La bonne distance
Comme l’hiver était très froid, les porcs-épics avaient décidé de se serrer les uns contre les autres pour se tenir chaud. Mais à trop se serrer, ils sentirent peu à peu la brûlure de leurs piquants et décidèrent donc de s’éloigner. Le froid revenant, ils consentirent un nouveau rapprochement qui se solda par un nouvel échec. Il fallut plusieurs expériences similaires pour qu’ils parviennent, à force de faire, à trouver la bonne distance. Michel Piquemal nous rapporte cette courte fable écrite en son temps par le philosophe allemand Schopenhauer.
Animal social, l’homme établit toutes sortes de relations. Il a effectivement en permanence besoin des autres dans une multitude de situations quotidiennes. Il arrive donc que par souci d’entraide, de communication ou par simple nécessité matérielle, nous éprouvions le besoin de rapprochement et de contact.
L’accès à l’autre et sa connaissance progressive s’avèrent souvent longs, d’autant plus que nos comportements nous sont dictés par nos tendances naturelles, les préjugés et a priori que nous entretenons, le tout se résumant à une prudence parfois excessive, pouvant confiner à la méfiance.
Progressive, l’expérience de la connaissance d’autrui ne peut donc se faire dans l’immédiat et la réaction que nous avons à notre premier contact, qu’elle soit favorable ou non, va peut-être jouer un rôle déterminant.
En certaines circonstances qui tiennent souvent de l’imprévu, du non programmé, le contact, nécessaire ou inévitable, peut poser problème, car il ne nous laisse pas le temps d’adaptation.
Dans la découverte progressive de l’autre, nous sommes forcément amenés, à un moment donné, à nous questionner sur la nature de cette relation qui vient de se créer. Faire preuve de la plus grande objectivité possible nous aide à nous positionner dans cette relation.
La durée, la fréquence, la nature et surtout ce que nous entendons placer dans la relation seront déterminants pour sa qualité et sa force. Il va falloir accepter et comprendre, non seulement l’autre, mais aussi nous-mêmes, négocier parfois sans jamais perdre notre propre identité et notre autonomie de pensée.
Forcément, même semblables, nous sommes différents des autres et pour que chacun demeure sur le terrain de l’entente, il faudra faire preuve de tolérance et de capacités d’écoute. L’autre est un inconnu et nous partons a priori à sa découverte, laquelle apportera son lot de surprises, d’étonnements et de satisfactions, parfois émaillé de déceptions.
Dans les relations humaines, les degrés d’implication sont très variables. Si elles se construisent en fonction de nécessités, de besoins, de rencontres fortuites ou désirées, les raisons pour lesquelles elles cessent ou perdurent peuvent nous échapper.
L’essentiel demeure dans la nature et la qualité du lien qui unit. L’échange et le partage sont facteur de réussite, parce qu’ils permettent à chacun de se situer et donc de rester critique, constructif et empathique. Tout ce qui pourrait mener à une sorte d’annexion de l’autre mènerait à l’échec.
Pour demeurer harmonieuses, les relations ont besoin que nous trouvions la bonne distance, un peu comme si nous étions toutes et tous des planètes soucieuses de graviter et cohabiter sans pour autant provoquer des collisions intersidérales.
Nous en sommes parfois à des années-lumière, relations proches et lointaines confondues.
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