Albert GIRARD
Ce ne sont pas les Albert Girard célèbres qui manquent, mais celui qui nous intéresse n’était ni le peintre ni le copilote de Saint-Exupéry. Le nôtre vécut beaucoup plus tôt et nous l’avons tous maudit un jour ou l’autre sans savoir qui il était. Car enfin, qui n’a pas un jour envoyé au diable un devoir de math en souhaitant que l’inventeur de ce supplice qui occupait une place si importante dans l’obtention du baccalauréat ne soit jamais venu au monde ? Un Meusien !
Albert Girard naît en 1595 à Saint-Mihiel. Ses parents sont protestants et, lorsque Henri II de Lorraine interdit en 1610 le culte réformé sur son domaine, ils doivent s’exiler aux Pays-Bas et s’installent à Amsterdam. Le jeune homme se fait d’abord connaître comme joueur de luth professionnel, mais ce métier ne lui permet pas de gagner sa vie, car il est contraint de vivre chez ses parents, même après son mariage en 1614 et la naissance de ses premiers enfants. En 1617, il s’établit à Leyde et s’inscrit à l’université pour y apprendre la musique, dans un premier temps, puis les mathématiques, car il est très intéressé par ses applications militaires, en particulier les fortifications.
Il est amené à connaître un brillant mathématicien de l’époque, Stevin. Il corrige et traduit un certain nombre de ses œuvres sur ce sujet en prenant le pseudonyme de « Sammiellois ». Ces traductions sont déjà intéressantes, car en plus de traduire ce qu’a écrit le maître, il corrige et complète ses travaux, y apportant une contribution non négligeable. Cependant, écrire des ouvrages de mathématiques ne semble pas nourrir son homme (et encore moins sa famille), car dans un de ses livres, il ajoute en dédicace : « Étant ici en pays étranger, sans mécène et non sans perte, avec une grande famille, je n'y ai pas le loisir ni le pouvoir d'écrire ici tout ce qui pourrait être convenable. »
Bien que connu par de nombreux grands esprits de son temps, il est défini plus en tant qu’ingénieur militaire du prince d’Orange-Nassau que comme mathématicien. Et pourtant ! Son œuvre personnelle, qu’il ne pourra souvent faire éditer faute de moyens, fourmille de nouvelles idées qui ont enrichi l’univers des mathématiques. Heureusement, dans ses annotations en marge des ouvrages de Stévin, on en a une idée assez précise. Jugez plutôt ! Grâce à ses notations, il propage par exemple les notions de million, billion et trillion inventées par Nicolas Chuquet. Mais il ne se contente pas de ça… Rendons grâce à celui qui fut un des premiers à utiliser les symboles « sin », « cos » et « tan » qui nous ont tant fait rire au cours de notre jeunesse studieuse. Oui, sans lui, la vie aurait été si monotone !
Cependant il ne se contente pas de diffuser ce que d’autres ont trouvé avant lui.
C’est lui qui invente les parenthèses et les crochets, chers compagnons de nos équations d’algèbre… C’est aussi lui invente le signe pour les racines carrées, ainsi que pour les racines cubiques.
C’est également lui qui rédige le théorème fondamental de l’algèbre pour les polynômes réels, ainsi que le théorème permettant de calculer l’aire d’un triangle sphérique, (forme triangulaire sur une sphère) connu sous le nom de théorème de Girard, ainsi que la première mouture du théorème des deux carrés. Bien entendu, je ne vous ferai pas l’insulte de vous les rappeler ni de vous les expliquer puisque tout le monde les connaît (??!!). De même pour sa définition des nombres des suites de Fibonacci.
Bref, ce mathématicien dont tant d’autres après lui vont s’inspirer ne connaît qu’une limite à sa créativité : l’argent. Il en manque à tel point qu’il va mourir de misère à 37 ans à peine et que ce seront ses parents qui devront payer sa sépulture. Eux-mêmes ne mesurent pas la valeur de leur fils puisqu’ils font inscrire sur sa pierre tombale : « Monsieur Albert », ingénieur.
Alors, musicien, ingénieur militaire ou mathématicien ??? Et pourquoi pas astronome ? Lorsqu’il traduit les « Œuvres Mathématiques » de Stévin, n’écrit-il pas dans ses notes personnelles, alors que Galilée a été condamné un an plus tôt, que la théorie de la Terre mobile de Copernic lui semble « propre », qu’il pense qu’il y a plus de planètes que celles déjà connues et qu’elles seront découvertes grâce à des lunettes astronomiques plus puissantes. Et que selon lui, la Voie lactée est un amas d’étoiles situées fort près les unes des autres.
Dommage qu’un tel talent n’ait pas été reconnu en son temps !!!
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