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LA BALLERINE
Offerte et refusée, à la fois fugue et don,
Éternel féminin à l’hésitant visage,
Rose qu’on croit ouverte alors qu’elle est bouton,
Équilibre aérien sur ligne de partage…
Tantôt mimant l’amour aux sauvages ruades,
Tantôt fermant les bras sur la Vertu touchée,
Un jour Ève à la Pomme, un soir effarouchée,
Bacchante un bref instant, puis pudique Naïade…
Qui donc devinera, secrètes ballerines,
Étoiles de lumière ou rats au frais minois,
La discrète raison de semblables émois,
Et la source cachée du feu qui vous anime ?
Danse, transe, magie et langue initiatique,
Je vous parle bien moins que je ne vous comprends…
Le message s’impose et vous ouvre l’instant
Ou l’aile du Plaisir se gonfle à la Musique !
Blancs chaussons arcboutés dans l’attente indécise
Du rapide entrechat ou de l’essor vainqueur,
Vous tracez sur la scène et sur les yeux du cœur
Des cercles de compas aux vertus imprécises…
Danse : fête charnelle où l’âme, cependant,
Se désenglue toujours et, par instants, s’élève,
Où les pas répétés pour pointiller le rêve
Le laisseront se fondre en un nuage ardent…
Danse et vole, ballerine,
Cygne mourant, Ghisèle ailée,
Au paradis de mousseline,
Ludmilla, Jeanine brûlée,
Danseuses étoiles adulées,
Fées aux limites du Permis…
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Le petit rat s’est endormi.
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