sistance aux victimes, il devient gardien de la paix à Aubervilliers, puis rejoint la PJ au service financier, puis au groupe de nuit chargé des braquages, homicides et agressions. Après avoir réussi le concours de lieutenant, il choisit Bobigny au sein du SDPJ 93, à la section enquêtes et recherches.
En 2011 il s’inscrit, un peu par hasard, à un concours de nouvelles, et remporte le 3ème prix. L’une des membres du jury l’incite à écrire un polar en y apportant à la fois son expérience de flic de terrain et son tempérament sensible et humain.
Il rédige alors 3 premiers romans, mettant en scène un capitaine à la PJ de Seine-Saint-Denis, et son petit groupe de coéquipiers.
C’est le début d’une carrière d’écrivain au succès immédiat, plébiscitée par les lecteurs, encensée par la critique et récompensée par de nombreux prix littéraires.
À travers une intrigue haletante et bien construite, ses polars réalistes dénoncent des situations qui le heurtent, à la fois en tant que policier et en tant qu’humain :
- En 2013, « Code 93 », relatant la traque d’un meurtrier que les circonstances ont transformé en monstre sanguinaire, dévoile comment la politique du chiffre amène les administrations à trafiquer les statistiques.
- En 2014, « Territoires » évoque la collision entre des caïds de banlieues sans pitié ni scrupule, et des élus prêts aux pires compromissions pour acheter une fragile paix sociale.
- En 2016, « Surtensions » dresse le constat de prisons surpeuplées où règnent violence, corruption et règlements de compte, et d’une justice impuissante, malade de ses coupes budgétaires.
En 2017, dans "Entre deux mondes" il abandonne les personnages de ses premiers romans, pour retracer, cette fois, l’odyssée d’un migrant syrien arrivant en France, dans la jungle de Calais.
Olivier Norek déclare avoir voulu, par cet ouvrage, à la fois surmonter une angoisse irrationnelle face au flux migratoire – se souvenant que son propre grand-père était un immigré polonais – et relever le défi d’imaginer une enquête de police dans le seul endroit en France où, précisément, toute enquête est impossible, puisque nécessitant, d’ordinaire, des témoins, des traces d’empreintes digitales ou d’ADN, des réseaux sociaux et de téléphonie mobile avec internet, des écoutes téléphoniques, toutes données inaccessibles dans un camp de réfugiés.
Ces « deux mondes » entre lesquels les migrants restent bloqués, parqués à Calais par des politiques publiques qu’ils ne comprennent pas, sont celui de leur pays d’origine où règne la guerre, la terreur ou la famine et qu’ils ont fui, et celui de l’Angleterre, toute proche, qu’ils considèrent comme l’Eldorado, la terre promise.
Pour mieux appréhender l’enfer quotidien vécu par ces réfugiés, Olivier Norek s’est mêlé à eux, en s’immergeant dans la « jungle »durant trois semaines. Il n’a, dit-il, pas posé de questions, et s’est contenté de recueillir témoignages et confidences.
Mais dans un souci d’impartialité, s’il a vécu, de jour, au milieu des habitants de la jungle, il a assisté, de nuit, aux interventions des policiers, las et usés, jusqu’à la dépression, par la tâche ingrate et harassante d’empêcher tous ces migrants de gagner l’Angleterre.
Il s’est aussi mêlé aux calaisiens, et a interrogé des professeurs du CNRS et de Sciences Po.
« Face à la violence de la réalité, je n’ai pas osé inventer. Seule l’enquête de police, basée sur des faits réels, a été romancée » affirme-t-il en introduction à son livre, qu’il définit comme un roman noir, sociétal, un témoignage ultraréaliste et un état des lieux, en ce sens que les personnages existent et les tranches de vies sont vraies, et sont le reflet, sans complaisance ni parti-pris, de la jungle de Calais, vue de l’intérieur.( On apprend ainsi, accessoirement, l’existence, au sein même de la jungle, de deux mosquées, dont l’une salafiste, la venue d’un recruteur envoyé par Daesh, et l’intervention des services de la DGSE et la DGSI : Surprenant, mais d’après l’auteur, tout cela est réel.)
L’écriture de ce roman très sombre, qui illustre tous les aspects de l’humanité, dans ce qu’elle peut avoir de plus abject mais aussi de plus élevé, est fluide, simple, naturelle. Le style, parfois familier, est sec, sobre, précis mais concis, sans fioriture ni détails inutiles mais terriblement efficace. Les faits, glaçants, à la limite du supportable, se suffisent à eux-mêmes.
On en jugera par cette première partie du prologue, intitulée « L’enfant », qui, d’entrée, plonge le lecteur dans l’horreur :
« Quelque part en mer Méditerranée.
La main sur la poignée d’accélération, il profita du bruit du vieux moteur pour y cacher sa phrase, sans créer d’incident ou de panique.
— Jette-la par-dessus bord.
— Maintenant ?
— On s’en débarrassera plus facilement au milieu de la mer que sur une aire de parking. Elle tousse depuis le départ. Pas question de se faire repérer une fois qu’on les aura collés dans les camions en Italie.
Dans l’embarcation, deux-cent soixante-treize migrants. Âges, sexes, provenances, couleurs confondus. Ballotés, trempés, frigorifiés, terrorisés.
— Je crois pas que je peux y arriver. Fais-le, toi.
Un soupir d’agacement. Pas plus. L’autre abandonna la barre pour se diriger, résolu, vers la femme qui se cachait au fond. Il bouscula les passagers sans considération. À son approche, la femme resserra son étreinte sur le corps qu’elle protégeait entre ses bras, posa fermement la main sur la petite bouche froide, pria pour qu’elle cesse de tousser. Apeurée, l’enfant laissa échapper son lapin en peluche élimée que l’homme écrasa sous le poids de son pied sans même le remarquer. Il s’adressa à la mère.
— Ta petite. Tu dois la jeter. »
Olivier Norek confesse d’ailleurs en interview que la douleur du lecteur est aussi celle de l’auteur lui-même, douleur qu’il définit comme plus physique, animale (j’irai, personnellement, jusqu’à dire viscérale) qu’intellectuelle.
« Entre deux mondes » n’est donc pas un simple polar, même s’il retrace, entre autres, une tentative d’enquête sur des meurtres commis dans la jungle, avec, en fil conducteur, la rencontre improbable et les liens qui se renforcent progressivement entre deux policiers que tout devrait séparer :
- Adam Sarkis est un réfugié syrien, infiltré en tant que capitaine dans la police militaire de Bachar el-Assad, pour mieux combattre un régime dont les atrocités sont évoquées avec un réalisme effroyable. Se croyant sur le point d’être démasqué, et comprenant qu’il ne pourra rien faire pour son pays, pris en otage entre un tyran sanguinaire et le terrorisme aveugle de Daesh, il choisit de sauver au moins sa famille. Il envoie donc sa femme et sa fillette en Europe pour les mettre à l’abri à Calais, où, dit-on, « il y a des baraquements surveillés pour les femmes et les enfants ». Il s’y rend à son tour, comptant les y retrouver, avant de partir avec elles pour l’Angleterre. Mais c’est en vain qu’il les recherche désespérément.
- Le policier français Bastien Miller a, lui aussi, une épouse et une fille qu’il aime tendrement. Jeune lieutenant récemment nommé à Calais, il joue, accessoirement, un rôle de révélateur, à la manière du Candide de Voltaire, en portant un regard neuf sur l’inertie calculée des pouvoirs publics et le rôle ingrat, peu valorisant, des policiers, à qui on refuse toute mutation, et qui se voient contraints de museler leur conscience.
Le chef de la BAC, Passaro, à qui Bastien a demandé en quoi consiste son job, lui répond : « J’aurais presque honte de le décrire. Faut le vivre. Mais personne ne veut le vivre. Nous, on y arrive à peine. »
Et, plus loin, à propos de ce même Passaro : « Il avait vu son quotidien par le prisme de Miller, comme à travers les yeux d’un enfant, et toutes ses excuses, ses justifications et ses convictions s’étaient écroulées. »
Une nuit d’intervention est d’ailleurs dépeinte de façon hallucinante. En voici quelques extraits :
« Trente camions, des flics et des pompiers, face à un barrage de feu bloquant la circulation (...) C’est à ce moment qu’ils se firent déborder. Littéralement. (...) Un raz de marée humain qui déferla sur les camions sans se soucier des véhicules sur leur route, qu’ils soient policiers ou pompiers. Le Nissan de la BAC fut rapidement escaladé. Des hommes passant sur le capot, montant sur le toit en verre, explosant les rétroviseurs dans leur assaut, fêlant le pare-brise sous leur poids. Impossible de sortir. (...) deux migrants crevèrent les pneus du premier poids lourd. Une barre de fer brisa la vitre côté conducteur pendant que les phares étaient fracassés à coups de talon. Le chauffeur se coucha dans sa cabine, les mains sur la tête. Une porte s’ouvrit et il fut tiré par les pieds, jeté au sol et roué de coups (...) Les bâches furent déchirées, les portes arrière forcées et au fur et à mesure, les poids lourds furent envahis (...)Wolf, le chien déglingué, traçait de gauche à droite, comme une flèche, percutant tout ce qui n’était pas blanc (...) infatigable, presque heureux. (...) Un nuage de gaz irritant se forma autour d’eux. Aveuglés, gorge enflammée, nez brûlant, à la limite de suffoquer, les flics en prenaient tout autant que les migrants.(...) Plus rien ne s’entendait. Entre les cris, les sommations, le verre brisé et les moteurs tournants, un vacarme terrifiant.(...) Dans ce brouillard lacrymogène que même les gyrophares avaient du mal à percer, une des roues du poids lourd renversé continuait à tourner dans le vide, enflammée.
Le hasard met en présence Adam et Bastien, qui éprouve une empathie immédiate pour son homologue syrien. C’est ainsi qu’au-delà de toutes les barrières sociales, administratives et conventionnelles, des liens d’amitié vont se tisser peu à peu entre les deux policiers, qui partagent non seulement le même schéma familial, mais aussi de grandes qualités humaines, une droiture et un courage peu commun :
Bastien :
« Chaque flic présent était occupé à gérer une vingtaine de migrants et personne ne vit le semi-remorque foncer vers le barrage, Cortex en plein milieu de son chemin. Au moment où il allait percuter le flic de plein fouet, Bastien passa en un éclair devant la calanque, poussa Cortex de toutes ses forces contre la voiture de la BAC et le colla contre la portière. »
Adam :
« Puis les cris s’entendirent. Comme tous les soirs, à la faveur de l’obscurité. Règlements de comptes et punitions, vols et agressions, sans que personne n’intervienne. Il avait même donné un nom à ces moments insoutenables.
La nuit des lâches.
Et il en faisait partie.
Adam attendit que le sommeil le libère de la honte. Mais alors que le silence était revenu, un long sanglot déchira la nuit et lui transperça le cœur.(...) aucun doute : il s’agissait d’un enfant.
(...)
Lorsque le hurlement reprit de plus belle, encore plus profond, encore plus animal, Adam était déjà dehors, incapable de n’être que témoin. »
Adam va ainsi compromettre la recherche de sa famille et mettre sa propre vie en péril pour secourir et protéger un orphelin black de dix ans, rendu muet et cruellement éprouvé par la guerre et la barbarie des hommes, mais qui, en dépit de toutes les atrocités subies, a gardé quelque chose de l’innocence et l’espièglerie de son âge.
Une chaîne de solidarité va se créer autour de cet enfant. Pathétique (au sens premier, noble, du terme), il agit à la fois comme un ciment entre les personnages, et comme un révélateur pour Manon, l’épouse dépressive de Bastien, et Jade, sa fille de 14 ans, plus ou moins blasée, comme la plupart des adolescents n’ayant jamais connu de réelles vicissitudes.
Jusque-là inconscientes de leur chance, toutes deux vont réaliser à quel point elles ont été favorisées par le destin :
Manon : « C’est facile d’oublier quand ça passe aux infos, mais quand ça débarque dans ton propre salon ? ».
Jade : « J’ai lu sur internet qu’on avait 208 fois plus de chances de gagner au Loto que de naître en bonne santé, dans un pays démocratique et en paix, avec un toit sur la tête. »
La fin du roman, stupéfiante et tragique, s’ouvre toutefois sur une perspective d’espoir. Pour préserver le suspense, je n’en dirai pas davantage.
Cet ouvrage remarquable, immédiatement plébiscité par ses lecteurs et encensé par la critique, a reçu l’Etoile du Parisien du meilleur polar 2017, et a été couronné par le prix polar Les Petits Mots des Libraires, le prix de la Ligue de l’Imaginaire Cultura, les prix « sang d’encre » des lycéens et des lecteurs en 2018, et traduit dans plus de 10 langues.
Il évoque pour moi cet aphorisme de Baudelaire, s’adressant à Dieu dans les appendices des « Fleurs du Mal » : « Tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or ».
Même si, entretemps, la jungle a été démantelée, le sujet demeure d’une brûlante actualité, car, comme le souligne Olivier Norek, ce vaste problème sociétal est loin d’être résolu.
En conclusion, après avoir refermé ce livre, vous ne pourrez plus jamais appréhender l’existence de la même façon. Alors, même si certains passages sont extrêmement durs, d’un réalisme à la limite du supportable, je ne dirai pas, loin de là : « âmes sensibles s’abstenir ! », mais au contraire, pour reprendre une autre formule consacrée : « à lire, absolument ! »
Et si vous n’êtes pas convaincus par mes arguments, voici quelques extraits des commentaires de critiques plus chevronnées, résumant parfaitement, par des formules lapidaires, tout ce que je viens de développer :
« Un électrochoc (...) un récit salutaire dont personne ne peut sortir indemne... » Sandrine Bajos – Le parisien
« Bon sang, quelle claque ! » Delphine Paras – L’express
En 2019, Olivier Norek a publié un nouveau polar « Surface », dont l’héroïne est une capitaine de police défigurée au cours d’une intervention.
La sortie de son prochain livre « Impact », à visée écologique, a été annoncée pour le 22 Octobre 2020.
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