LA RECONSTRUCTION DE MONTFAUCON D’ARGONNE
APRES LA GRANDE GUERRE
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L’histoire de Montfaucon remonte à l’année 597 quand Saint Baldéric venu de Reims, guidé par un faucon, créa un premier oratoire sur la butte de Montfaucon. D’où le nom du village Mont Faucon. Au 9e siècle, Charlemagne développa le village qui s’agrandit au fil des siècles jusqu’à compter plus de 1500 habitants au 16e siècle. Une magnifique collégiale dédiée à Saint Germain à l’origine puis à Saint Laurent après la Révolution française, datée du 13e siècle, ornait le haut de la colline, visible de toute l’Argonne. Elle fut détruite à de nombreuses reprises par des envahisseurs : Vikings, Hongrois, Guerre de Cent ans et de Trente ans… Toujours reconstruite. Montfaucon était un village magnifique construit en pierre avec un château et de superbes maisons de maître. Hélas, la Grande Guerre allait donner au village et à sa magnifique collégiale le coup de grâce. Montfaucon comptait 763 habitants en 1914.
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La collégiale Saint-Germain |
Montfaucon Grande rue en 1913 |
Les Allemands occupent Montfaucon dès le 3 septembre 1914. Le village est brûlé et la collégiale détruite en grande partie. Ils investissent et fortifient la butte qui domine toute l’Argonne ; elle est devenue un lieu stratégique avec de nombreux blockhaus, des sapes, des tunnels souterrains, un observatoire dit du Kronprinz camouflé dans le château Leriche, des emplacements de canons et mitrailleuses, une troupe allemande en grand nombre… Le Kronprinz s’y rendra à de nombreuses reprises.
Ce sont les Américains de la 37e et de la 79e Division américaine qui libèrent rapidement Montfaucon le 27 septembre 1918. La collégiale et le village tout entier sont un champ de ruines. Les habitants qui ont fui dès le début de la guerre ne peuvent même pas réintégrer leur village qui est déclaré en zone rouge interdite tant le paysage est dévasté. L’Etat français rachète ces terrains privés aux particuliers. Les réfugiés de retour vont devoir occuper provisoirement le « camp boche » sur la route de Cierges.
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Le camp "boche" occupé par les habitants de retour |
Des baraquements en bois dits « baraques Adrian » sont également construits le long de « la route des boches », route créée par les Allemands en contrebas de la butte. Tout est à reconstruire : maisons des habitants, fermes des agriculteurs, bâtiments publics, église, mairie, écoles, gendarmerie, caisse d’épargne, commerces… Tout un nouveau village ailleurs ! De plus l’administration française doit retrouver des repères, remettre en place tout ce qui fait le fonctionnement d’une collectivité. Des élections ont rapidement lieu pour élire maires, conseillers généraux, députés.
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Montfaucon en ruines |
Il faut rapidement déblayer les ruines, reboucher les tranchées, désobuser, ramasser des tonnes de munitions, enlever les fils barbelés, reboucher les milliers de trous d’obus, remettre les sols en état, aplanir la terre, reconstituer la forêt, enlever les troncs mitraillés, remettre l’adduction d’eau, rétablir les voies de communications... Il faut relancer l’agriculture : retrouver des semences, racheter des chevaux, trouver des machines agricoles, relancer l’économie et le commerce… Il faut recréer tout ce qui faisait la vie d’une collectivité avec tous les métiers et tous les artisans. Le préfet de la Meuse autorise les premiers réfugiés à rentrer seulement au printemps 1919. L’Etat va devoir lancer plusieurs emprunts pour faire face au coût de la reconstruction.
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Baraques Adrian occupées par les habitants de retour |
Il faut s’imaginer que, dès l’Armistice signé, toutes sortes de troupes parcourent le territoire de Montfaucon et des villages environnants. Les USA créent en urgence le cimetière américain de Romagne. Pour cela, des régiments américains parcourent tous les villages à la recherche des dizaines de cimetières provisoires afin d’exhumer les corps des 29 000 soldats US tués durant l’offensive Meuse-Argonne. La moitié rentrera au pays par péniche puis par paquebot.
L’Etat décide rapidement que la reconstruction de Montfaucon ne peut être envisagée sur la butte. L’emplacement est décidé et ce sera en bas de la butte. Un plan d’alignement est conçu par le cabinet d’architectes Martineau de Poitiers. Afin de bénéficier des dommages de guerre, les familles doivent remplir de multiples formulaires pour faire un état de leurs pertes mobilières et immobilières. Devant le nombre important de fermes à reconstruire des plans-types sont élaborés par les architectes. Les villages s’organisent, les habitants se regroupent et créent des coopératives de reconstruction afin de mieux défendre leurs droits. L’évêque de Verdun, Monseigneur Ginisty, crée une coopérative de reconstruction des églises face à la lenteur de l’administration pour reconstruire les églises. Le cabinet Martineau dresse les plans de l’église dédiée à Saint Laurent qui sera reconstruite à l’identique mais aux 2/3 de l’ancienne collégiale. Elle est inaugurée le 25 juillet 1931. Plusieurs artistes décoreront de magnifiques fresques ces églises comme Duilio Donzelli à Esnes, Cierges, Véry, Cunel, Epinonville… ou Lucien Lantier à Woël, Fleury, Cumières… ou Louis Barillet à Romagne-sous-Montfaucon.
Dans le département de la Meuse, 35 770 immeubles sont détruits. Sur 586 communes, 334 sont totalement ou partiellement dévastées. 171 villages sont détruits à 50 %. La Loi Cornudet du 4 mars 1919 fixe les règles de remboursement des dommages de guerre.
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Montfaucon occupé par les Allemands et libéré par les Américains |
En ce qui concerne Montfaucon, c’est le cabinet d’architectes Martineau de Poitiers qui va gérer la reconstruction. Il effectue la reconstitution foncière, conçoit un plan du village avec de nouvelles voiries et fixe l’emplacement des bâtiments publics. Martineau élabore également les plans des maisons particulières. Cette reconstruction coûte très cher. Les dommages de guerre payés par les Allemands selon le Traité de Versailles tardent ; ils n’en paieront que 10% !!! Un grand élan de solidarité s’effectue dans le monde entier et Montfaucon bénéficiera de l’aide financière de la Société de bienfaisance de Madrid, de la commune de Palestro en Kabylie, Bouira maintenant, de la commune de Pont-L’Abbé, des mines de Pennaroya en Espagne et de l’état américain de l’Ohio, qui, en souvenir de la 37e DIUS qui a combattu à Montfaucon, financera la construction de l’Hospice de Montfaucon inauguré le 29 septembre 1929. En 1933, la coopérative de reconstruction de Montfaucon est dissoute, considérant que le village est définitivement reconstruit. La reconstruction amène des architectes venus de toute la France. Les ouvriers sont de toutes nationalités. Les soldats américains aident au déblaiement des ruines avec leurs bulldozers. Des prisonniers russes et allemands travaillent sur les chantiers encadrés par l’armée française. Des immigrés polonais, italiens, espagnols sont recrutés. Au milieu de tous ces travailleurs et soldats, la gendarmerie de Montfaucon a fort à faire car les rixes et les coups de feu sont nombreux.
Après quatre années de guerre, Montfaucon a perdu presque la moitié de ses habitants. La vie revient petit à petit. Il faut recréer du lien social, de la vie collective. Les anciens combattants honorent régulièrement la mémoire des héros morts au combat. Le monument aux morts est inauguré le 25 septembre 1927. En 1935, le village a pris sa forme quasi définitive. La vie a repris normalement rythmée par les cloches de l’Angélus.
Mais un gigantesque chantier attend encore les habitants, à savoir la construction du mémorial de Montfaucon : un monument d’Etat construit pour honorer les soldats tués au combat et commémorer l’Offensive Meuse-Argonne. Les travaux débutent en 1929 et se terminent en 1934, soit trois ans avant l’inauguration officielle qui a lieu le 1er aout 1937, et qui verra la participation des plus hautes autorités, dont le général Pershing. Un message radiodiffusé du président des Etats-Unis sera entendu par plus de 8 000 personnes présentes.
On peut dire que cette année 1937 clôt les affres de la Grande Guerre. Les habitants ont retrouvé leurs repères et la vie qui faisait autrefois la gaieté du village. Hélas ! Ils ne se doutent pas que trois années plus tard les Allemands envahiront encore le village !!!
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Le village actuel |
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