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Sandrine COHEN est comédienne, scénariste et réalisatrice de fictions et de documentaires. Passionnée de faits divers, elle a notamment réalisé trois documentaires sur des crimes de proximité, passionnels et familiaux. Au-delà du sensationnel, elle s’est intéressée au mécanisme du passage à l’acte.
Résumé Rosine est une infanticide. Le soir du 6 juin 2018, à l’heure du bain, elle tue ses deux filles (Manon six ans et Chloé quatre ans) en les noyant dans la baignoire. L’une après l’autre. L’horreur absolue, impardonnable.
Ce soir-là, Nicolas, son compagnon, vient de lui avouer qu’il préfère réfléchir pour savoir s’il va rester avec elle ou… la quitter.
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Cette mère réputée aimante, sociable, attentionnée, franchit l’infranchissable ligne rouge.
Et pourtant… Clélia, enquêtrice de personnalité attachée au tribunal, ne veut pas tirer un trait définitif sur ce crime. Elle veut en comprendre les causes. Comment une femme bascule-t-elle ainsi dans l’abominable ? Grâce à ses questions, ses recherches acharnées auprès de tous les protagonistes du drame, elle ne lâchera rien et descendra au tréfonds d’une âme humaine en perdition…
L’intrigue relève du thriller psychologique, un voyage dans la psyché d’une femme. Les éléments du genre sont bien présents : crime, enquête, justice, suspense, mais puisque la coupable est désignée de façon indiscutable, l’enquêtrice ne cherche pas qui a tué, mais pourquoi. Quelles raisons profondes peuvent pousser un être humain à commettre un tel acte ? Commence alors, la lente exploration du passé de Rosine, un passé enfoui dans sa mémoire comme un déni. Ce livre se dévore sous adrénaline, car le lecteur veut savoir et comprendre. Les scènes s’enchaînent, aiguisent une tension dramaturgique qui ne cesse de monter.
Les personnages sont à la hauteur du sujet, particulièrement les deux femmes au cœur de cette tragédie hors norme : Rosine, la mère infanticide qui accepte de revisiter son passé pour expliquer son horrible geste, une tâche ardue afin de lever le voile sur sa vie de femme ″comblée″ bâtie sur un tissu de mensonges. Clélia, l'enquêtrice à fleur de peau, borderline, qui se dévore elle-même pour connaître la vérité et défie tous ceux qui entravent sa route. Souvent en marge des procédures officielles, on ne peut qu’admirer sa droiture, sa pugnacité et son courage pour mettre à jour la vérité. Pendant que Rosine est incarcérée, elle rend visite à ses proches, poussant chacun dans ses retranchements particulièrement le père de Rosine, figure centrale dans l’infanticide de sa fille.
Les autres personnages qui gravitent autour sont également intéressants. Les deux hommes de Rosine sont exemplaires de résilience : Christophe le premier époux, père des deux petites filles ne sombre pas dans la haine, mais la soutient parce qu’il fait le choix de la compréhension plutôt que celui du jugement. Nicolas, le nouveau compagnon de Rosine de dix ans son cadet, celui qui hésite à rester auprès d’elle, car il a peur d’engager sa responsabilité dans un foyer déjà construit, ne l’accable jamais. Du côté de la justice, Isaac (juge d’instruction) travaille en duo avec Clélia pour constituer une hydre à deux têtes dont le but est de résoudre l’insoluble ; Samuel, quant à lui, s’érige en défenseur des règles à suivre… Un garde-fou !
L’écriture de Sandrine Cohen est percutante, limpide. Elle décrit, raconte, explique avec le même talent les débordements de Clélia, le processus de dissociation, le procès d’assises. Elle capte l’attention du lecteur et sait l’entraîner dans les méandres d’un cerveau perturbé par un passé enfoui... pour survivre.
Ce premier roman, bouleversant, embarque le lecteur hors des sentiers battus. Sensible, humain il permet à chacun de relativiser ses jugements souvent hâtifs et de s’interroger sur ses failles au regard de son propre passé.
Une vraie réussite !!!
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