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Par Édith PROT

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Henri Auger
(Montmédy)

 

Si beaucoup de victimes de la bataille de Verdun reposent (hélas !) encore dans le sol de la zone rouge, les plus nombreux purent recevoir une sépulture décente grâce au dévouement de leurs camarades qui ramenèrent leur corps, souvent au péril de leur propre vie. Avant de placer les cadavres dans les cercueils de bois blanc qui arrivaient par camions entiers, quelques hommes recueillaient les objets personnels qu’ils trouvaient sur eux afin de les faire parvenir aux familles. C’est ainsi que l’on découvrit sur l’un d’eux un crucifix et une représentation du Sacré-Cœur entourés de caractères japonais. Le mort, un brancardier, ne semblait pourtant pas venir du bout du monde, ce que l’examen de ses papiers confirma sans équivoque. Il était né à Montmédy à quelques dizaines de kilomètres à peine de l’endroit où il avait trouvé la mort. Alors, comment expliquer la présence de kanjis japonais dans la poche de sa capote ?

Henri Auger nait en 1883 à Montmédy. Il y demeure peu de temps, son père étant militaire et changeant fréquemment de garnison. Orphelin de mère très jeune, il mène avec ses sept frères et sœurs une existence à l’organisation à la fois militaire et religieuse au sein des diverses casernes où la famille réside. Henri va d’ailleurs hésiter quelque temps entre l’armée et la religion puisqu’après être entré au séminaire, il le quitte pour effectuer son service militaire sous les ordres de son père puis finit par choisir d’entrer dans les ordres. Cependant, ne se sentant guère attiré par la vie monacale, il demande à intégrer le séminaire des missions étrangères. Une fois ordonné prêtre, il part pour Sendai, au Japon, où il passe une année à étudier la langue et apprendre les coutumes locales, préambule indispensable si on veut obtenir une paroisse. Pendant son temps libre, il participe à la reconstruction de l’intérieur de la cathédrale de Hakodate qui a brûlé trois ans plus tôt. Son efficacité et ses dons pour l’architecture lui valent une réputation flatteuse et, même une fois installé dans la petite paroisse d’Asahigawa, il sera souvent appelé par des confrères pour la construction ou la décoration de nouvelles chapelles. On lui confie ensuite une paroisse plus importante, Hirosaki, mais il n’aura pas le temps de s’y distinguer, car il est mobilisé pour la Première Guerre mondiale. Le retour en France n’est pas des plus paisibles, car de nombreux navires allemands surveillent les lignes maritimes.

Son bateau doit faire de longs détours avant d’arriver à destination en octobre 1914. Incorporé comme sapeur au 7e Régiment du Génie, il se porte volontaire comme brancardier-aumônier. Bien que normalement dispensé de travaux en raison de cette affectation, il rejoint souvent ses camarades pour creuser et terrasser, prétendant qu’il le fait « pour se réchauffer». Blessé en 1915 à Angres, il est cité à l’Ordre de la Division puis, à peine rétabli, il repart au front. C’est au cours d’une mission de transfert de baraquements dans une zone de combat à l’arrière de Montzéville qu’il est déchiqueté par un obus. Il ne reverra jamais son cher Japon dont il parlait souvent le soir avec ses camarades qui évoqueront longtemps avec émotion leur aumônier et ses étonnantes moustaches « à la chinoise », dernier vestige de la longue barbe de missionnaire qu’il avait dû sacrifier au moment de son incorporation.

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Commentaires

  • serge beyer

    1 serge beyer Le mardi, 08 janvier 2019

    Décidément, avec Christian Cantos, artiste de Plume Surprise et cet Henri Auger, la Lorraine gaumaise, et plus précisément Montmédy, est à l'honneur dans ce numéro ! L’écriture alerte avec toujours un coin de sourire caché entre les lignes attise l’intérêt de partir à la découverte mensuelle de l'illustre inconnu meusien ! Encore..!

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