par Daniel DUBOURG
Jeux de mains à tour de bras : c'est le pied !
S’il y a des jeux de mots laids, il y a aussi de vilains jeux, ceux de mains qu’il ne faut jamais remettre au lendemain. Comme il se doit, on s’étonne de l’apprendre.
Un syphon les petits maris honnêtes, comme l’aurait dit ma concierge qui avait une bougie sympathique et qui était toujours de mèche pour donner un coup de main, même si sa maladresse la conduisait souvent à s’y prendre comme un pied.
Les déménagements étaient inévitablement source de mésaventures et d’anecdotes. Dès l’aube, on était sur le pied de guerre. On se donnait la main, on se prêtait main forte. Certains avaient fait des pieds et des mains pour obtenir un jour de congé, dénicher une camionnette sur le pouce. Et on les attendait de pied ferme. À ce jeu, Tom était virtuose. Tous avaient le cœur sur la main. Il fallait y aller à l’huile de coude. À midi, on prenait un casse-croûte sur le pouce et tout juste un doigt de mirabelle.
Le propriétaire acariâtre n’aurait pas levé le petit doigt pour nous donner un coup de main. Mais il n’aurait pas fallu qu’il vînt nous adresser une réflexion déplacée ! On l’aurait vite mis à l’index et l’un de nous aurait été capable de lui faire un bras d’honneur ! Nous savions nous défendre pied à pied et veillions à ce que rien ne tournât à la foire d’empoigne.
Nous étions comme les cinq doigts de la main, et pour la fête à bras, nous portions les objets légers à bout de bras, parfois à bout de souffle, aussi ! Nous aimions avoir les coudées franches, un poing c’est tout.
Pour les objets lourds et encombrants à transporter, nous avions le compas dans l’œil et nous évitions ainsi de nous y mettre le doigt. Il y avait, parmi nous, des femmes à poigne qui soulevaient des charges à bout de bras ou à la force du poignet.
Parfois, nous marquions une courte pause au cours de laquelle nous chantions en do majeur ou en lamineur (ce qui plaisait beaucoup aux sidérurgistes !) Nous parlions toujours, comme il se doit, de l’auriculaire avec le respect qui lui était dû, parce qu’il avait l’art d’accueillir les chevalières, savait favoriser les alliances que son propriétaire payait rubis sur l’ongle, surtout si ce dernier, réincarné, venait d’Amérique.
Un jour, il advint que nous nous présentâmes à la porte d’une maison louée que nous trouvâmes close. Dieu soit loué, les nouveaux locataires, déçus, relurent le contrat qu’ils avaient retrouvé après un moment d’égarement et l’annulèrent…