François Charles Léon Maxe-Werly
Tout comme les premiers nés dans les monarchies, les fils ou petits-fils d’industriels sont-ils condamnés à sacrifier leurs rêves pour succéder à leur père alors qu’ils ont d’autres aspirations ? La plupart s’y résignent avec plus ou moins de bonheur, mais pour ceux qui ont une véritable passion, et ne parviennent pas à en faire le deuil, c’est souvent le commencement d’une double vie. Tout comme Louis XVI se rêvait serrurier et Winston Churchill peintre, le petit-fils de l’inventeur du corset sans couture se sent né pour être historien. Malheureusement pour lui, il doit très vite quitter ses études pour reprendre les rênes de l’entreprise de corsets. C’est un véritable crève-cœur pour lui, pourtant il se consacre consciencieusement à sa tâche et fait prospérer les affaires de la famille. Cependant, dans un coin de son cœur, il continue à entretenir son jardin secret : l’histoire de sa région natale, le Barrois.
François Maxe nait en effet à Bar-le-Duc en 1831. Il se passionne très jeune pour la numismatique, c'est-à-dire l’étude des pièces de monnaies et des médailles. Il acquiert grâce à ses lectures et à ses recherches une solide érudition dans ce domaine et collectionne toutes sortes de pièces anciennes. Il commence à publier dans la Revue Numismatique plusieurs articles très documentés qu’il signe en accolant au nom de son père celui de sa mère, se faisant connaître des spécialistes sous le patronyme de François Maxe-Werly. Il publie ainsi 42 ouvrages et articles dont l’incontestable qualité le fait admettre comme membre de la Société Française de Numismatique, puis membre d’honneur de la Société Royale de numismatique de Belgique.
Lorsqu’il a 50 ans, il quitte sans regrets ses fonctions dans l’entreprise familiale pour pouvoir se consacrer entièrement à sa passion et s’en découvre très vite une autre, l’archéologie. Il étudie les principaux sites archéologiques meusiens comme Boviolles et Naix, publiant des cartes détaillées de ces sites, des dessins des principales pièces retrouvées, ainsi que leur interprétation. Il se passionne également pour les taques, ces pièces de fonte qui ornaient autrefois le fond des cheminées. Il entreprend également des fouilles à Montiers-sur-Saulx, au lieu-dit des Ronchers. Il y met à jour des colonnes et des dalles provenant d’un petit temple, sans doute dédié à la médecine puisqu’une stèle baptisée « Stèle de l’oculiste » porte un bas-relief semblant montrer un ophtalmologue en plein travail.
S’il consacre désormais la majeure partie de son temps à son travail d’archéologue, il n’en oublie pas pour autant la numismatique et continue à publier des ouvrages sur ce sujet, dont un sur les monnaies bretonnes et un autre sur celles des Cadurques, un peuple celte de la région de Cahors. Tous ces travaux le font accepter comme membre par de nombreuses sociétés savantes, comme la Société des Lettres de la Sorbonne et lui valent un grand nombre de récompenses, dont les Palmes Académiques et la Légion d’honneur.
Il participe activement à la création du Musée du barrois et lorsqu’il meurt, en 1901, il lui lègue par testament tout ce qu’il a réuni sur le Barrois, et en particulier ses collections de monnaies, ses documents de fouilles et ses dessins. Le reste de ses collections est envoyé à la Bibliothèque Nationale de France et constitue une part importante des fonds actuels de monnaies anciennes et de poids monétaires. Connaissant la réputation de François, le conservateur, lorsqu’il a pris possession de ce legs, n’a pas été particulièrement étonné en faisant l’inventaire des premières caisses. Mais quand il a procédé à l’ouverture de la dernière, son contenu inattendu l’a à la fois surpris et ravi. Il s’agissait en effet d’une collection extrêmement rare rassemblant des médailles de dévotion. Au cours de son existence, François Maxe-Werly en avait rassemblé plus de 2300, ce qui en fait encore aujourd’hui une des collections les plus importantes du monde de ce genre. Pas mal, quand on pense que cet homme fut un authentique autodidacte…
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