Les tracas du père Noël
Le père Noël se gratte la tête puis son menton barbu. Comment va-t-il bien pouvoir sortir de cette ornière dans laquelle il se trouve ?
Depuis qu’il a appris que tous ses cortèges de fin d’année sur terre sont annulés, à cause de ce satané virus, il ne sait comment faire. En effet, ses passages dans les villes et les villages permettent aux enfants de donner leur liste de cadeaux et pour lui, de repérer les enfants sages…
La mère Noël s’était mise à la couture quand il avait cru avoir une idée de génie : envoyer tous ses lutins récupérer les listes des enfants et vérifier leur sagesse. Mais les piles de masques gisent là, dans la salle de couture.
Les lutins s’étaient fâchés tout rouge, comme on dit, à l’annonce de la proposition du père noël. Vu de la terre, le ciel en avait changé de couleur .
- On a déjà tous les jouets à construire alors si on doit encore aller chercher les listes de noël, ce n’est pas possible, on n’y arrivera pas.
Le père Noël avait cru bon d’insister, alors les lutins s'étaient mis en grève, menaçant de casser ou de brûler les jouets en construction. Cela avait pris des proportions démesurées. La mère Noël était intervenue auprès de son illustre mari pour éviter un carnage. L’ambiance était lourde, là-haut dans le ciel. Sur terre chacun se demandait pourquoi il y avait tant d’orages en cette période hivernale… Les jours passaient sans qu’aucune solution satisfaisante pour tous ne pointe le bout de son nez. Et puis, une nuit de pleine lune, de celles qui empêchent tout le monde de dormir, la « bande des rouges » s’était réunie pour discuter et parlementer. Soudain, un jeune lutin, tout droit sorti de l’école « la Galaxie School », agite le pompon de son bonnet pointu pour demander la parole :
- On pourrait peut-être s’occuper de récupérer les lettres adressées à notre patron…
Le jeune lutin est interrompu par tous ses collègues qui commencent déjà à s’énerver :
- Tu ne vas tout de même pas te mettre contre nous quand même ! crie le plus vieux d’entre tous.
- Laissez-le au moins finir, rugit le père Noël !
La mère Noël est stressée, elle pressent que la nuit va être longue et mouvementée…
- Nous pourrions, reprend le jeune lutin, nous répartir en différents groupes : ceux qui construisent les jouets, ceux qui récupèrent les missives et les listes des enfants. Il suffirait à ce dernier groupe de souffler, souffler en direction de la terre. Les lettres s’envoleraient ainsi vers nous. Pour ce faire, nous n’aurions pas besoin de quitter nos ateliers.
- Il reste toujours le problème qui consisterait à repérer les enfants sages ; pour moi c’est important, explique le vieux monsieur à la barbe blanche.
- J’y viens. Un troisième groupe de lutins regarderaient avec des longues vues lumineuses, ce qui se passe dans chaque maison : comment les enfants obéissent à leurs parents, s’ils sont polis, respectueux envers les humains, les animaux et aussi face à l’environnement.
- Et tu les trouves où, les longues vues ? questionne le vieux lutin d’un air ironique.
- Eh bien, on va les fabriquer ! répond du tac au tac le jeune qui, emporté soudain par son projet, a pris de l’assurance.
Un silence emplit l’atmosphère. Chacun est dans ses pensées ; le père Noël se gratte une nouvelle fois la tête et le menton, signe d’une intense cogitation…
- Oui, c’est pas bête finit par avouer le groupe, sauf le vieux lutin qui semble perplexe.
- Ben alors, faut se mettre à l’ouvrage maintenant pour construire le matériel, dit un autre lutin.
La lune, lasse, a fini par aller se coucher, laissant nos lutins, le père Noël et sa femme bien fatigués après cette nuit blanche. À l’aube la sérénité est revenue car la solution est enfin trouvée. Le père Noël est heureux, la mère Noël soulagée. Les enfants sages auront leurs jouets comme chaque année.
Le lendemain, c’est le père Noël qui organise les 3 groupes, mais là encore ce n’est pas une mince affaire. Cette année les lutins sont revendicatifs : il y a ceux qui ne veulent pas s’occuper de tel ou tel pays, prétextant qu’ils n’ont pas assez de souffle et ceux qui disent qu’ils ne voient pas assez clair pour se servir des longues vues. Seul le 3e groupe, celui qui construit les jouets comme chaque année, ne dit rien.
- Seraient-ils connectés aux télévisions de la terre ? marmonne d’un ton las un soir, le vieil homme à sa femme.
Quand enfin tout le monde sait quel poste il occupera, le père noël demande au 2e groupe quelque temps plus tard, de faire un essai avec les longues vues. Sur terre ce soir-là à la télévision, les présentateurs de l’information annoncent :
- Des sortes d’éclairs ont zébré le ciel étoilé en Europe la nuit dernière, amenant avec eux une chaleur anormale. Les météorologues ne comprennent pas ce qu’il se passe en ce mois de novembre.
Les semaines qui suivent, chacun est au travail, ça marche fort dans les ateliers du père Noël !
Début décembre les investigations enfants sages et la soufflerie un peu spéciale qui sert de poste aérienne au père Noël commencent, ils sont prêts !
Alors sur terre, les météorologues s’arrachent les cheveux, affolés. Que se passe-t-il ? La nature semble devenir folle : des tornades et des tempêtes tantôt ici, des chaleurs caniculaires tantôt là. Les humains terrorisés se serrent les coudes oubliant leurs griefs, car leur vie est en jeu.
Enfin arrive le 25 décembre ; au matin le père Noël enlève ses bottes, son bonnet, son manteau. Il a enfin terminé cette longue tournée si particulière. Épuisé, il prend sa pipe et s’écroule littéralement sur son fauteuil sans un mot.
La mère Noël a un petit air de dégoût, son homme pue la suie, comme tous les ans à la même époque.
On n’entend à l’écurie que le bruit des mâchoires des rennes mastiquant le bon foin…
Les petits bonhommes rouges, quant à eux, ont des avis partagés sur ces dernières semaines : certains ronchonnent en marmonnant que les humains ont intérêt à trouver un vaccin d’ici décembre prochain, d’autres que ça ne les a pas dérangés vu qu’ils ont travaillé comme d’habitude et les souffleurs, exténués, ont été happés par Morphée sans pouvoir s’exprimer.
Sur terre ce matin-là, lorsque les maisonnées commencent à s’animer, il règne un calme étrange : plus un bruit, la nature s’est calmée comme par miracle…
Les enfants ravis, épanouis et heureux, découvrent leurs jouets.
L’histoire pourrait s’arrêter là mais…
14 jours plus tard, le vieux lutin envoie un communiqué à la presse sur terre, le père Noël, qui n’avait pas mis de masque pour la distribution des jouets, a attrapé la covid 19 ! Qu’en sera-t-il l’an prochain ? Personne ne le sait !
Que ce soit sur terre ou au ciel, la vie n’est décidément pas un long fleuve tranquille…
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