Il hurla un long moment, puis émergea de son cauchemar. Sa femme était près de lui, sous les draps ; elle alluma la lampe de chevet et tenta de le réconforter.
— Ça va, ça va, dit-il en s’asseyant. Quel horrible cauchemar !
Elle fit le tour du lit pour venir se poser près de lui.
— Mon pauvre chéri, et qu’as-tu rêvé ?
— Le film… Tu sais, ce film barjot qu’on a vu hier sur les vampires. Eh bien, ça se passait de la même manière… Tu avais été mordue et tu étais devenue à ton tour un de ces monstres.
— Eh bien… Je te fais peur maintenant ?
— Mais non !
L’horloge indiquait trois heures. Mais il était trop énervé et trop en sueur pour se recoucher de suite, aussi décida-t-il de se lever. Il fit un saut à la salle de bain, ouvrit la boîte à pharmacie et s’empara du tube d’aspirine. Puis il se rendit à la cuisine, se servit un verre d’eau et y balança le cachet effervescent.
Installé sur sa chaise, il regardait d’un air méditatif son verre en pleine ébullition, lorsque sa femme vint le rejoindre et s’assit en face de lui.
— Que s’est-il passé pour que tu cries comme ça ?
— Je te l’ai dit : tu étais un monstre.
— Et j’ai fait quoi ?
— Tu t’es jetée sur moi pour me mordre à la gorge. (il se passa la main autour du cou, comme s’il avait vraiment été touché)
— Hum…
Elle sourit et fit courir sa langue le long de ses lèvres d’un air gourmand. Il ne trouva pas ça drôle du tout.
— Ne fais pas ça ! Je crois que dans mon rêve, tu te léchais les babines exactement comme ça. Et c’était juste avant de m’attaquer.
— Paul, c’était un rêve !
— Il était terrifiant ce rêve, et je l’ai encore dans la tête.
Le retour de sa femme le mettait mal à l’aise, comme si quelque chose clochait. Elle ne cessait de le regarder, de l’épier, à la manière d’un animal prédateur. Et cet éclair qu’elle avait dans les yeux, c’était bien celui d’une femme vampire…
Non ! Mais il était en train de perdre la boule ! Les vampires, ça n’existe pas ! Il fallait chasser cette idée absurde et penser à autre chose. Et d’abord se débarrasser d’elle, l’éloigner le temps qu’il retrouve ses esprits.
— Excuse-moi de t’avoir réveillée, dit-il. Va donc te recoucher, je vais traîner un moment. Peut-être que j’irai regarder la télé au salon.
— Ça ne te réussit pourtant pas, les films, remarqua-t-elle… Ça te donne de drôles d’idées. Car je ne suis pas un vampire, Paul !
Comment avait-elle deviné qu’il était dans un tel état de confusion ? Il n’était pas question d’avouer pareille chose.
— Bien sûr que non, bien sûr que tu n’es pas un vampire ! Je n’ai jamais cru ça. C’est juste un rêve, je n’ai jamais eu peur de toi.
Elle leva un sourcil, sceptique. Puis elle alla jusqu’au bac à légumes et en sortit une grosse poignée d’ail qu’elle lui brandit sous le nez en riant de bon cœur.
— Tu vois, dit-elle. L’ail ne me fait pas fuir !
Elle désigna le collier et la petite croix chrétienne qu’il portait toujours autour du cou.
— Et les crucifix ne me font pas peur. Je ne suis donc pas un monstre.
— Ça va, ça va…
Il n’aimait pas qu’elle se moque de lui et la regarda d’un air sévère. C’est là qu’il remarqua l’étrange chose…
— Qu’est-ce que tu as au cou, là !? (il pointa du doigt la zone concernée)
— Hein ? Ça ? C’est juste une piqûre de moustique.
— Costaud, le moustique ! On dirait plutôt un suçon ou… une morsure.
Il se leva de sa chaise et regarda de plus près sa nuque, tandis qu’elle se crispait, vexée d’être ainsi examinée. Il ricana alors, d’une manière agressive :
— Je sais que ce n’est pas moi qui t’ai fait ça … Alors, qui ? Tu as un amant, dis-moi ?
Les yeux de son épouse étincelaient d’indignation…
— Hé ! Mais bien sûr que j’en ai un : c’est Nosferatu, le vampire ! Mais tu es fou, ma parole ! Paul, réveille-toi ! Sors de ton délire.
Il marcha vers elle et la bouscula, la renvoyant quelques pas en arrière :
— Dis-moi, dis-moi qui t’a fait ça ! insista-t-il en continuant de marcher sur elle.
— Arrête Paul !
— Je veux savoir !
— Arrête !!!
Et tandis qu’il commençait à l’empoigner et à la secouer vivement, le visage de l’épouse prit une expression infernale : ses yeux se dilatèrent et virèrent au rouge orangé, son visage s’empourpra et sa bouche s’ouvrit de manière démesurée pour laisser apparaître d’immenses canines pointues et des incisives tranchantes comme des rasoirs.
Terrifié, il lâcha sa prise tandis qu’elle se jetait rageusement sur lui en plongeant ses crocs sur sa gorge pour lui arracher la peau et le dévorer tout cru.
*
* *
Il hurla un long moment, puis émergea de son cauchemar. Sa femme était près de lui, sous les draps ; elle alluma la lampe de chevet et tenta de le réconforter.
— Ça va, ça va, dit-il en s’asseyant. Quel horrible cauchemar !
Elle fit le tour du lit pour venir se poser près de lui.
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