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L’enfant, l’écrivain, le philosophe.
D’abord méfiez-vous, vous qui lisez les livres d’Eric Emmanuel Schmitt, vous pouvez accueillir ce titre comme celui d’un nouveau roman de votre auteur favori, mais non, il s’agit vraiment d’un journal.
Comme dans beaucoup de journaux intimes, EES relate un fait traumatisant : le décès de sa mère.
Si, comme d’autres, il creuse au stylo les pages de son cahier à force de chagrin, ce journal est particulier, c’est celui d’un enfant, d’un écrivain et d’un philosophe.
Non seulement il relate les événements et nous décrit par le menu ce qu’il ressent (il l’écrit forcément bien car c’est un écrivain), mais il prend aussi du recul et étudie sa souffrance (car c’est un philosophe), sans doute pour l’adoucir un peu (car c’est un enfant qui perd sa
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mère).
Il essaie sans cesse de faire revivre le passé, à la fois si beau et si douloureux, puisqu’il n’est plus. Peut-on dire qu’ainsi, il remue le couteau dans la plaie, que c’est du masochisme, ou de l’exhibitionnisme ?
Peut-être, mais toutes ces histoires tendres du passé, toutes ces complicités entre la mère et le fils, tous ces mots dits un jour par celle qui vient de mourir, semblent avoir obéi à un but secret de la part de cette mère aimante.
À force de souffrir du manque, à force de larmes ou de colère de l’absence, à force de maladresse pour tenter d’apprivoiser sa douleur, l’enfant Eric Emmanuel sent que sa mère lui a insufflé de la force :
La force de l’amour qui sait soigner et consoler, même si cet amour perdu attise encore la nostalgie du passé.
Mais aussi la force de vie, de croire en la vie, au-delà des deuils et de l’absence.
Même s’il souffre toujours, l’auteur comprend peu à peu que sa mère lui a transmis le plus beau des héritages, sa capacité de croire en la vie.
J’ai lu le livre avec un peu de gêne, comme on écoute un récit impudique.
Puis j’ai écouté l’auteur en parler, il n’était pas guéri de sa souffrance.
D’ailleurs en guérit-on ?
J’ai entendu EES hier, il était invité sur une radio. Il va mieux.
Il sait que sa mère lui a livré un magnifique secret, dont il va désormais tirer sa force.
Elle lui a certes infligé son plus gros chagrin, « ma mère est morte et c’est la première fois qu’elle me fait de la peine », mais surtout, tout au long de son existence, elle lui a appris la vie, et une vie heureuse.
C’est avec ces mots que l’enfant, l’auteur, le philosophe, terminait hier son interview.
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