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Josh Malerman, de nationalité américaine, est né à Détroit en 1975. Il est chanteur et parolier du groupe de rock The High Strung. Birdbox est son premier roman couronné du Michigan Notable Book Award.
Son roman est adapté au cinéma.
Dans la maison de Malorie qui élève seule ses deux enfants, les portes sont verrouillées, les rideaux tirés, les matelas cloués aux fenêtres. Tous les habitants qui s’y étaient réfugiés sont morts et tous trois survivent, claquemurés, car dehors un danger terrible risque de leur faire perdre la vie. Des créatures maléfiques, omniprésentes, rôdent autour des humains, les effleurent, les harcèlent dans un péril innommable, dans la mesure où ceux qui s’y confrontent en ouvrant les yeux se donnent la mort avec une violence inouïe. S’aventurer à l’extérieur pour les besoins les plus élémentaires nécessite donc de se bander les yeux.
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Durant quatre années, Malorie éduque ses enfants à affûter leur ouïe. Entendre devient un enjeu vital pour prétendre quitter leur abri précaire. Mais un matin, c’est le départ pour un terrifiant périple jusqu’au fleuve qui doit les mener vers une hypothétique colonie de survivants.
Ce roman post-apocalyptique digne de La route de Cormac Mac Carthy revisite le genre d’une façon époustouflante.
La narration présente deux époques alternatives. HIER, Malorie et ses compagnons d’infortune face à l’envahisseur. Malgré leur tentative désespérée pour lutter courageusement contre l’ennemi et trouver des solutions de survie, ils sont tour à tour éliminés, la laissant seule avec deux enfants nés dans ce milieu de perdition. AUJOURD’HUI, elle et ses deux enfants embarqués sur le fleuve dans une nature environnante hostile avec l’espoir de trouver enfin un univers plus viable, une terre promise difficile d’accès. Ces allers et retours temporels qui permettent de comprendre comment la jeune femme en est arrivée là, créent une sensation d’effroi et d’impuissance face à une fatalité anxiogène.
« Quand tu ouvriras les yeux Malorie, c’est là que tu vas les voir. Le monde entier te sera révélé. Ton horizon se résume depuis bien trop longtemps à des murs et des couvertures. Des escaliers et des tapis. Des seaux à remplir dans le puits. De la corde, des couteaux, une hache, du grillage, des fils de haut-parleur et des cuillères. Des boites de conserve, des bougies et des chaises. De l’adhésif, des piles, du bois et du plâtre. Des années durant, les seuls visages qu’on t’a laissé regarder étaient ceux de tes amis et de tes enfants. Les mêmes couleurs. Toujours les mêmes couleurs. Pendant des années. Des ANNÉES. Est-ce que tu te sens prête ? Et qu’est-ce qui t’effraie le plus ? Les créatures, ou l’idée de voir un million de couleurs déferler sur toi ? Qu’est-ce qui t’effraie le plus ? »
L’ambiance devient de plus en plus oppressante et le lecteur avance à l’aveugle dans ce récit étouffant qui instille une peur viscérale d’autant plus grande que le danger immatériel, évanescent, n’est jamais clairement défini. L’auteur joue avec notre angoisse ancestrale de l’obscurité, de la nuit et donc de l’inconnu qui peut nous tuer comme dans nos pires cauchemars.
Cette peur démarre sous forme d’hystérie collective, mais s’affine tout d’abord par le prisme d’un groupe réduit de personnages que l’on apprend à connaître et qui nous font vivre par identification leur angoisse à travers leurs réactions, leurs émotions ressenties dans la banalité de leur quotidien. Ensuite, c’est avec Malorie et ses deux enfants, des rescapés, que le travail de sape atteint son paroxysme.
Le style épuré, dynamique ne se perd pas en longues descriptions, mais fouille plutôt l’âme humaine, ses sentiments, ses peurs ancestrales.
Ce livre interpelle le lecteur dès les premières pages par l’originalité de la thématique. Ensuite, il l’agrippe aussi violemment que les créatures démoniaques du récit. Quoi de plus effrayant que de s’imaginer vivre un bandeau sur les yeux tout en se débattant contre un invisible funeste ?
Une lecture sous haute tension dramatique qui distille un suspense hallucinant…
À déguster.
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