S'adapter

Nous vivons tous dans un milieu établissant une quantité astronomique de connexions. Ce mode de relation a pour effet que se créent de nombreuses interférences, que des actions et des réactions, des comportements particuliers, spécifiques s’installent, parfois dans la durée, lorsque les mêmes (ou presque mêmes) situations se reproduisent de façon régulière mettant en place une sorte de comportement-réflexe parfois assez proche de l’habitude.

Lorsqu’aucun changement imprévisible et à forte charge émotionnelle n’intervient, tout va bien. Mais si une situation plus ou moins inquiétante ou anxiogène advient, après une certaine panique et une désorientation, se pose le problème de l’adaptation, rarement simple à résoudre et souvent déséquilibrant.

On a coutume de dire que, dans la création universelle, toute forme de vie qui ne parvient pas à s’adapter à une situation donnée tend à disparaître à plus ou moins long terme. Comme nous faisons partie de ce tout, n’en est-il pas de même, non seulement de notre capacité à modifier nos comportements, mais aussi de notre caractère foncier ?

Adapter, c’est rendre apte, capable. Pour être plus apte, il faut progressivement trouver et développer des réponses vitales à des situations, développer des formes de pensée nouvelles nous permettant d’exister dans un milieu nouveau, afin que ce dernier nous procure au mieux et en tous domaines le nécessaire à l’évolution, à un progrès répondant au problème posé, autant qu’au maintien de la vie.

Cela va prendre du temps, un temps impressionnant : embûches, méconnaissance, erreurs d’évaluation, stratégies inadaptées venant contrarier et retarder l’adaptation. En vérité, nous ne cessons jamais d’adapter en trouvant des réponses, des solutions qui, progressivement, vont aller s’améliorant, s’ajuster. Imparfaites, parcellaires souvent, et pas forcément en adéquation avec, non seulement nos désirs, nos besoins et nos aspirations, mais encore avec ce qu’il serait indispensable et nécessaire de faire, sachant qu’il s’agit de trouver des solutions à court, moyen et long termes.

Les graves crises auxquelles nous sommes confrontés et pour lesquelles notre responsabilité individuelle et collective est engagée sont les témoins des réponses adaptatives peu appropriées au long terme, car il n’a pas été procédé à un état global des lieux, à une mise en cause de notre façon d’agir, donc de penser. Cela concerne autant ce qui est extérieur à nous que ce qui nous est propre, personnel, les interférences entre les deux étant évidentes.

Devant la nécessité de s’adapter et l’urgence à trouver des solutions viables pour le tout, pensée et imagination se doivent d’être fertiles, d’apporter des réponses en produisant des idées, en inventant, en créant, en expérimentant sans que ce soit au détriment d’un désir de vie harmonieuse et au profit d’un petit nombre. Pour cela, il faut que fonctionne la liberté de penser, donc d’opinion, afin que nul ne soit exclu de l’aventure, du projet.

En effet, cette liberté ne saurait être que le privilège d’une certaine catégorie d’humains, d’une caste de décideurs, d’une élite plus ou moins définie qui, seule, définirait des règles d’une adaptation spécifique, la restreignant ainsi et l’imposant à l’ensemble.

Notre biotope, notre cadre de vie, notre système social, notre système relationnel, tous doivent être passés au crible de notre esprit critique qui doit prendre un maximum d’informations afin de les confronter, les comparer pour en faire émerger celles qui s’avéreront les plus satisfaisantes, les plus aptes à répondre au problème posé, étant entendu que cette dernière ne peut se résumer à des solutions d’urgence et de bien-être personnel qui ne prendraient pas en compte la nécessité permanente de penser globalement afin d’obtenir équilibre et harmonie.

Bien des événements témoignent aujourd’hui d’une bipolarisation grandissante, tyrannique et stérilisante qui résume tout à une simple alternative. Et la richesse de la capacité d’adaptation à se développer implique que chacune, chacun se mette en mouvement afin que rien ne soit dicté et imposé, mais que tout soit consenti au mieux.

Il est peut-être nécessaire, en quelque sorte de pratiquer le doute, le questionnement et la remise en cause permanente, afin de ne pas ouvrir la porte au confort de la pensée qu’apportent vite les habitudes qui ne tardent pas à installer l’immobilisme.