Histoire de lavoirs
(Partie I)
Naissance des lavoirs
Sous l’ancien régime, les villages sont dépourvus d’infrastructures permettant d’utiliser l’eau à bon escient. C’est le seigneur local qui selon son bon vouloir prend l’initiative ou non de faire creuser un puits ou de faire édifier ici et là une fontaine.
La révolution par son décret du 4 août 1789 met fin aux privilèges féodaux en accordant aux communes le 14 décembre de la même année leur autonomie. C’est ainsi que les municipalités s’approprient ce bienfait pour faire construire selon leurs ressources les infrastructures nécessaires au puisement de l’eau. L’abandon de ce droit féodal permet d’améliorer ainsi la vie communautaire. Une nouvelle ère de progrès social prend forme, l’existence des citadins et des paysans ou autres, s’en trouve plus avantageuse.
Cependant, les conditions d’hygiène de l’époque restent préoccupantes et engendrent des épidémies telles que, la typhoïde, la variole et le choléra, encore en expansion au XIXe siècle. Ces fléaux génèrent une réflexion et réveillent la conscience des hommes responsables. Les gouvernements successifs en charge du bien-être des populations prennent des mesures énergiques pour lutter contre ces calamités. Malgré ces bonnes volontés, les conditions sanitaires ne sont pas à la hauteur. Il faut attendre le décret du 3 février 1851 de Napoléon III précisant les obligations d’équipement et de salubrité publique, pour y mettre fin. Cette initiative préservant ainsi la santé des populations, nous assistons dès lors à la naissance véritable des lavoirs.
Les travaux des lavoirs se développent selon les projets architecturaux s’inspirant de l’époque antique, égyptienne, byzantine etc... Nous assistons à l’édification plurielle de bâtiments plus ou moins originaux. Que d’inspirations révélées pour amadouer une eau qui sert aux hommes comme aux animaux.
Les lavoirs sont de deux types : ceux dits « au fil de l’eau » et ceux alimentés par une source captée. Ces deux types sont les plus répandus. Les lavoirs au fil de l’eau correspondent à une architecture à ciel ouvert ou couvert et il y en a de cinq sortes.
Les lavoirs à ciel ouvert sont, à l’origine, édifiés à proximité de la rivière, là où les femmes ont l’habitude de venir laver le linge. Dans ce genre, il y a le lavoir passerelle, celui qui permet de relier les deux rives (cas de rivière au lit étroit) avec un système permettant de contrôler le niveau de l’eau à l’aide de vannes. Il y en a un représentatif à Maxey-sur-Vaise
Les lavoirs couverts ou à battage unique disposent d’une pierre de battage donnant sur l’eau. Ils sont couverts d’un toit reposant sur des murs maçonnés ou des boiseries. Ce type de lavoir est construit à la fin du XVIIIe et début du XIXe siècle. Ce sont les plus récents. C’est à cette époque que les architectes prennent conscience qu’il convient d’améliorer le sort des lavandières en œuvrant pour leur confort. En effet, ils édifient ainsi un local protégé, facilitent l’accès à l’eau et le cheminement des brouettes… Nous pouvons voir ce genre de lavoir à Rambluzin.
Les lavoirs à gradins sont construits afin de remédier aux soucis dus à l’irrégularité du niveau de l’eau. Ce type de lavoir comprenant plusieurs niveaux de pierre de battage est cependant peu répandu. Ainsi selon la hauteur de l’eau (cas de petites crues), les lavandières peuvent toujours laver leur linge. Au contraire, en période de sécheresse, il s’avère parfois que le niveau de l’eau atteint l’étiage et ne permet plus son accès. Ce type de lavoir est visible à Demange-aux-Eaux.
Dans le même genre d’idée, il y a le lavoir mobile muni de crémaillères pour monter ou descendre le plancher à hauteur du niveau de l’eau. En Meuse, l’emploi de la fonte se développe au XIXe siècle et permet de construire avec des parties métalliques ce genre d’ouvrage hydraulique comprenant des vannes, des volants de manœuvre, des crémaillères, des manivelles, etc. Quelques lavoirs de ce type sont construits dans notre département, particulièrement à Maxey-sur-Vaise où il y a trois planchers mobiles.
Les lavoirs alimentés par une source captée sont édifiés pour amoindrir les risques saisonniers (crue, sécheresse) et également pour pallier les épidémies. En effet, laver le linge infecté dans un lavoir au fil de l’eau risque de souiller toute une rivière en aval et ainsi de contaminer d’autres populations. Ils sont édifiés également pour remédier à la déficience d’hydrographie d’un village ou au trop grand éloignement d’un cours d’eau d’une commune. Ils sont de cinq types.
Le lavoir « hall » comprend une toiture dont la charpente repose sur des poteaux en bois ou en fonte. Il s’apparente aux halls de marché couvert. Saint-Maurice-sous-les-Côtes possède ce genre de lavoir pittoresque. Le lavoir semi-ouvert est construit de façon à améliorer le sort des lavandières par temps de pluie ou par forte chaleur. Celui de Viéville-sous-les-Côtes en est un exemple. Le lavoir ouvert sur un côté se caractérise par une seule façade ouvragée, principalement ouverte vers le sud. Les trois autres façades sont construites en mur plein. Un lavoir de ce type édifié à Lacroix-sur-Meuse possède une très belle architecture. Il y a enfin les lavoirs en hémicycle, ceux de Houdelaincourt et de Mauvages dans la région de Vaucouleurs et les lavoirs fermés avec portes et fenêtres, ces derniers étant très répandus.
Généralement, ces lavoirs se composent d’un bassin muni d’une pompe et sont souvent construits au centre du village et non aux abords d’une rivière ou à proximité d’une source à l’extérieur de la commune. Ils peuvent être couverts ou non.
Les architectures sont de plusieurs types : rectangulaire, circulaire, semi-circulaire ou en fer à cheval et sont ornés ou non de statues ou de fioritures (fleurs sculptées, personnages mythologiques, etc.). Un des plus pittoresque, situé à Mauvages, est doté d’une magnifique statue égyptienne. Mais ce qu’il faut retenir, c’est la clarté due pour la plupart à des ouvertures assez conséquentes. Aucun lavoir à ma connaissance ne dispose à la fin du XIXe et au début du XXe siècle d’un éclairage artificiel.
Un lavoir peu répandu possède une fontaine attenante comprenant deux abreuvoirs, c’est le cas à Dainville, ainsi les chevaux lors du retour des champs peuvent s’y désaltérer. Certains lavoirs sont pourvus d’un égayoir contigu qui sert également pour les animaux (vaches, chevaux), c’est le cas à Halles-sous-les-Côtes, à proximité de Stenay.
Les lavoirs en Meuse sont construits avec la pierre de Meuse qui provient essentiellement des carrières d’Euville, de Savonnières, de Brauvilliers et de Lérouville. Les architectes et sculpteurs influencés par le culte de l’eau trouvent leurs inspirations dans la faune aquatique, les divinités marines, les naïades, les gueules et têtes barbues, monstres grimaçants, etc.
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