Jacky Schwartzmann est né à Besançon en 1972. Après un DEUG de philosophie à la faculté des Lettres de sa ville natale, il décide d’arrêter ses études pour se consacrer à l’écriture. Parallèlement à des petits boulots (aide éducateur, libraire, barman de nuit, conseiller qualité chez EDF…) il écrit des romans et remporte en 2003, le concours du premier roman organisé par le Conseil général du Doubs qui lui vaut la publication de Public Ennemy, récit policier qui dissèque les services secrets et certains circuits financiers. Son second roman Bad Trip (2008) aboutit à une version théâtrale, jouée plusieurs fois à Besançon. Il écrit également des chansons. Son expérience professionnelle dans une multinationale lui inspire un autre livre : Mauvais Coûts, lauréat du prix de la page 111.

Résumé

François Feldmann, originaire de la cité des Buers, a quitté Villeurbanne pour regagner le centre-ville lyonnais et oscille entre deux mondes. Il ne partage ni les codes des premiers ni ceux des seconds. Juliane Bacardi, sa banquière, rigide et dénuée du sens de l’humour, est lasse de renflouer son compte et refuse de lui octroyer un prêt pour un projet professionnel ″hors cadre″. « Entre elle et moi, de sales petites bestioles ne cessaient de se reproduire et de pourrir notre relation, ces sales petites bêtes contre lesquelles nous ne sommes pas tous égaux : les agios. »

Lorsqu’un soir, Juliane provoque un accident mortel dans les quartiers où il a grandi, François l’aide à s’extirper de cette situation dangereuse. Les rapports s’inversent et la banquière se voit contrainte de suivre l’habitué des banlieues dans une cavale singulière pour échapper à la police et à un caïd qui a posé un contrat sur leurs têtes…

L’intrigue est simple, mais dense et bien construite. Aucun temps mort pour ce polar ancré dans le quotidien qui embarque le lecteur dans une course poursuite haletante à laquelle il est difficile de résister, car riche en rebondissements rocambolesques. Au volant de son Audi, Juliane a malencontreusement écrasé un des lieutenants de Saïd, un caïd, devant les yeux effarés de François, coupable de s’être trouvé au mauvais endroit, au mauvais moment. Il s’agit donc d’échapper à une double traque : celle de la police qui les recherche activement et celle d’une bande de mafieux rebeus prêts à leur faire la peau.

Le cadre est celui des banlieues décrites sans concession avec sa violence, ses codes, son langage. « Cité de merde remplie de blaireaux et de mecs tordus et violents. » Une analyse sociologique des cités s’invite en arrière-plan avec ses thématiques habituelles : racisme, inégalités sociales, mépris des nantis, drogue, décolonisation, Algériens de France, jeunes de banlieue, caïds… « On est parvenu à leur faire croire que s'ils sont dans la merde, ce n'est pas à cause de ceux qui ont tout le blé, non, c'est à cause de ceux qui n'en n'ont pas du tout. »

Les deux personnages principaux forment un duo de choc, car aux antipodes l’un de l’autre. Pour décrire François Feldman : « depuis que je suis gosse, on m’appelle soit le juif, soit le rebeu blanc. » Pour décrire Juliane Bacardi : « C’est une Française ultra française, de bonne famille, bien élevée, le genre de meuf qui ne dit jamais par contre, mais en revanche. » Le faux rebeu des cités et la femme bon chic bon genre de droite née avec une cuillère en argent dans la bouche, composent « les Bonnie and Clyde les plus ringards de la création. » Couple improbable forcé de ranger aux oubliettes ses préjugés, de mettre en commun intelligence et ruses souvent machiavéliques pour fuir ses poursuivants et survivre.

Le ton de ce roman atypique, parfois violent, reste imprégné d’un humour décalé qui ne fait pas toujours dans la dentelle, pour exemple l’une des citations inventée et imprimée sur les tee-shirts vendus par François : « Bonjour, c'est bien ici Charlie Hebdo ? », signé Chérif Kouachi. Le regard corrosif de l’auteur contribue également à cet humour noir, sans aucune hypocrisie, aucune volonté de rester politiquement correct. « Quand on décide d’évoluer en burka, on se doute bien que même le Lidl ne nous prendra pas comme caissière. »

Gros coup de cœur pour ce petit bijou d’humour grinçant, hilarant et jubilatoire.
« C’est quand même un joyeux bordel la vie. »