Dialogues de sourds dingues
Voici le texte presque intégral de l’entretien quinquennal exceptionnel de Madame Heillencoing par Jean Tanmal, notre seul chroniqueur titulaire, une partie de ce dernier (une partie de l’entretien, bien sûr !) ayant été égarée dans les locaux de la chaufferie de notre station.
Jean Tanmal
J’ai le plaisir de recevoir ici même et pour la première fois, Mme Laure Heillencoing, notre toute nouvelle sous-secrétaire d’État adjointe au Ministère des démarches inutiles et accessoires. Nous allons l’interroger, enfin, surtout moi, sur la raison d’être et le bien-fondé de l’existence de ce tout nouveau ministère qui vient forcément d’être créé, ceci pour innover, à l’issue d’une période d’incertitude électorale et dans un contexte socio-économique marqué par un sous-emploi croissant, un chômage croissant aussi, par un café-croissant et j’en passe, simplement parce que nous sommes ici pour parler de tout ce qui qui ne va pas aujourd’hui, et qui forcément, hier, n’allait déjà pas, alors que tout porte à penser que cela n’ira pas forcément mieux demain, après-demain, après après-demain et les jours suivants. Donc, pour faire court, bonjour, Madame la Ministre. Qu’avez-vous à nous dire d’emblée, comme ça, si je vous prends de court ?
Laure Heillencoing
Tout d’abord, bonsoir à tous ! C’est une femme éplorée qui se présente à vous ! Je m’explique : modeste énarque, j’ai économisé sur une longue période pour m’offrir le manteau en vison dont je rêvais depuis toujours. Avez-vous jeté un œil sur la tendance mode de cet hiver ? Vous aurez sans doute du mal à me croire. Eh bien ! Je vous le donne en mille, elle préconise des vêtements ornés de fausse fourrure ! Vous réalisez par-là, que la France est vraiment au plus mal ! Notre pays doit absolument se redresser et partir à la recherche de l’authentique et des vraies valeurs !
Jean Tanmal
Merci, Albert, pour votre courte réponse, vos visions et les grands voleurs. Vous chaussez du combien au lever ?
Laure Heillencoing
L’orage gronde, dépêchons-nous de rentrer le foin !
Jean Tanmal
Pourriez-vous affirmer, pour autant, que l’une de vos voisines de palier est partie avec une orange dans sa main droite ? C’est la question qui me vient illico à l’esprit.
Laure Heillencoing
C’est bien triste de vieillir ! Désormais, dès que je pose un pied à terre, je me vois contrainte de chausser mes lunettes. Ne perdons pas de vue, cher monsieur, qu’on ne discute pas avec les brouettes, mais qu’on les pousse !
Jean Tanmal
J’entends bien, mais voilà qui ne nous dit pas pour autant si l’heure du retour des cigognes a sonné dans les chaumières ni si celles qui riaient, ailées, y sonnent ! Répondez, je vous prie !
Laure Heillencoing
On a beau dire, on a beau faire, rien ni personne ne parviendra à modifier le clivage de L’ADN français : les cons volent et les crocos dealent… Ainsi va notre pays !
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