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Par Jean-Luc QUÉMARD

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Si Clermont m'était conté (dernière partie)
Clermont devient française

 

Compte tenu de la complexité du sujet, il ne s’agit pas ici de traiter toute la période française qui serait trop longue à relater étant donné les répercussions dévolues à cette dernière, mais simplement d’en commenter les principaux revers.

Le duc Charles IV, n’écoutant que son côté versatile, continua à intriguer avec le roi d’Espagne et mit fin au traité signé en janvier 1632. À la suite de cette rupture, Louis XIII, à la tête de son armée, après avoir pénétré dans le duché, investit Bar, Saint-Mihiel, Pont-à-Mousson et Liverdun. Il contraignit le Duc de Lorraine à signer le 26 juin 1632 un nouveau traité dont la finalité était d’obtenir la cession de Clermont, Stenay et Jametz.

Le premier gouverneur de Clermont en la personne de Monsieur de Charnacé y institua une prévôté royale placée sous le gouvernement de Metz. Les débuts de Clermont en tant que ville française, ne furent pas sans difficultés. En effet, le passage des troupes dans Clermont et les localités environnantes eut comme conséquence de causer la peste. On déplore alors en une quinzaine de jours plus de cinq cents décès, rien qu’à Sainte-Menehould. Non seulement ce fléau causa des ravages mais des désordres furent causés également par des pillards qu’on surnommait les Croates ou Cravates à cause de leur origine, voire Schenapans[1], Pandours[2]. Des contraintes financières virent le jour afin de pourvoir à l’entretien des chevaux de la troupe (il était exigé que la communauté paye six cents livres de foin et d’avoine quotidiennement). Puis la peste reprit en 1637 où un tiers de la population de Clermont disparut. S’ajoutèrent aux peines des paysans dans les années 1638-1640 des hivers rigoureux, des étés catastrophiques et les mauvaises récoltes, surtout dans le domaine des céréales. Ceci causa une famine parmi la population qui, malgré ces péripéties, devait entretenir la troupe d’occupation.

Clermont passe au prince de Condé.

En 1648, la régence instituée pendant la minorité de Louis XIV permit aux seigneurs de récupérer leurs anciens domaines et privilèges, ce qui causa à nouveau une période d’instabilité dans la région. C’est ainsi que Louis II de Bourbon, Duc d’Enghien, prince de Condé après avoir conquis Rocroi et Lens fut récompensé par l’octroi des villes de Clermont, Stenay, Dun, Jametz, Varennes, Montzéville. Ces localités réunies sous un même nom devinrent la principauté du Clermontois. Le prince tel un monarque put y exercer tous les droits royaux, sauf la justice suprême qui était réservée au parlement de Paris.

Le prince encaissera également toutes les taxes, impôts, les revenus, les procès et amendes ainsi que la gabelle, impôt sur le sel, dont le commerce est libre, la Lorraine étant un grand fournisseur de sel grâce aux salines de Marsal (Moselle). Cette dernière est soumise désormais à une réglementation rigoureuse qui voit les prix du sel augmenter d’une façon drastique, ce qui causa un grand mécontentement parmi la population et surtout favorisa les contrebandiers qui en firent un commerce lucratif et ce, malgré les risques encourus (peines pouvant aller jusqu’aux galères à perpétuité). Ces derniers continueront leurs méfaits jusqu’à la révolution.

Le comte de Chamilly, délégué du prince de Condé, prit possession de Clermont le jour de Noël 1648. Dès le lendemain, le maïeur[3] réunit la municipalité pour procéder à l’élection des fonctionnaires municipaux, une délégation fut envoyée à Paris pour assurer le prince de « la bonne volonté des habitants de la dicte communauté comme aussy[4] des cœurs, corps et soumission de tous les bourgeois ». Voulant s’accorder les bonnes grâces du prince, la municipalité offrit des présents et fit lever une « taille de six cents livres sur tous les bourgeois et habitants ». Malgré cela, les premiers contacts des Clermontois avec les nouvelles autorités soulevèrent bien des problèmes et courant février, la municipalité envoya à nouveau une délégation pour obtenir l’amélioration du cadre de vie des administrés. Louis de Bourbon accorda l’allègement de certains prélèvements obligatoires sur le financement dévolu à l’entretien des troupes, la décharge des contributions extraordinaires, l’exemption des droits payés par les tavernes, l’exemption des taxes de sortie des marchandises de la localité, le paiement des grains fournis à la citadelle. Cette nette amélioration contribua à la joie retrouvée des habitants. Les Clermontois allaient pouvoir s’adonner à l’achèvement de l’édification de leur église, ceci, après pratiquement un siècle de travaux.

Puis Clermont connaîtra moult revers, la localité subira plusieurs sièges et repassera en 1650 aux mains de Louis XIV, après la déchéance du prince de Condé par Mazarin qui eut vent d’un complot ourdi contre le jeune Roi. Clermont sera assiégé à nouveau par le prince de Condé en 1652[5] et en 1654 par le comte de Brinon. La cité capitulera le 23 novembre. Si Clermont revient à nouveau au Roi en décembre 1654, cette dernière repassera aux mains des Condé en 1660, et ce, jusqu’en 1784.

La fin du Clermontois.

Durant cette longue période, la production en céréales, fourrage, bétail, vin est satisfaisante pour la population. Malgré des industries en plein essor dont la très renommée faïencerie de Clermont, les forges, la verrerie, l’exportation du bois, cette principauté manque d’argent, ceci étant dû à l’importation de produits manufacturés qui occasionne une balance commerciale négative. C’est cette principale cause qui engendrera un nouveau traité, celui du 15 février 1784 entre le Roi et le prince de Condé. Ce dernier met fin à l’autonomie par abandon des droits et impôts au monarque et s’aligne sur la Champagne. L’ouverture de la frontière ouvre des brillantes perspectives, l’installation de nouvelles entreprises, dont celle de l’industrie du textile qui se développe et emploie la main d’œuvre enfantine[6] (à partir de six ans), les gros travaux étant réservés aux adolescents de quinze ans. À nouveau, l’administration royale réinstaure le prélèvement d’impôts, ce qui contribuera à appauvrir une partie de la population. En 1787, la communauté dépêche le baron de Pouilly pour qu'il intervienne auprès du roi afin de demander la conservation des anciens privilèges et de réintégrer les trois évêchés ou le Barrois mouvant. Hélas, la révolution met fin à ce projet et le décret du 15 mars 1791 voté par l’assemblée constituante révoque le traité de 1648. Le Clermontois a vécu.

À l’issue de la guerre de 1870-1871, Clermont sera occupé par les Allemands jusqu’en 1873. Le désastre de la grande guerre laissera Clermont dans la peine, celle-ci sera éprouvée par les nombreuses destructions et Sœur Gabrielle sera la figure de proue de la résistance clermontoise face à l’envahisseur. Pendant la deuxième guerre mondiale, Clermont sera marqué le 30 juillet 1944 par l’arrestation de 112 habitants dont une centaine d’hommes seront envoyés dans les camps de la mort. Seuls, vingt-huit en reviendront, cet épisode malheureux est la suite désastreuse d’une attaque menée la veille dans le bourg par un groupe de résistants[7] contre un petit convoi allemand.

Louis ii Henri iii Louis iv Louis v
Louis II de Bourbon
(1648 – 1686)
Henri III de Bourbon
(1686 – 1709)
Louis IV de Bourbon
(1710 – 1740)
Louis V de Bourbon
(1740 – 1784)
Les différents comtes de Condé qui régnèrent sur le Clermontois (dates des règnes)


[1] Ce mot désignait ceux qui réclamaient du « schnaps ».

[2] Fait référence à la Pandore mythologique dont la boîte renfermait tous les maux de l’humanité.

[3] À l’époque ce mot désignait le maire.

[4] À l’époque ce mot s’écrivait ainsi.

[5] C’est au cours de ce dernier, qu’un jeune homme de dix-huit ans se distingua : Sébastien Leprestre Vauban.

[6] Les premières traces historiques du travail des enfants remontent à 1572, époque à laquelle ces derniers participent à l’exploitation minière dans les Vosges Saônnoises.

[7] L’un deux, Monsieur André Perrin sera fusillé le 31 août 1944, son corps sera retrouvé dans le charnier « dit de Tavannes », à proximité du tunnel ferroviaire éponyme, situé au nord-est de Verdun.

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