Convaincre
Les échéances électorales sont des moments au cours desquels les candidats s’efforcent de communiquer afin d’expliquer au mieux leur programme. Cela, dans le meilleur des cas. En mode mineur, ils l’exposent dans ses grandes lignes. Pour s’assurer des suffrages et comptabiliser des voix, ils se doivent de convaincre, afin que les électeurs adhèrent à leurs idées. Il en va de même dans bon nombre de situations de la vie courante.
Les relations humaines font se côtoyer et s’échanger régulièrement idées, opinions et conceptions. Il est donc fréquent que nous soyons amenés à nous prononcer sur certaines d’entre elles et à les mettre en parallèle ou en concurrence dans le but de les évaluer, de spéculer sur leur application dans la réalité quotidienne (couple, travail, sport, relations diverses…), d’estimer leur viabilité et d’essayer de comprendre la pertinence, la qualité de la réflexion, la finesse des conceptions, le degré d’élaboration.
Il n’échappera à personne que bien des gens ont pour objectif de convaincre les autres. Rien de plus normal, direz-vous, le désir de conviction étant fondé sur la volonté de ramener son interlocuteur à sa propre cause, de le persuader qu’elle est juste. L’adhésion recherchée ne fait que renforcer le « convaincant » dans sa force de persuasion, mais aussi dans la certitude que ses idées sont les plus pertinentes, les plus justifiés et donc, les plus applicables. Toujours le besoin de se sentir rassuré, reconnu…
Le besoin de convaincre son auditoire apporte une satisfaction personnelle parce que, quand le pouvoir de conviction s’avère opérant et efficace, on a conscience (ou l’illusion ?) de détenir un pouvoir, de rallier une personne à sa cause, d’avoir peut-être une forme d’ascendant sur autrui.
L’univers des négociations et de la communication d’opinions est, par excellence, celui de la conviction. Mais vouloir convaincre est-il souhaitable ? Bien sûr, cela dépend de ce que l’on recherche. On peut s’interroger sur le sens d’un travail de persuasion et sur la perception qu’en ont les autres.
Dans tout débat d’idées, on peut parfaitement refuser de vouloir convaincre, mais cela appelle d’autres intentions que celles de persuader et d’emporter des adhésions. On peut donc avoir le désir de confronter, négocier et amorcer ensemble une réflexion plus collective basée sur l’échange d’idées, échange non de pure forme, mais ouvrant au débat de fond, basé sur le désir de compréhension. Bien sûr, il y a forcément manifestation d’oppositions, mais d’oppositions positives et constructives capables de faire évoluer les positions individuelles, car l’écoute et l’échange sont partagés, car la volonté d’obtenir, sinon un consensus, au moins une position commune est présente, au terme de négociations constituant un accord total ou partiel qu’il devient alors possible de mettre en pratique, car satisfaisant le plus grand nombre.
À l’opposé, le désir de conviction n’ouvre pas à l’écoute, puisque celle ou celui qui cherche à convaincre ne souhaite pas véritablement confronter son opinion à celle des autres, étant donné qu’il a des idées arrêtées, son objectif n’étant pas de les mettre en balance ni de les faire évoluer. Son argumentation reste la seule valable. Il n’y introduit donc pas le doute. Et même s’il ne pense pas détenir la vérité, il est convaincu lui-même que sa solution est la meilleure, donc la plus viable.
S’il est souhaitable d’avoir des convictions, surtout celles du moment, que l’on s’est forgées, il est encore plus souhaitable de les remettre en cause, de les confronter à d’autres, afin d’éviter l’enfermement dans ses propres idées. Un vrai travail personnel qui risque de s’avérer plus fructueux, enrichissant et satisfaisant que de se figer dans des certitudes à partir desquelles il n’y a plus d’évolution possible.
Bien sûr, il est des conceptions non négociables : celles qui vont à l’encontre de la dignité humaine et dont la liste détaillée peut être aisément établie par chacun de nous.
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