ses deux enfants qui vivent en huis clos total. La romancière décrit leur quotidien pauvre et répétitif qui se nourrit pourtant d’un immense amour. Il est ponctué par les visites d’un autre personnage qui établit un lien avec le monde extérieur, Aleph. C’est lui le père nourricier qui apporte pitance et livres, celui qui vide les seaux. Enfin, les policiers qui découvrent abasourdis cette détention hors norme et tentent de résoudre une énigme qui les dépasse.
Maud Mayeras plonge son lecteur dans les tréfonds de la noirceur de l’âme humaine : séquestration, conditionnement, viols, cruauté, mais également dans sa beauté : amour, innocence de l’enfance. Elle nous fait partager l’évolution psychique de ses personnages aussi bien la renaissance de la mère sous le choc d’un traumatisme, l’âme torturée d’Aleph et les tribulations des enfants plus perdus que jamais quand ils sont rendus à leur liberté.
Elle ose déranger, questionner… expliquer avec nuances, car la vérité n’est pas dans le manichéisme simpliste des bons et des méchants du bien et du mal. La libération des enfants qui ne produit pas l’effet escompté en est un exemple.
L’écriture fluide est remarquable d’efficacité. Elle parvient à peindre avec précision l’univers carcéral, le quotidien à la fois extraordinaire et banal de ses personnages réduits à une forme d’animalité. Elle pénètre la psyché humaine pour en faire ressentir les émotions, les sentiments.
La lecture de ce livre est parfois éprouvante, mais difficile de l’abandonner. Incontournable pour les amateurs de romans noirs. Pour se rassurer, le lecteur peut se dire que ce n’est que de la fiction, mais hélas, il sait que cela peut exister… Les journaux sont remplis de faits divers qui rendent compte d’une réalité similaire.
Une auteure à découvrir !
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