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Née à Paris en 1970, Sandrine Collette passe un bac littéraire à l’université de Nanterre puis un master en philosophie et un doctorat en science politique. Elle devient chargée de cours à Nanterre, travaille à mi-temps comme consultante dans un bureau de conseil en ressources humaines et restaure des maisons en Champagne puis dans le Morvan.
Des nœuds d’acier (Denoël, 2013), obtient le grand prix de littérature policière 2013. En 2014, elle publie son second roman Un vent de cendres (Denoël) qui revisite le conte de La Belle et la Bête.
Devenue une incontournable du thriller français, elle exprime à nouveau son talent dans Six fourmis blanches (2015), Il reste la poussière (2016) qui obtient le Prix Landerneau du polar. Puis Les larmes noires sur la terre (2017), Juste après la vague (2018).
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Nin, Nun : deux enfants que Mara a détachés d’un arbre où ils étaient ligotés. Elle sait qu’elle n’aurait pas dû, mais brave tous les tabous. Pour les sauver, elle fuit sa misérable cabane népalaise, les entraîne vers la ville où ils se réfugient. Le bidonville les attend avec sa détresse, son dénuement. Les enfants ont beau aider Mara à survivre, aucun avenir n’est possible dans ce lieu de perdition. Elle décide alors de faire marche arrière, de retourner chez elle. Avec un seul enfant. Elle abandonne la petite fille pour lui donner une chance de s’en sortir…
Vingt ans plus tard, un groupe de chasseurs débarque dans le Kamtchatka pour une traque à l’ours. Parmi eux un couple : Hadrien et Lior. Dans ces moments de chasse, la jeune femme se métamorphose. Animal… Son pas devient souple, son regard étrange… Mystère que son compagnon n’a jamais résolu. Il l’accompagne, parce qu’il l’aime plus que tout au monde. Et lorsqu’elle s’aventure seule derrière l’ours, il la suit encore. Animal énigmatique, ce vieil ours énorme est doté d’un instinct stratégique qui se joue des hommes, déjoue leur battue. Face à cet adversaire hors du commun, Lior doit affronter sa vérité.
Retour vers le Népal quelques années plus tard. Avec les tigres. Lior sent confusément qu’eux seuls dévoileront la vérité sur son passé. « À cette pensée, à ce mot, Lior chancelle. Tigre. L’image de la bête somptueuse et terrifiante à la fois l’envahit. Elle a les mains qui tremblent, la gorge qui palpite. Elle a les yeux qui brillent. Elle se déteste. »
Cette fois, c’est une quête de la mémoire qui s’engage avec ses fantômes, ses tourments, cette peur primale du retour aux origines, la clé de son existence.
Dans ce grand roman où la nature est omniprésente, humains et animaux brouillent les pistes. Sandrine Colette nous emmène au fin fond du Népal, puis sur la péninsule volcanique de Kamtchatka. Des endroits sublimes de beauté. Exotisme et dépaysement garanti. Chair de poule aussi ! Dans ces chasses à l’ours, puis aux tigres où hommes et bêtes s’affrontent dans une lutte à mort, où l’intelligence animale surpasse parfois celle de l’homme, on s’interroge sur la prédation, la part d’animalité dans l’humain.
Roman original par la multiplication des points de vue : celui de Mara, d’Hadrien, de Lior, de Nun et même… celui de l’ours, personnage à part entière doté d’une remarquable perspicacité. Jubilatoire ! La proie devient prédatrice. Cette introspection dans la peau du gros mammifère est captivante.
La psychologie des personnages est fouillée. Elle affleure dans leurs pensées, mais surtout dans leur façon d’être.
L’écriture est ciselée, puissante pour décrire des sites à couper le souffle, émotionnelle pour hérisser le poil, exacerber la tension, figer le sang dans les veines. Une montée d’adrénaline…
Roman sauvage, âpre dont il faut savourer toutes les pages avec lenteur, le souffle court comme dans une traque animale. Et si l’on déteste la chasse, on peut préparer ses valises pour un magnifique voyage imaginaire à la portée philosophique.
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