Hector est content. Il a terminé ses devoirs pour l’école et maman l’a autorisé à aller jouer dehors.
Tout heureux, il s’en va courir dans les prés qui s’étendent au-delà du jardin de la maison où il habite.
Pour jouer aux Indiens, il se construit une lance et un arc avec des flèches. De vraies flèches qu’il peut tirer sur les taupinières, comme si elles étaient du gibier. Il court et marche beaucoup. Le territoire de chasse est vaste. À tel point qu’à un moment il a soif. Mais cette fois, il n’a pas pris de gourde avec de l’eau et le regrette beaucoup.
Quand soudain, il remarque, dans le parc à côté, des vaches en train de se désaltérer dans un abreuvoir. Rien qu’en les regardant, sa soif devient de plus en plus forte.
— Oh, oh ! Mais il y a de l’eau, là-dedans… Mais je ne peux pas y aller tant que les vaches sont là…
Alors Hector franchit la clôture du parc et commence à courir vers les vaches avec de grands cris et de grands gestes pour les effrayer.
— Hou… hou… sauvez-vous les vaches !... hou… hou… blablabla… bolobolo… hou… hou…
Et devant ce pantin articulé qui crie n’importe quoi, les vaches ont peur et se sauvent en courant.
Ravi, Hector approche de l’abreuvoir, regarde l’eau, bon, elle est un peu sale. Quelques moucherons flottent bien à la surface, mais il s’en fiche… Il les écarte avec ses mains, puis quand un espace lui semble suffisamment propre, il se penche sur l’abreuvoir, approche son visage de l’eau, et commence à l’aspirer pour se désaltérer.
À cet instant-là, maman secoue des draps par la fenêtre d’une chambre qui, justement, donne sur les prés où se trouve Hector. Et elle voit son chenapan de fils en train de boire dans l’abreuvoir…
— Hector ! s’écrie-t-elle, ne bois pas dans l’abreuvoir, c’est dégoûtant ! Ce sont les vaches qui boivent là-dedans… Rentre tout de suite !
Du coup, Hector pris sur le fait revient à la maison et se retrouve face à sa mère.
— Ben maman, pourquoi tu veux qu’il m’arrive quelque chose ? Les vaches elles boivent bien, alors moi je peux boire aussi…
— Mais non, Hector ! Les vaches trimballent des microbes sur leur langue, mais ce n’est pas possible, tu as dû en avaler. Et puis il y a des moustiques, il y a des mouches qui traînent partout, sur les bouses, alors forcément, elles en ramènent dans l’eau… Ça te plaît de boire de l’eau avec de la crotte de vache, toi ?
— Ah bon ? Tu crois que… Berk ! J’espère qu’il n’y en avait pas…
— J’espère aussi pour toi. Viens, je vais te donner à boire un sirop de menthe avec de la limonade… Dans un verre… Tu verras, c’est meilleur… Mais je ne veux surtout plus que tu boives dans les abreuvoirs. Tu pourrais attraper des maladies… Et qui sait, peut-être qu’à force, tu pourrais te transformer en vache…
— Tu crois ? demande Hector, soudain inquiet.
— Va savoir…
Le soir, dans son lit, Hector s’est imaginé avec des cornes !…
Des mamelles !…
Et une queue pour fouetter les moustiques !…
Avant de s’endormir, il se l’est promis… Plus jamais il n’ira boire dans un abreuvoir…