Poussées d'écrits
— Il faut sauver le para Graff ! tu sais qu’il vient de sauter sur une mine en voulant passer les lignes adverses. On dit qu’il y a eu de la casse.
— J’ai vu en effet rôder quelques pages de garde. Et ceux qui ont voix au chapitre disent qu’il n’est qu’une couverture. Mais enfin, quoi qu’il en soit, s’il est capturé, il n’y aura guère d’espace pour sa sauvegarde ; et il portera forcément le chapô et n’échappera pas à la peine capitale. On dit que la police est sur l’affaire. Dans ses rangs, on trouve toutes sortes de caractères. Les gras sont les plus impressionnants, car ils ne savent que donner des corrections sans aucun avertissement, et cela fait mauvaise impression ! Mais on dit aussi que les italiques ont un mauvais penchant.
— Justement, il serait grand temps de donner un coup d’arrêt aux pages. Avec des comportements aussi sommaires, il vaut mieux se tenir à carreau, surtout s’il est question de liberté.
— Oui, et il en est bien question ici. Le philosophe ne dit-il pas « que l’homme soit libre et rie » ?
— Ben oui ! Culture et lecture aident à ne pas devenir un âne…
— ? ?
— Ben oui ! As-tu déjà entendu quelqu’un qui lit braire ?
— Euh ! Non !
— C.Q.F.D. Et pour finir, notre para Graff est soupçonné, voire accusé de mouiller l’encre, ce qui ne le rend guère sympathique. Son dernier ouvrage « Réduction des Neurones », dans lequel il se livre, serait imprimé à l’encre de marine.
— Je ne comprends pas !
— Serais-tu devenu dur de la feuille ? Dans ce bouquin, il serait question d’un arrêt biblique en marge. Encore de quoi lui voler dans les plumes !
— Et si nous parlions d’autre chose ?
— D’accord, mais je voulais simplement ajouter que les blessures du para ont été cousues par agrafes. Au fait, de quoi voulais-tu parler ?
— D’un changement de régime, justement ! Cette fameuse ligne, pour la garder, il faut absolument manger du maigre et ne pas vouloir à tout prix aller à la pêche au gros avec filets et entrefilets, car souvent ce dernier colophon.
— C’est ce que croit l’électeur, bien sûr ! Forcément, c’est juste avant la table des matières…
— Il y a là de quoi méditer. Alors, on va se le manger, ce millefeuille ?
— Ce n’est pas un coup à perdre plusieurs livres, ça !
— Bon ! C’est oui ou c’est non ?
— C’est yes !
|