Par Monique VILLAUME
Chaque mois, Monique vous propose le parcours et les ramifications de trois mots français courants.
Obèse. Nom et adjectif. Ce mot est repéré tardivement chez le grand gastronome Brillat-Savarin (1825) dans un sens passif que l’on imagine mal aujourd’hui : rongé, miné, au propre comme au figuré, donc maigre. Ā l’époque impériale, le mot a développé un sens actif contraire, qui ronge, qui dévore, et par métonymie, gras, replet.
Le mot s’emploie dans le langage courant ou médical pour désigner une personne anormalement grosse. Il est curieux que les mots obèse, obésité aient été découverts sous la plume de ce colosse aimant la bonne chère. Né en 1755 à Belley, où le Rhône sépare encore la France de la Savoie, il y fut avocat et maire, mais c’est surtout comme gastronome et écrivain culinaire qu’il se fit connaître, notamment grâce à son chef-d’œuvre d’art culinaire et d’humour : la physiologie du goût.
Obole. Nom féminin venant du grec obolos désignant une monnaie athénienne. C’est aussi le nom d’une mesure de capacité. Argent et poids ont toujours été liés, on pesait des objets avec des pièces de monnaie ou même, à l’origine, avec des barres de fer ou de cuivre.
Le français n’a pas échappé à la tradition : jusqu’au XVIIIème siècle une obole était une monnaie de cuivre d’un demi denier et était utilisée comme poids. On trouve encore fréquemment des pièces de monnaies dans les boîtes de poids des balances anciennes. Comme toutes les petites monnaies, (kopek, sou), obole fut utilisé dans le sens de cadeau de peu de valeur. Donner une obole, donner une toute petite pièce. Certains mendiants ont pu dire : Je ne demande pas l’aumône, ou je ne demande pas l’obole. Il y a parfois confusion de ces deux mots, le premier relevant du vocabulaire religieux.
Obscène. Adjectif. Du latin obscenus, terme de la langue augurale c'est-à-dire des augures (oiseaux, présages). Le mot signifiait donc : de mauvais augure, sinistre, immonde, à ne pas montrer, ni regarder. Sale, immonde, à ne pas voir, tout simplement.
Trouver une étymologie facile : ob = devant + scène→ avant-scène, est tentant, mais réfuté par le linguiste Alain Rey : « obscène ne se laisse pas plus analyser qu’obscur, même en latin.»
Le sens récent de ce mot fait appel à l’impudeur, l’indécence.
Le substantif obscénité est employé au pluriel dans le langage moderne, dire des obscénités, des choses ou des mots inconvenants, souvent dans le domaine sexuel.
On trouve dès 1663 un singulier collectif bien repris aujourd’hui pour souligner le caractère choquant d’un discours ou d’un acte, en matière d’équité salariale par exemple, où la trop grande disparité entre les plus hauts et les plus bas salaires est jugée obscène.
Les insolites des étymots en un clin d’œil.
À la manière de Philippe Bouvard…
Savez-vous qu’il existe sérieusement des hommes-obus pour faire le pendant des femmes-canons ?
Que le désuet occire a dû, dans l’histoire, céder sa place au banal tuer ?
Et cela simplement pour la difficulté rencontrée à le conjuguer ? Amusez-vous donc à trouver le passé-simple d’occire, ou même son futur ! Il y avait de quoi se décourager de passer à l’action, faute de pouvoir la prévoir dans le futur ou la relater dans le passé !
Les journalistes sont certainement ceux qui ont renoncé à occire en premier !
Objectif. On dit que dans objectif, il y a objet, une chose concrète que l’on peut toucher, ou du moins juger avec impartialité. Mais quand l’objectif devient un but à atteindre, on ne peut le toucher au but ! Et où est l’impartialité quand les objectifs sont douteux ?