Les chiffres
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Chaque mois, depuis le 1er janvier 2020, PLUME invite un auteur non meusien et présente son dernier ouvrage dans la bibliothèque du site. Pour le découvrir, cliquez sur le panneau ci-dessus.
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Une auteure non meusienne invitée de Plume en janvier 2021, Sophie Terrade, et deux auteurs de Plume, Serge Beyer et Patrick Lagneau se sont inscrits au 54e concours international littéraire des Arts et Lettres de France 2022 auquel ont participé cent cinquante auteurs, adultes et jeunes, toutes catégories confondues. La qualité de Concours International est largement vérifiée, puisqu’en plus de la provenance de nombreux écrits de bien des départements de France, la Belgique, le Canada, l’Espagne, Le Luxembourg, la Nouvelle Zélande, la Suisse, les USA, y ont participé.
Les PRIX obtenus par les trois auteurs
Sophie TERRADE a obtenu :
le 1er Prix en "Poésie libérée" pour son poème :
"Et les oiseaux chantent ma peine"
Voir le texte
Serge BEYER a obtenu :
le 2e accessit en "Poésie classique" pour :
"Musiques"
Voir le poème
le 1er accessit en "Poésie néoclassique" pour :
"Si..."
Voir le poème
le 2e Prix dans la catégorie "Nouvelles" pour :
"Les essuie-glaces""
Voir la nouvelle
Patrick LAGNEAU a obtenu :
le 2e Prix dans la catégorie "Nouvelles" pour :
"La cachette de Marie""
Voir la nouvelle
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spécifique dans le Porte-Plume mensuel. Elle s'appelle :
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à contact@association-plume.fr
Notre comité de lecture en prendra connaissance
et s'il retient son attention, il sera publié
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Envoyez-nous la photo d'une de vos oeuvres
que vous aimeriez présenter dans cette rubrique
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Alors n'hésitez pas à transférer ce Porte-Plume à votre carnet d'adresses. Vos correspondants pourront s'y abonner en cliquant ici.
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Et les oiseaux chantent ma peine
Tu as oublié que tu viens de manger, tu réclames un goûter. Tu as oublié l’heure, le jour, l’année. Je te regarde comme pour la première fois, Papa.
Et les oiseaux chantent ma peine.
Tu as oublié les saisons, les noms, les visages. Tes yeux s’égarent, glissent sur moi. Tu as oublié qui je suis.
Et les oiseaux chantent ma peine.
Ton passé lentement détissé, s’effacent les avants, se retirent les vagues : tu entres en crépuscule.
Et les oiseaux chantent ma peine.
C’est ton dernier voyage, Papa, et tu ne le sais pas. Sentinelle fragile, je reste sur le quai. J’agite un mouchoir blanc, qui pleure dans le vent.
Et les oiseaux chantent ma peine.
Tu retournes en enfance, dans le berceau du premier âge. Je te couve du regard, Papa, je veille sur tes nuits.
Et les oiseaux chantent ma peine.
Assis dans ton fauteuil, soudain, tu me souris. Capture d’un instant, éphémère paradis.
Et les oiseaux chantent ma peine.
Une larme s’échappe, qui serpente ta joue. Ultime rendez-vous, il n’y aura plus de Nous. Tout est passé si vite, tu vas partir, déjà.
Et les oiseaux chantent ma peine.
Je me souviens des pays bleus, des bouquets de pluie nue, des papillons drapés.
Je me souviens de la paille des meules, d’une barque immobile, d’un lierre échevelé.
Je me souviens de la mauve lavande, d’une rive d’eau vive, des oliviers dorés.
Je me souviens de la lune riante, des étoiles filantes, des cercles galactés.
Je me souviens des matins clairs, de la treille muscate, du chat ensommeillé.
Je me souviens de ce que tu as vu, aimé, senti, touché.
Je me souviens pour toi, Papa,
Des beautés d’ici-bas.
Et les oiseaux chantent ma peine.
NB : Sophie recherche un éditeur pour ses poèmes qui peuvent être consultés sur son site auteure
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Musiques
Ce douloureux clavier déchirant mes nocturnes
Est l’âme de Chopin qui sanglote à vomir.
Sur les hoquets nacrés je voudrais m’endormir,
Loin de l’ennui poisseux de langueurs taciturnes.
Un blues sucré ruisselle, alizé dans nos voiles,
Cuivrant le ciel lascif de suaves lueurs.
Ta nuit qui se fait mienne, enivrée aux sueurs
Du saxo de Parker, embrase les étoiles.
Nomade, un violon hasarde une caresse.
L’archet de Yehudi sur nos corps délacés
Trébuche. Et dans les plis des draps encor froissés,
Il glane tes soupirs satinés de tendresse.
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Si...
Cette ombre bleuissant sur l’ocre des déserts
L’ultime méharée au safran de la dune,
Et ce khôl soulignant l’aube de l’univers
Pour guider en tes yeux la barque de Neptune.
Ces fiers oiseaux criards déchirant les hivers,
Brodant tous les brouillards pour en parer nos lunes,
Cette brune pythie immolant mes travers,
Gravant sur notre peau le secret de nos runes.
Les alizés froissant la soie de mes silences,
Murmurant aux lagons nos rêves d’indécences
Et les brûlants parfums des corsages ouverts.
Ces doigts échevelant les harpes de l’écume,
Abritant nos baisers loin du jusant pervers
D’une odyssée ourlée aux franges d’une plume...
Si c’était Toi ?
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LES ESSUIE-GLACES
Il se retrouvait comme environ deux heures auparavant, assis sur le siège en cuir de sa berline qu’il avait souhaitée noire.
Le blanc était plus salissant et bien trop commun ! Et pourquoi pas un peu de couleur, lui auraient sans doute demandé les amis qu’il n’avait plus depuis son désormais lointain divorce et son licenciement économique. Trop voyant ! Non, non, noire, c’était bien ! Et surtout, pas de skaï, pour éviter la sudation intempestive sous les cuisses et au creux du dos ! Déjà que ses chemises s’auréolaient régulièrement de traces sous les aisselles, comme ces lacs marins qui, en s’évaporant, laissent sur leurs rives des franges de sel jaunâtres, ou rose pisseux.
La pluie martelait toujours avec autant de violence le pare-brise, mais il osait cette fois mettre les essuie-glaces en fonction. Les gouttes s’écrasaient violemment pour rebondir et dessiner des cercles sans cesse renouvelés, puis l’eau ruisselait comme une crue tentaculaire, emportant chaque molécule qui osait s’accrocher sur le triplex securit teinté. Il choisissait alors le moment pour actionner d’un doigt le levier de commande des balais à 50 euros remplacés la veille par son garagiste. Il avait aussi son coiffeur, sa boulangère, son ostéopathe, sa factrice...Il avait même eu un moment sa femme, avant d’être contraint de côtoyer et d’apprivoiser ce qu’il appelait sa liberté, mais qui n’était devenue que sa putain de solitude.
C’est le plus souvent flanqué de tels mots que cet adjectif exprime pleinement sa vraie fonction possessive.
Son regard perdu évitait de suivre les bras mécaniques dont le raclement sourd devenait presque douloureux. Les coudes sur le volant, il était comme fasciné par la découpe de lumière qui apparaissait nettement dessinée à chaque passage du caoutchouc. Cette fenêtre éphémère se déformait aussitôt pour à nouveau laisser les gouttes se fractaliser en se mêlant aux grains d’une lumière presque vivante. Cela lui paraissait un nécessaire geste réparateur, vital, pour tenter d’essuyer plutôt que de contenir le torrent intérieur qui l’étouffait jusqu’à l’envie de vomir.
Il posa un instant son front sur ses poings réunis, puis ouvrit les mains pour y emprisonner un crâne déjà bien dégarni en dodelinant dans un geste de négation mêlé d’effarement.
Il se souvenait de cette rencontre dans le bureau du vaste appartement situé au-dessus du siège de la Société d’import-export. Là aussi, les imposants fauteuils étaient en cuir. Un bar bien garni étalait ses étiquettes derrière une épaisse table en demi-lune. Au mur trônait une photo représentant le patron lui-même. Sans doute un type bien, avait-il pensé, lui, le détective privé plus habitué à exercer dans des couches d’un autre niveau social.
Les doigts de ses larges mains copieusement embaguées desserraient régulièrement l’emprise d’une chemise en se glissant d’un geste machinal entre le col et le cou. Une ceinture dont la boucle sans doute signée par des initiales dorées se cachait sous ce qu’on pouvait estimer comme la marque physique d’une forte personnalité, une stature, solide, rassurante, inspirant la confiance.
L’odeur de la fumée de cigare se mêlait à celles du cuir et des alcools de qualité. Sans aucun doute possible, ce décor ne pouvait correspondre qu’à l’univers d’un homme BIEN !
Et cette voix forte, un peu éraillée !
– Je vais être direct. Mon épouse (comme ce mot semblait chic et distingué !) quitte l’appartement plusieurs fois par mois, par semaine, sans que je sache où elle disparaît. Je veux savoir. Je ne vais pas m’emmerder avec cette nana si elle couche ailleurs. Et si c’est le cas, c’est le divorce et elle repart dans son île retrouver la misère d’où je l’ai sortie. Elle était miss cocotiers…, et alors ? De plus, cette couleur de peau là, ça fane vite ! Votre prix sera le mien ! Vous trouverez dans cette enveloppe une avance sur vos honoraires, quelques photos. Vous la reconnaîtrez facilement. Vous transmettrez tout à mon avocat, sa carte est aussi dans l’enveloppe.
Il avait bien étudié les clichés, épié quelques semaines la porte d’entrée privée derrière laquelle il avait aperçu la volée d’escaliers de pierre. Il sut rapidement où elle se rendait. Toujours le même immeuble, et toujours à pied, alors qu’une ligne de bus desservait directement cette adresse.
Étrange femme souvent à demi cachée dans une longue écharpe ou derrière un col remonté et des lunettes qui ne laissaient jamais apparaitre le regard.
Elle avait cette élégance naturelle des femmes de couleur qui dansent quand elles se déplacent, quels que soient la hauteur des talons des chaussures, les coloris et les formes des vêtements portés. Elle, souvent dans un large pantalon sombre, en ballerine, désavouant presque ses origines, courait plus qu’elle ne marchait. Sans doute pour ne pas perdre de temps, passer inaperçue et se retrouver plus vite chez un désormais indubitable amant.
Il ne jugeait pas, mais…
- Quand même ! On ne trahit pas ce genre d’homme !
Il savait désormais quels jours et à quelle heure cette trainée avait désormais fixé le rituel.
Il avait réussi facilement à entrer dans le hall, mimant pour cela avec conviction un locataire pressé profitant de l’ouverture de la porte par un autre. Merci beaucoup, avait-il ajouté ! Il avait attendu en feignant de lire le panneau recouvert d’annonces, de notes, du règlement, de recherches de baby-sitting et autres décisions du syndic.
Il s’était muni d’une simple sacoche. De toute façon, prendre une photo en intérieur n’est pas autorisé. Pour ce qui était d’un tel procédé sur un palier d’immeuble, il vérifierait la législation, et il aviserait…plus tard.
Elle était donc entrée, ou plutôt s’était glissée rapidement pour disparaitre dans l’ascenseur. Au-dessus, une lumière clignotait comme le cillement d’un œil indiscret affichant : 2e étage.
Cette fois, il ressortit et regagna sa voiture.
Après une longue attente, il tenta quelques photos depuis son véhicule, mais l’angle était mauvais. Et ce put…de reflet de la porte !
Il reviendrait, pour enfin savoir, et rapporter...
En ce jour triste qui dégoulinait depuis des heures, il l’avait vue s’engouffrer dans le hall. Après avoir patienté un long moment dans sa voiture, caché derrière les vitres et le rideau de pluie, il était entré à son tour, non sans une certaine appréhension. Assis sur le large bord de la fontaine d’intérieur prévue à cet effet, il avait attendu, un peu recroquevillé dans ses vêtements mouillés. L’œil de l’ascenseur s’alluma à plusieurs reprises. Il en était suffisamment proche pour distinguer nettement les rares utilisateurs présents dans le bâtiment à cette heure.
Poussé par une irrésistible envie de monter, il s’était soudain levé, se dirigeant vers la double porte coulissante qui, avec ce bruit de clochette caractéristique, s’ouvrit … Il frissonna de surprise.
Elle releva ce col dans lequel elle pouvait, en baissant la tête, dissimuler tout le bas de son visage. Elle réajusta d’un geste étudié le long foulard qu’il lui connaissait et s’en couvrit jusqu’aux cheveux. Avant qu’elle ne replace ses lunettes sombres, il eut assez de temps pour croiser son regard et fixer ses traits dans sa mémoire. Était-ce bien elle ? Le col cachait mal une lèvre tuméfiée. Un œil violet, presque noir, s’était fermé au-dessus d’une pommette éclatée.
L’instant de sidération passé, il constata qu’elle était déjà sortie, probablement sans même le voir. Plus par instinct que par réflexion, il s’élança dans les escaliers, tirant de son bras libre sur le métal de la rampe pour franchir plus rapidement chaque palier. Son cœur allait sans doute exploser dans sa poitrine.
Deuxième étage ! Deux portes ! Une feuille de papier glissée dans une chemise plastique punaisée sur la première indiquait :
SALLE D'ATTENTE
Sonnez et entrez |
Près de l’autre, une plaque se révélait plus explicite.
SOLIDARITÉ FEMMES
Écoute et défense
Aide juridictionnelle |
Il se retrouvait comme environ deux heures auparavant…
Il démarra enfin sa voiture. Même en vitesse rapide, les essuie-glaces peinaient.
Demain, il irait glisser une enveloppe dans la boîte aux lettres de la Société d’un porc-export. En fait, ce directeur avait de grosses mains mal soignées, des doigts boudinés par d’horribles chevalières sans doute héritées d’un fondateur de l’entreprise au siècle dernier. La ceinture était engloutie sous un ventre libidineux. Des poches boursoufflées et zébrées de sang témoignaient que le bar était devenu son lieu de travail.
Son épouse ? Le mot soudain était devenu vieux, d’un autre temps, dans cette bouche grossière aux relents de tabac.
Demain, il rencontrerait un avocat…
Il se gara devant la boutique de la fleuriste tout près de chez lui.
Pour la première fois de sa vie, il éprouva l’envie d’offrir un bouquet à une femme.
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La cachette de Marie
— … 15… 16… 17… 18… 19… 20… J’y vais…
Marie relève la tête qui était enfouie dans le creux de son bras, se dégage du chêne contre lequel elle vient de compter pendant que Grand-Père est parti se cacher.
Elle se retourne.
Sans bouger, elle lance un regard panoramique sur la forêt qui l’entoure.
Elle frissonne.
Marie est partagée entre le plaisir du jeu et l’angoisse de la solitude au milieu des arbres.
Au milieu des ombres.
Son esprit est tellement harcelé par l’ambiance de tous les contes que papa lui lit le soir, avant de s’endormir…
D’ailleurs, Marie trouve que toutes ces histoires ne devraient pas être racontées aux enfants, surtout le soir, et surtout avant de s’endormir…
Combien de fois a-t-elle fermé les yeux, juste pour faire croire à papa qu’elle s’était endormie et qu’il arrête de lire, l’embrasse sur le front et sorte de la chambre à pas feutrés en fermant tout doucement la porte derrière lui… Et tout ça, juste pour écourter les histoires et tirer le rideau sur les images horribles qu’elles créaient dans sa tête…
Bien sûr, elle garde ça pour elle. Jamais elle n’oserait dire à papa qu’elle a peur…
Parce que oui, toutes ces histoires lui flanquent vraiment la frousse…
N’est-ce pas dans la forêt que le Petit Poucet se perd avec ses frères ?
N’est-ce pas au détour d’un chemin que le loup aperçoit le Petit Chaperon Rouge ? Qu’il mange sa Mère-Grand pour prendre sa place dans son lit avant de dévorer également la petite-fille ?
N’est-ce pas dans une forêt que les parents d’Hansel et Gretel veulent les perdre ? Et dans une forêt que les deux enfants rencontrent une sorcière qui veut les manger ?
Alors oui, Marie a des raisons de ne pas être rassurée. Mais jouer à la cachette, c’est tellement agréable que ça compense bien les angoisses que la forêt peut générer.
Bon, ce n’est pas le tout, mais il faut trouver Grand-Père. Il est tellement plein de malice qu’il trouve toujours des endroits incroyables pour se cacher.
Marie se souvient de la fois où elle a dû abandonner les recherches et crier qu’elle donnait sa langue au chat. Grand-Père avait alors lancé comme à son habitude son hou, hou… pour que sa voix lui permette de venir dans sa direction. C’est ainsi qu’elle l’avait découvert dans le tronc évidé d’un arbre mort, mais encore debout. Grand-Père l’avait soulevé de ses bras puissants pour l’embrasser et ils avaient bien ri tous les deux. En plus, elle était tellement contente de ne plus être seule.
Elle regarde autour d’elle et repère un arbre identique à une cinquantaine de mètres derrière un massif de fougères qu’elle évite en suivant un sentier qui le longe.
Elle s’approche du tronc, en faisant le moins de bruit possible.
Elle le contourne…
Zut ! Vide !
Évidemment, Grand-Père ne se cache jamais deux fois au même endroit.
Marie lève la tête et son regard fouille le feuillage des arbres. Elle avance ainsi pendant un bon moment, le nez en l’air, à scruter chaque grosse branche.
Lors d’une autre partie, n’est-ce pas sur l’une d’elle que Grand-Père s’était assis pour se cacher ?
Elle s’en souvient comme si c’était hier. Une fois de plus, sa recherche avait été vaine. Lassée, elle avait capitulé. Grand-Père avait lâché son traditionnel hou, hou… alors qu’il était à califourchon sur une grosse branche d’un hêtre à cinq mètres de hauteur juste au-dessus d’elle. Elle avait fait un tel bond que Grand-Père avait attrapé un fou-rire pendant au moins cinq minutes.
Mais aujourd’hui, aucune paire de jambes avec des bottes ne pend des branches qu’elle sonde de ses yeux fouineurs.
Alors Marie avance au milieu des arbres.
Au milieu des ombres.
De moins en moins rassurée.
La prochaine fois qu’ils joueront à la cachette, c’est elle qui ira se cacher. Et Grand-Père qui la cherchera.
Ou alors… peut-être ne voudra-t-elle plus jouer…
Qu’est-ce qui est le plus fort ?
Le plaisir du jeu ?
L’angoisse de la solitude ?
À un certain moment, Marie se rend compte qu’elle a perdu le sens de l’orientation.
Elle ne reconnaît pas l’endroit.
Trop de ronces !
Plus de ciel !
Et ces ombres qui deviennent plus denses…
Plus agressives…
Il est temps d’arrêter le jeu…
De se repérer grâce au hou, hou…
— Grand-Père ! Je donne ma langue au chat…
Silence.
— Grand-Père ! J’arrête… Je ne joue plus…
Toujours rien.
— GRAND-PÈRE !... FAIS HOU, HOU !...
Immense silence. Angoissant. Terrifiant.
— GRAND-PÈRE ! DIS-MOI OÙ TU ES… S’IL TE PLAÎT…
Quelque part, le croassement d’un corbeau…
Marie sent ses yeux piquer.
Puis les larmes couler sur ses joues.
Elle se laisse glisser contre un tronc, et se recroqueville sur les racines.
Grand-Père ne l’aurait jamais abandonnée…
Si ça se trouve, il est tombé… Ou il a eu un malaise…
Il a peut-être besoin d’elle…
Marie se relève.
Elle a froid. Elle croise les bras.
La nuit semble l’envelopper.
Mais dans quelle direction aller ?
Elle ne sait pas. Elle ne sait plus.
Soudain, entre les arbres, elle aperçoit deux lumières.
Deux lumières et deux silhouettes qui marchent vers elle.
Peut-être Grand-Père qui la cherche ?
Ben non, il était seul…
Alors qu’elle tourne ses réflexions dans sa tête, le faisceau d’une des deux lampes l’éblouit…
— Elle est là !
Les deux silhouettes se rapprochent. Un homme et une femme.
— Maman ! C’est nous. Tu nous as fait peur…
Marie regarde le couple d’un air ahuri. Eux, ils doivent savoir…
— Vous avez retrouvé Grand-Père ?
— Hein ?
— Grand-Père… vous l’avez retrouvé ? Il a dû lui arriver quelque chose… On jouait à la cachette…
L’homme s’approche d’elle, pose délicatement un châle sur ses épaules et lui agrippe un bras.
— Venez, Marie ! On rentre à la maison…
Marie se laisse faire. Elle semble perdue. Mais elle n’est plus seule. Elle n’a plus peur. La femme lui prend affectueusement l’autre bras. Alors que tous les trois s’éloignent dans la pénombre crépusculaire du sous-bois précédés par les faisceaux des deux lampes, l’homme lui souffle :
— On ne peut plus la garder… Il faut la placer…
La femme étouffe un sanglot dans sa gorge. Puis après quelques secondes de silence, elle murmure, comme pour elle-même :
— Alors, c’est ça, Alzheimer ?...
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