Au gui l'an neuf
Lorsque j’étais petit, j’ai souvent entendu mes grands-parents employer l’expression « au gui l’an neuf ! ».
Je crois que c’était une manière d’exprimer la joie de changer d’année et je prenais cette expression pour une sorte d’incantation teintée de superstition.
En effet, il fallait s’embrasser sous une branche de gui, symbole de prospérité et de longue vie, au moment des fêtes de Noël et du jour de l’an (à minuit précisément), la gerbe de gui étant accrochée au plafond ou au-dessus de la porte d’entrée.
Chez ma Grande Tante Maria, très dévote, on entendait souvent aussi « Bon an, mal an, Dieu soit céans » (dans la maison).
Si on veut s’intéresser à l’histoire de cette expression, il faut remonter aux Gaulois et aux Celtes.
Lors du solstice d'hiver, les druides coupaient le gui sacré en prononçant les mots o ghel an heu, qui signifient littéralement « que le blé germe ! » dans la langue celte.
Lorsque les druides coupaient le gui, ils considéraient cette plante comme sacrée et miraculeuse. Des fruits certes toxiques pour les hommes, mais très appréciés des grives. D'ailleurs, pendant longtemps, les druides ont cru que l’eau où l'on avait fait tremper le gui rendait fécond tous les animaux qui en buvaient.
Pour les Gaulois, le baiser sous le gui à l’an neuf allait puiser aux plus anciennes ressources druidiques. César, conquérant et envahisseur, mais aussi attentif observateur le signale dans La guerre des Gaules, en insistant sur la solennité exceptionnelle de sa cueillette.
Le gui est fort difficile à trouver. Quand on l'a découvert, les druides vont le chercher avec respect et avec leur serpe d’or. Cette récolte a toujours lieu le sixième jour de la lune, jour si révéré par eux qu'il est le commencement de leurs mois, de leurs années, et même de leurs siècles qui ne sont que de trente ans.
Les Chrétiens du 4ème siècle ont tenté de faire cesser la tradition du gui, jugée trop païenne à leurs yeux. Ils ont essayé de le faire remplacer par le houx, moins profane, car ses feuilles piquantes rappelaient les épines de la couronne du Christ. Finalement la culture populaire décida de laisser le houx à Noël et le gui au Nouvel an.
Au Moyen Âge, l'expression s'est transformée en « au gui l'an neuf » au travers des enfants qui réclamaient l'aumône.
Bon, j’en conviens, ce n’était pas très « COVID » comme coutume, mais c’était le monde d’avant…
Aujourd’hui, on peut toujours prononcer cette formule incantatoire, mais le plus important, c’est de se souhaiter la vie la plus belle possible, pleine d’amour, d’amitié et de livres… En espérant que 2022 tordra le cou à cette pandémie…
Bonne année, bonne santé et bonnes lectures !
N.B. Ne croquons pas le gui !
En botanique, le gui (Viscum album) est un arbrisseau parasite qui s’accroche aux arbres. Mais, attention ! Parce qu’elles contiennent de la viscotoxine, ses boules sont toxiques, représentant un danger mortel, surtout pour les animaux domestiques. Cela n’empêche pas certains oiseaux, comme la grive, de se gaver de gui. Selon une légende germanique, c'est à cause de ses propriétés toxiques que le gui serait devenu un parasite : il aurait été puni d’avoir un jour provoqué la mort du fils d’un dieu...
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