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Par Daniel DUBOURG
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Dunkerque et Albuquerque

Dunkerque. Jamais encore je ne m’étais vraiment questionné sur l’étymologie de ce nom de ville. Celle-ci n’est pas très loin de la Belgique ; donc elle pourrait avoir des origines flamandes. En réfléchissant un peu et en pensant à l’allemand Kirche et à l’anglais church, je me dis qu’il y a une histoire d’église là-dedans. Quant à Dun, si cela signifiait fin (de dünn, toujours en allemand), le nom de la ville s’écrirait avec deux n, quoique… alors, comme nous sommes en bord de mer, je penche tout simplement pour le mot dune. Et après vérification, il se trouve que Dunkerque est bien une église sur la dune.

Mais ce nom a aussi la même résonance qu’Albuquerque située au Nouveau-Mexique. Bien entendu, l’orthographe n’est pas tout à fait ressemblante et, en observant le mot de plus près, on voit qu’il est formé de albu (albus, blanc, et de querqus, chêne, tous deux venant du latin, ce que je n’apprendrai pas aux latinistes et aux gens passionnés d’étymologie).

Apparemment donc, aucun point commun entre les deux villes en question. En me penchant un peu plus sur la dernière citée et d’un autre continent, j’apprends que la vieille ville d’Albuquerque fut fondée en 1706 par les Espagnols et qu’elle se nommait Alburquerque. Jusque-là rien de très particulier, sinon qu’elle ne manque pas d’!

Le premier r du nom disparaît au XXe siècle, apparemment par la faute d’un chef de gare anglo-américain incapable de prononcer le nom (dû à la tendance des anglophones de supprimer tout « r » dans une syllabe phonétique si peu naturelle en anglais). Et ma première hypothèse s’avère exacte, car « Le nom du titre de duc d’Alburquerque lui-même vient du nom de la ville espagnole du même nom, formé de albus, “blanc” et de quercus, “le chêne”.

Alors que j’allais être satisfait, je déchante ! Le nom “Albuquerque” (anciennement “AlbuRquerque”) vient du mot arabe “al barquq” qui signifie “abricot” (même étymologie en français) remontant à la période de l’Andalousie musulmane s’étalant sur huit siècles. En ce sens, l’étymologie latine “albus - quercus” est fallacieuse et procède de la volonté, lors de l’inquisition espagnole, d’effacer tout l’héritage arabo-musulman de la péninsule ibérique. Pour preuve, le mot castillan/espagnol pour désigner l’abricot est bien “albaricoque”.

Là, j’ai le sentiment d’avoir appris quelque chose d’important qui vient justifier des pratiques courantes en matière de colonisation, à savoir que toute civilisation venant s’imposer dans une région du monde plante ses jalons sans trop de soucis d’élégance, de façon à marquer son “nouveau territoire”. En même temps, on efface ou estompe toute trace de la culture autochtone, en la niant et en pratiquant l’exploitation locale (on n’est quand même pas venus pour rien, mais surtout pas par philanthropie !).

En outre, je suis conforté dans l’idée qui veut que, pour comprendre quelque chose de présent, d’actuel, simple ou complexe, il faut absolument aller en chercher l’explication à la source, ce qui n’est pas toujours chose aisée, en raison d’informations souvent contradictoires, manquantes, mais parfois complémentaires et cohérentes.

Ce n’était qu’un propos modeste. Après Dunkerque et Albuquerque, je n’irai pas tenter de trouver demain d’éventuels points communs entre Verdun et Wendeng, en Chine, c’est promis. Mais si le cœur vous en dit…

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