Le premier jour où je l'ai vu
Le premier jour où je l’ai vu, je me souviens, j’avais douze ans. Je le croisais chaque jour avec l’arrivée du facteur, mais je ne prêtais pas attention à lui.
C’est monsieur Ribert, notre instituteur, qui nous l’a réellement présenté. Je ne me doutais pas, ce jour-là, que nous allions cheminer si longtemps côte à côte.
Il m’a accompagnée pendant toute mon adolescence et m’a transmis sa flamme. Cette flamme toujours à ses côtés pendant des années.
J’ai trouvé en lui le réconfort nécessaire dans cette période de ma vie. Il m’a appris l’ordre et la patience. À travers lui, j’ai beaucoup voyagé. D’abord en France : j’ai visité les grandes villes, vu leurs monuments, leurs églises ou leurs abbayes ; mais aussi la faune et la flore de nos régions. J’ai fait connaissance avec les arts, dont la peinture.
Je l’ai suivi dans les pays lointains, sur tous les continents. En Afrique, j’ai appris que le Congo belge devenait le Zaïre en 1971 et que la Haute-Volta s’appellerait dorénavant Burkina Faso. Au début de notre rencontre, ce qui m’a surprise en Europe, dans les pays de l’Est, c’est de voir les bus et les camions de travaux publics conduits par des femmes. Je ne pensais guère que beaucoup plus tard chez nous, ce serait chose courante.
J’ai aimé les costumes folkloriques de ces pays aussi, m’imaginant danser.
Il change régulièrement de look et quand nous nous sommes rencontrés la première fois, c’est vrai, il était assez « cocorico » ; il aimait aussi beaucoup les écussons. Nous étions dans les années soixante.
Puis, je suis entrée dans la vie active alors nous nous sommes moins fréquentés. Néanmoins, il était toujours présent à mes côtés.
Quelques années plus tard, à mon tour, je l’ai présenté aux enfants que j’ai côtoyés. Là encore, il a joué son rôle : ludique et éducatif. Nous avons passé des moments merveilleux et passionnants tous ensemble avec lui. Il avait bien changé, mais n’avait pris aucune ride, bien au contraire, il s’était modernisé. Sa tenue de semaine était plus sobre. Il était vêtu soit de vert ou de rouge suivant ses fonctions et même s’il a encore évolué ces dernières années, le rouge et le vert sont toujours ses couleurs préférées.
Au premier abord, c’est vrai, il ne paie pas de mine ; petit, il passe vite inaperçu. Néanmoins, il aime se montrer et pour ses amis les connaisseurs, il se pare d’argent, d’or parfois ; il grandit ou change de forme pour les grandes occasions, bref, il sait honorer les siens.
Chaque année il a sa fête et s’amuse à proposer des thèmes différents, car en fait, les années passant, il aime de plus en plus nous surprendre. Une année, il s’est même parfumé, c’est pour vous dire ! Oui, il s’est déguisé en plaque et fleurait bon le chocolat. Un carré dans lequel j’ai eu envie de croquer.
L’amusement et la rigueur ne faisant pas bon ménage, il a décidé en 1988 d’arrêter de jouer aux gendarmes. Taxer les étourdis ne l’intéressait plus.
En 2011 il s’est mis à l’écologie, sans faire de bruit.
Comme vous le voyez, il sait se mettre à la page et continue son chemin tranquillement.
Mon voisin le facteur espère tout comme moi que ce compagnon enrichissant vivra encore longtemps.
Son seul défaut, c’est qu’il est un peu collant, mais chacun lui pardonne aisément.
L’avez-vous reconnu ?
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