Mon retour de l'hosto
Bonjour à toutes et à tous !
Je n’ai matériellement pas assez de temps pour vous donner individuellement de mes nouvelles après l’ablation et le remplacement de la partie supérieure de mon fémur droit, dont la tête, par une tringle à rideau de scène semi-rigide en floukénium natif.
Vous serez rassuré(e) d’apprendre que l’accouchement reporté depuis le 16 mai dans la saldop voisine et contiguë s’est passé sans encombre, malgré l’arrivée tardive de la parturiente qui s’est présentée à bout d’habits !
« Enfin, ça a fait mûr ! », ont osé dire d’effrontés plaisantins de passage ! Ça, c’était jeudi dernier. Le lendemain, nous avons attendu en vain l’arrivée d’un convoi militaire se rendant au camping tout proche. Tant mieux pour les pelouses qui ont ainsi échappé aux chenilles et les pancartes qui ont échappé aux tirs de kalach !
Sur le parking, les tanks faisaient désordre avec leurs conducteurs qui n’ont jamais été en mesure de tendre assez loin un bras pour prendre un ticket au parcmètre ! Moi, j’étais assis à la fenêtre, dans un fauteuil en skaï havane moyen, assistant au délicat rangement d’obus dans les armoires de la piscine réquisitionnée pour la cause.
Les quatre jours qui ont suivi m’ont vu multiplier jour et nuit les essais de marche avant et arrière en créneau, aux abords de la tisanerie, à l’aide de mes cannes anglaises bleu de Prusse. Pour me donner l’impression de fonctionner à plein régime, je jouais à imiter des bruits de moteurs avec la bouche. Chaque soir, je n’ai dormi que quelques heures de façon à reprendre la route bien avant l’aube, car les avenues du service sont presque désertes à cette heure. De plus, hier, j’ai poussé seul jusqu’au local de radio où ils passaient Télé-Matin en négatif et j’ai fait le chemin en sens inverse — mais je ne dirai pas lequel — pour revenir boucler ma valise. Le départ était imminent !
Au sous-sol, une dame qui disait se prénommer Mélodie m’a pris en charge dans un véhicule blanc dont la carrosserie était envahie par une foule d’inscriptions inutiles et répétées partout, partout. Elle m’a ramené à la maison en faisant un crochet par le supermarché local pour ses commissions hebdomadaires. Avec mes cannes, je n’aurais pas pu l’aider à ranger le contenu de ses trois caddies dans le coffre. Elle s’en doutait et c’est bien pour ça qu’elle ne m’a rien demandé. Sur la route, on a vu un petit cirque qui semblait fermé depuis longtemps. Déjà, à l’aller. On ne s’est pas arrêtés ; il était fermé. Mais on aurait pu s’arrêter. On n’a même pas hésité.
Mon retour fut plus qu’amical ! De nombreux voisins s’étaient rassemblés sur les usoirs, portant parapluies et bouquets (de fleurs, bien entendu ! sinon je ne vois pas ! Vous imaginez, vous, un bouquet de barbelés, de skis de fond, de chaînes de tronçonneuse ou de feuilles d’imposition ?). Ma famille (très proche : ceux qui vivent sous mon toit dont je ne suis propriétaire que pour moitié) était là, brandissant affectueusement des balais d’essuie-glace en raison du temps automnal fort pluvieux.
Le soir même, plusieurs footballeurs suédois m’ont adressé leurs vœux de prompt rétablissement : Jatank Alberssonn, Kark Assonn, Kébello Korassonn, Fépala Garsonn, Kitkar Sonn, Bedu Dsonn, Labrab Hannsonn, Jteu Soupsonn, Kirr Hiéhéléissonn, Jteut Ronsson... J’ai été très étonné.
À présent, tout va bien ! Quelques petits mots à certains d’entre vous. Ils se reconnaîtront, va ; sinon tant pis !
Claudine, merci d’avoir pensé, à l’occasion de mon retour, à m’envoyer le mode d’emploi du presse-purée, que je t’avais demandé depuis... 95, quand nous t’avons croisée à la fête de la musique.
Robert, pourquoi as-tu laissé traîner à Laval ta boîte de pastilles Vichy qu’on m’a envoyée par erreur ? Heureusement que je l’ai reconnue !
Bernard, merci de m’avoir fait parvenir par Chronopost le dernier CD de Claude Guéant. Il était malheureusement rayé, donc inaudible. De plus, il lui manquait une voix !
Pierrot, je sais toute ton amitié pour moi. Tu vas me trouver exigeant et chipoteur, mais la dernière fois aussi, tu m’avais fait le coup ! Étourderie sans doute ou immense désir de me faire plaisir. Mais la portion de hachis mélange porc et bœuf assaisonné à la cannelle, à la banane séchée et macéré dans un Käferkopf (prononcer kèfeurcopf, en Alsacien) 1986 n’a pas supporté le transport. Même en dessert, avec un soupçon de sucre roux : immangeable ! Ses tout nouveaux occupants auraient pu en témoigner. Rien qu’à leur couleur !
Marie-Thérèse, ton ouvrage d’entomologie traitant de la sexualité réprimée et saisonnière des cafards dans le département des Hauts de Seine n’a pas connu tout le succès que tu pouvais escompter. Rien que le sujet déjà ! Pourtant, il m’a l’air très convivial ! Je tenterai d’en reprendre la lecture quand je serai complètement remis d’un panaris au pied, au doigt et à l’œil, qui arrive à grands pas. Ça ne serait pas aisé de tourner les pages avec un pansement. Merci quand même !
Alain, j’ai eu connaissance de ta visite à l’hôpital, au matin du 17 courant. Je devais être en saldop ; tu aurais pu pousser discrètement la porte pour t’en assurer. Le chirurgien que je connais bien (il m’a déjà changé les rotules, une demi-épaule et un billet de 20 en monnaie, pour le distributeur de l’entrée) n’aurait rien dit. Mais pourquoi n’as-tu pas cherché à me trouver en chambre 452 ou même 542, enfin, à chaque étage, au lieu de passer trois heures un vendredi, à tenter de libérer un type que tu ne connaissais même pas et qui était resté coincé dans le cabinet de toilette ? Enfin, ça lui aura fait plaisir. De plus, tu n’avais aucune excuse, car, habitant tout près de l’hôpital, tu aurais pu avoir l’idée de regarder avec tes jumelles pour tenter de m’identifier à une fenêtre. La prochaine fois, demande à l’accueil. Je te ferai de grands signes, à une heure convenue entre nous, à l’aide de l’urinal rempli de mercurochrome pour être visible de loin à l’œil nu.
Enfin, Christophe, Grégoire, Jennifer et Lionel, vous vous êtes fait rudement remarquer en traversant les salles de réa avec vos palmes, vos tubas et vos maillots vert caca du Crédit Agricole. De plus, en apnée, alors que c’était strictement inutile. Heureusement que personne ne vous a reconnus ! Pensez tout de même à rendre le matos aux services de la piscine municipale. Il sera rangé avec les obus.
Je pense n’avoir rien oublié. Dans le cas contraire, je m’empresserais (ou m’empresserai) de vous envoyer un mail. N’hésitez pas à me téléphoner. Je ne sortirai guère au début. Verglas annoncé. Du lit à la fenêtre et puis du lit au lit…
Mes pensées amicales, de grosses bises, selon votre situation sociale, familiale, conjugale et géographique.
Hubert
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