Les usines à Ligny-en-Barrois
pendant les Trente Glorieuses
1ère partie
(toutes les photos peuvent être agrandies d'un simple clic)
Alors que la Meuse commence à perdre ses industries à partir de 1850, c’est tout l’inverse qui se produit dans la vallée de l’Ornain autour de Ligny-en-Barrois.
C’est à partir du milieu du XIXe siècle que Ligny-en-Barrois devient vraiment une cité industrielle avec l’implantation et le développement de plusieurs entreprises : en premier lieu, la Société des Lunetiers qui crée et développe deux unités les Battants et la Compasserie, puis vite suivies par la MGO (Manufacture Générale d’Optique). Cette dynamique engendre la création de nouvelles usines : brasseries, confitureries, fabriques de chaussures, de meubles, de vêtements et surtout d’instruments de précision qui, avec l’optique, vont devenir spécialités de la cité.
LES BRASSERIES
La brasserie Beck
Cette brasserie, sise au 10 rue des Buttes remplaça la brasserie Malavoie qui existait en 1868 ; elle devint la brasserie Beck en 1872. Elle cessa ses activités pendant la 1ère Guerre mondiale (sans doute et fut remplacée par la fabrique de limonades Vautrin.)
Seule subsiste la maison de maître : les installations industrielles ont disparu.
La brasserie Ancel Gagneux
Cette brasserie était située entre la rue Bontems et la rue des Poteaux. Ses bâtiments sont encore visibles : la maison de maître est située au 19 rue Bontems, avec à côté, des vieux bâtiments surmontés des volets de la salle des bacs refroidissoirs. D'autres ateliers donnent dans la rue des Poteaux (près du parking du Tripot).
À cette époque, on pouvait encore découvrir une bâtisse ouverte par de hautes verrières et surmontée d'une sorte de "jardin suspendu" bordé d'une grille en fer forgé ; ce premier bâtiment était séparé d'un deuxième plus élevé par une cour.
À l'origine, cette entreprise fut créée par M. Petitdidier (vers 1876) ; celui-ci maria sa fille Marie-Louise à Théodore Gagneux ; le gendre devint associé et l'entreprise s'intitula Gagneux-Petitdidier en 1878 et Gagneux en 1880. L'histoire se renouvela quelque temps après puisque Théodore Gagneux maria sa fille Anne-Laure en 1899 à Émilien Ancel.
M. Gagneux se retira dans sa maison appelée "villa Théodore" au 20 boulevard Poincaré alors que son gendre dirigeait seul l'entreprise en 1900.
Celle-ci aurait fusionné avec la brasserie Hauck et son matériel mis en vente en 1919.
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La brasserie de l'Espérance
La brasserie Hauck existe sans doute depuis 1861 ; à l'origine, elle était située au 44 de la rue de Strasbourg, où un porche permettait l'entrée des chariots et voitures. Les bâtiments se poursuivaient jusqu'à la rue Sainte-Anne où on voit encore indiquée l'inscription "brasserie".
Dès le départ, elle bénéficia de l'installation d'une machine à vapeur ; par contre, on prélevait de la glace dans le canal de la Marne au Rhin (bief n° 22) et on la stockait dans des caves faisant office de glacières. Ainsi, les Archives municipales conservent des autorisations d'enlèvement de la glace du canal pour les hivers 1876-1877 à 1886-1887, puis 1888-1889, 1890-1891 et enfin 1892-1893 à 1896-1897. En général, on prélevait 10 à 25 m3 de glace, mais une fois, 100 m3 de glace furent même retirés ! Cette glace était destinée à refroidir la bière après la cuisson et avant la fermentation.
En 1901, une nouvelle brasserie est construite, dans le prolongement de l'ancienne, rue Sainte-Anne ; le portail portait le "H" de Hauck : il a été placé dans la nouvelle entrée du parc municipal, construit en pierres d'Euville, face à l'école primaire R. Poincaré.
Cette brasserie était, pour l'époque, très moderne ; cela s'explique par le fait que son concepteur (puis administrateur) Adolphe Gross était un ancien élève de l'École de brasserie de Nancy ! Sur la façade du bâtiment principal (salle de brassage de forme cubique), on avait sculpté l'étoile des brasseurs qui contenait l'inscription "1901" et une ancre de marine, symbole de l'espérance.
Mais M. Gross décèda prématurément en 1922 ; une nouvelle société fut créée sous le nom de Brasserie de l'Espérance (sur les anciennes bouteilles de bière de cette époque, on peut voir ce nom gravé sur le verre et le "H" encore présent sur la capsule en faïence.
En 1928, elle fut rachetée par une concurrente barisienne et ferma alors ses portes. Elle employait alors 30 ouvriers et une motion du Conseil municipal stigmatisant les "grandes sociétés qui fermaient les petites" n'y fit rien.
LES FABRIQUES DE CHAUSSONS ET CHAUSSURES
Aubertel
Créée en 1850, l’usine Aubertel ferma ses portes en 1952. Elle s’étira depuis le 15 rue Leroux, où s’ouvrait la maison de maître, jusqu’à la rue Marguerite de Savoie, où se trouvait l’entrée des ateliers et des ouvriers. Une annexe de l’entreprise, La Falipa, se situait rue du Grand Cerf et une autre à Guerpont.
On y fabriquait des chaussures de ville, des pantoufles, des chaussons ainsi que des chaussures pour le travail et pour l’armée. L’usine employa jusqu’à 300 ouvriers. Il en restait 100 lorsqu’elle ferma définitivement.
Par la suite, cette grande maison est devenue la maison paroissiale qui accueille de nombreux mouvements : patronage, catéchisme, secours catholique, foyer des jeunes travailleurs et activités sportives avec la Légion Saint-Georges.
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Repas du centenaire Aubertel.
De gauche à droite : Louis Dodin, Yves Aubertel, Fernand Vuillaume, X, et Maurice Aubertel, directeur de l’entreprise, debout. |
Cordier
L'usine Cordier, qui remonte au moins à 1910, s'appelait à l'origine Cordier et Folliet. Elle ferma ses portes vers 1950. On y fabriquait des chaussons en lisières : le dessus était tressé et la semelle, pratiquement inusable, était en cuir. Cette fabrique employait 60 personnes et procurait du travail à de nombreuses piqueuses à domicile. Elle était située près de la gare SNCF, au 4 boulevard Poincaré.
Fortier
L'usine Fortier est plus récente. Elle succèdait à l'entreprise Martin-Franchot (appelée ensuite Franchot) qui fut reprise vers 1944 par M. Fortier qui en était le directeur depuis 1937. Elle produisait des chaussons "charentaises", des mules fantaisie et des chaussures en cuir (avec une spécialité dans la chaussure pour enfants). Ces produits étaient exportés en Autriche, en Angleterre et en Belgique. Cette entreprise adaptait aussi les semelles aux chaussons fabriqués par l'atelier Lefèvre.
La maison de maître ouverte au 41 rue de Neufchâteau (actuelle rue du Général de Gaulle) se prolongeait par un atelier et par l'usine construite le long de la rue des Buttes. Ce long bâtiment comportait trois niveaux éclairés de larges verrières. Il a été démoli au début de l'année 1989 afin de construire la nouvelle école maternelle Mélusine. L'usine employait près de 100 personnes avant 1939 et 60 après 1945. Son activité prit fin en mai 1969.
Lefèvre
La fabrique Humbert, connue ensuite par son nouveau nom, Lefèvre, était installée au 95 rue de la Tour. De dimension assez modeste, elle fabriquait des chaussons en lisières. Son atelier est encore visible, à l’arrière, depuis la rue de l'Abattoir.
LES USINES TEXTILES
La chemiserie
L'usine Seligmann s'installa avant 1914 route de Neufchâteau (à la sortie de Ligny, vers Givrauval, à gauche de la route). Les Linéens avaient l'habitude de l'appeler "la Chemiserie" car on y fabriquait essentiellement des chemises ; une partie de l'ouvrage (couture des boutons et des arrêts) était toutefois effectué à domicile. Certaines chemises étaient destinées à des grandes marques comme Cacharel. En 1967, cet atelier fut repris, avec ses quarante ouvrières par M. Nerre qui employa jusqu'à 150 personnes. L'usine ferma ses portes en 1982.
Dans les années 1950, l’atelier Bertelot situé au 60 rue Leroux fabriqua également des chemises et de la lingerie. Il était dirigé par Mme Génin.
Il y avait encore 2 ateliers :
L’atelier Bertelot (60, rue Leroux) fabriquait des articles de lingerie et des chemises.
La bonneterie Joly et Marotte fabriquait des sous-vêtements, des chaussettes, des bas et des chandails.
LES CONFITURERIES
Vicherat puis Ancel
Sise rue Sainte-Anne, cette confiturerie fut créée par la famille Vicherat et reprise Bernard Ancel, le gendre d’Henri Vicherat. On y fabriquait entre autres de la confiture de groseille épépinée à la plume d’oie. Certaines employées travaillaient à domicile.
Cette entreprise fonctionna de 1820 à 1967. La confiture était conditionnée dans trois sortes de pots : les gros de 115 g, les moyens et les petits dits "pots mignons". La production annuelle s’élevait à 40 000 pots dont 25 000 étaient exportés surtout vers les États-Unis. À Paris, la maison fournissait Fauchon, Prunier, Hédiard et Lalonde. En 1944, le général Eisenhower aimait déguster cette confiture à son petit-déjeuner. Hitchcock en raffolait et en a consommé toute sa vie.
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Houzelot
Cette confiturerie était installée au 73, rue du Général de Gaulle. Au moment de la récolte, en juillet, il était fréquent de voir les épépineuses travailler sur le pas de porte de l’établissement.
Jean-Pierre Laflotte se rappelle : « Lorsque nous étions enfants, nous allions chercher la cume chez Houzelot pour améliorer notre goûter et dès que les patrons avaient le dos tourné, les employées nous rajoutaient une louche de confiture, ce qui nous ravissait. »
FABRICATION DE MEUBLES EN ROTIN
Morel
Installée Chemin de Bellevue, l’entreprise fabriquait du mobilier en rotin dont des chaises fauteuils et banquettes destinés à l’équipement des cafés, ainsi que des chaises longues vendues à des hôpitaux et stations thermales. D’autres pièces étaient fabriquées à la demande. L’entreprise compta jusqu’à 15 ouvriers plus certains à domicile. L’atelier ferma ses portes vers 1960.
Varinot
Cette entreprise familiale était située boulevard Poincaré face à l’entrée du parc municipal. Elle était dirigée par M. Varinot puis par sa fille Lucienne Chevalier. On y fabriquait des petits meubles en rotin : sièges, tables, fauteuils, coffres… L’atelier cessa son activité à la fin des années 1970.
(Rendez-vous pour la seconde partie dans
le "Coin de l'historien" du Porte-Plume de Décembre)
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